Jadis chez Assos, il était relativement facile de s’y retrouver. Bon, ceci dit, ça remonte à loin, avec l’excellente série 5 dont j’ai encore un cuissard totalement opérationnel en longue distance… après une bonne douzaine d’années de service ! J’avoue, la mousse s’est un poil tassée, mais pas tant que ça. Cette longévité m’a permis par la suite de faire l’impasse sur la série 7, qui de toute façon ne m’avait pas convaincu !
Aujourd’hui, les déclinaisons se sont élargies, pas facile de s’y retrouver dans une gamme curieusement déclinée. En effet, tous les cuissards sont « plus mieux »… Alors, meilleurs que la concurrence – ça va de soi – c’est le jeu du marketing ; mais que sa propre production, ça laisse songeur. En effet, tous les modèles sont le summum pour votre postérieur, vu que la gamme commence avec un CT Total Confort. Si le confort est déjà total à ce niveau, difficile en toute logique de faire mieux ! GT, GTS, CTC, GTO, sont donc tous plus prodigieux les uns que les autres, et on n’y comprend rien ! Bref, ce Mille GTC C2 semble être adapté pour la longue distance, et cerise sur le gâteau, conçu pour une utilisation cyclocross… oh pardon, faut dire « gravel » maintenant. Donc en vertu du principe du qui peut le plus peut le moins, si le confort est au rendez-vous sur les chemins pourris, il devrait être là et bien là, sur les routes – normalement – lisses au goudron civilisé ! Voyons ça.
Une fois délesté d’une somme non négligeable – c’est le principal défaut d’Assos, la crème de la crème écrème aussi les portefeuilles – la boîte entre les mains donne d’emblée une impression de qualité, presque trop luxueuse… mais au fond pour quoi faire ? On ne va pas aller pédaler avec le carton. On ne va pas non plus se balader partout en agitant la boîte façon de dire « vous avez vu ce que j’ai acheté », ni la garder en souvenir. C’est sans doute idiot, mais les fioritures superflues dans un contexte de planète qui se meurt à petit feu me mettent mal à l’aise. Bon, l’emballage inutilement tape-à-l’œil n’en parlons plus, libérons le cuissard. Là, tout de suite on se rend compte de l’embonpoint du chamois, non plutôt du fond, encore non du rembourrage, voire de la couche-culotte, car on ne peut pas dire autre chose tant son épaisseur est colossale ! Dans les 2cm d’épaisseur, là où un cuissard typé longue distance n’en a traditionnellement que la moitié, et c’est déjà épais… Mais nécessaire. Ici, cette surépaisseur pourrait poser un problème si votre selle est réglée au millimètre près… car forcément – avec le rembourrage supplémentaire – vous aurez les jambes trop tendues. Attention donc, à la hauteur de selle par rapport à des cuissards davantage standards ; ça, c’est dit.
Tout aussi étrange, l’assemblage du fond qui n’est pas cousu sur tout son périmètre, mais seulement de façon ponctuelle, baillant de partout, laissant voir ses différentes composantes. On se retrouve face à une espèce de bête morte aux entrailles béantes ! Il y a là comme une grosse impression de quelque chose de bâclé, d’inachevé, de fragilité sur le long terme.
Allez, place à l’essayage. Ce cuissard taille comme tous les Assos, peut-être un peu plus serré car la coupe est compressive, mais rien de flagrant ni de quoi changer ses habitudes. Pas de grosse surprise, donc ; tout va bien. Par contre, avec ses larges bretelles élastiques, j’ai l’impression d’avoir enfilé le froc de mon arrière-grand-père ! Pardon papy, mais Assos nous renvoie à une certaine forme de rusticité façon début de 20ème siècle. En plus, ces bretelles rêches frottant sur le bas des côtes peuvent être selon votre morphologie, soit un simple détail… soit un détail très désagréable. C’est donc un point à considérer sérieusement si vous êtes chatouilleux à ce niveau-là. Personnellement j’ai eu un peu de mal à m’y faire, mais la chirurgie cardiaque peut donner des sensations étranges au thorax, et ma carcasse ne s’en prive pas !
Pas avare de voyage dans le temps, ce cuissard offre aussi de curieuses poches, où là, j’ai plutôt l’impression d’avoir été saucissonné dans le filet à provisions de ma grand-mère ! Cela semble être au départ un étrange gadget, inutile et inconfortable une fois rempli. Néanmoins, sans trop les bourrer (j’y ai placé une chambre à air de secours pour essayer), le chargement se fait vite oublier. Finalement rien de gênant… à part le côté inesthétique, mais on s’en fout un peu ! Ce côté kangourou peut même se monter très pratique pour un usage temporaire. Par exemple en permettant de libérer de la place dans la sacoche, après un ravitaillement trop prévoyant. Donc, pour transvaser une chambre, du petit matériel, quelques bricoles inertes, c’est très bien ; mais pour un peu de bouffe, c’est plutôt moyen, car au contact du corps et de la chaleur qu’il transmet, votre cuisse transformera vos barres de céréales en ignobles machins gluants !
En bas des cuisses, les bandes élastiques sont très larges – 4,5cm comme pour les bretelles d’ailleurs – et ont la fâcheuse tendance à se rouler ou se tourner facilement quand on enfile le cuissard. Mais bon, une fois en place, rien ne bouge. Elles restent même tellement bien immobiles et agrippées, qu’il ne faut pas compter sur elles pour remonter légèrement au fil des kilomètres si le tissu est trop tendu sur la cuisse. Dans ce cas, il le restera quoi qu’il arrive ; na ! La tension persistera tant que vous n’aurez pas rajusté manuellement ces bandes élastiques.
En route. Une fois calé en selle… on ne l’est pas vraiment ! En effet, à cause de l’épaisseur colossale du rembourrage, on valdingue à droite à gauche sans aucune stabilité. Il faut souvent se replacer en selle ce qui est assez agaçant. Une fois ce défaut un peu apprivoisé, le confort est là. Enfin pas tout à fait, car le tissu du rembourrage est assez irritant pour les fesses. Ça manque de douceur, gratte la peau du cul, pour appeler un chat un chat. Malgré tout, cette impression désagréable n’est qu’un ressenti – et peut-être une sensibilité toute personnelle – car même après de nombreuses centaines de kilomètres enchaînées, pas de problème cutané… à ce niveau. Par contre, il faut vraiment faire attention au positionnement des coutures. Surtout l’énorme qui parcourt le dessus de chaque cuisse – le choix de son emplacement n’est pas franchement très judicieux, mais bon – et qui si elle se retrouve retournée par endroits, pourra sur la durée vous entamer la peau quasiment jusqu’au sang ! Attention donc, on n’enfile pas ce cuissard sans y penser, mais on le fait avec soin.
Pour pinailler – parce qu’il faut bien avec un équipement dont le prix devrait le rendre irréprochable – la finition des coutures n’est pas forcément au rendez-vous, comme avec ce croisement entre les bretelles qui a craqué en seulement 3 sorties ! Même si c’est facilement réparable en deux minutes avec du fil et une aiguille, c’est regrettable. De ce point de vue là, peut mieux faire, donc.
Revenons à la qualité du rembourrage. Malgré le flottement ressenti dans l’assise, et auquel on finit par ne plus faire attention, le confort est là. Sur les caillasses, les pavés et routes dégradées, l’amorti est très efficace… ce qui est un peu normal pour un cuissard typé gravel. Sur bitume bien entretenu, c’est moins évident, l’épaisseur du fond ayant paradoxalement tendance à comprimer davantage les reliefs osseux des ischions. On pourrait donc penser que ce modèle est contre-productif pour un usage en longues distances routières, mais de manière étonnante, ce cuissard devient d’autant plus efficace que la sortie s’éternise. En effet, là où les autres commencent à perdre en confort après quelques centaines de kilomètres, celui-ci se révèle au contraire de plus en plus agréable à votre postérieur, et 1000km non-stop ne lui font pas peur !
En résumé, un excellent cuissard tout-terrain qui demande à être porté quelques sorties avant de pouvoir exprimer tout son potentiel… Mais une fois apprivoisé, le confort est de très haut niveau. Il vous reste à l’essayer !