Malgré une esthétique discutable, les premiers combinés STI de frein / vitesses Shimano sont très sympas sur un vélo « vintage », pour qui veut éviter les manettes au cadre… Seulement voilà, ils se font rares sur le marché de l’occasion, ils atteignent des prix déraisonnables, et la plupart du temps les vitesses passent mal, très mal, voire plus du tout, sans que ni les câbles ni les dérailleurs ne soient en cause. Alors, faut-il mettre des leviers modernes ou rester avec des manettes au cadre dont l’ergonomie ne vous convient pas. Non, bien entendu, car malgré une réputation de complexité, on peut assez facilement réparer ces leviers combinés.
Pour vous prouver que c’est presque facile, commençons par la manette droite, plus complexe et qui commande l’arrière (pour l’avant, voir cet article) !
Sur un schéma épuré, les entrailles ne semblent si compliquées. Et voici en vrai, à quoi ressemble cette poignée Ultegra 600 tricolore (6400) droite.
C’est parti… Même pas peur !
- On commence par décoller très délicatement la pastille décorative. Il n’y a pas beaucoup d’espace, même pour y passer une lame fine. Ici la pastille est déjà bien décolorée par le temps, la résine doit être très fragile. Prudence, donc !
- Derrière, se cache une vis.
Elle se retire à l’aide d’une clé à douille de 8mm. La vis est freinée par une rondelle éventail.
- On peut maintenant déboîter le capot frontal, en tirant doucement dessus tout en accompagnant vers la gauche. Un ressort et un fin anneau de plastique restent en place sur le levier ou viennent avec le capot. Dans tous les cas, les retirer.
- Attention, à ce stade, une petite entretoise peu sortir toute seule (ou en tapotant sur le levier retourné), sinon attention à la récupérer par la suite…
Et c’est tout ce qu’on peut faire de ce côté-là !
- En retournant le levier, une petite vis BTR sans tête se cache dessous, et verrouille l’axe de pivotement. La sortir complètement.
- Pousser sur l’axe pour l’extraire entièrement. L’axe peut résister mais fini par venir d’un côté ou de l’autre, ça n’a aucune importance. Un chasse-goupille est mieux adapté qu’un tournevis.
- La partie levier se sépare de la partie cocotte.
- À l’arrière du levier, retirer le ressort et les 2 entretoises plastiques qui pivotent autour de l’axe. Remarquez sur cette photo que le petit barillet de câble de frein est toujours en place. S’il ne se déboîte pas immédiatement, ne pas forcer. Le laisser monté, il n’est pas gênant.
- Pour avoir accès au mécanisme du levier proprement dit, il reste à retirer la petite vis cruciforme cachée entre le levier de descente et celui de montée des vitesses.
- Une fois la vis cruciforme retirée, tirer sur le levier principal. Le mécanisme apparaît…
Attention à ne pas perdre la petite entretoise située derrière le capot frontal, si elle n’a pas été retirée au départ (étape 4) ; ni la petite rondelle frein carrée située juste derrière la vis cruciforme.
Les entrailles sont complètement dégueulasses… D’un autre côté, si tout était propre, il n’y aurait pas besoin de démonter ! De l’ancienne graisse est figée et amalgamée en bouillasse avec de la poussière et de petits grains de sable. Forcément, ça empêche un fonctionnement correct ; il est temps de faire un bon brin de ménage !
À ce stade, on pourrait démonter davantage le mécanisme, mais franchement, comme le dit l’adage : « le mieux est parfois l’ennemi du bien ». Rien ne vous empêche de le faire, mais tripoter cette usine à gaz alors qu’on peut très bien s’en passer, est un peu idiot. De toute façon, même à l’origine, aucune des petites pièces le constituant n’était disponible chez Shimano. S’il y a besoin de démonter plus en avant c’est qu’il y a problème dans les minuscules cliquets ou rochets… de toute façon introuvables et irréparables. Comme tout ce qui intéressant pour la remise en état est accessible tel quel au nettoyage, autant faire au plus simple et éviter les emmerdements !
- Commencer par un nettoyage minutieux de la bouillasse et de la vieille graisse figée. L’acétone est parfaite dans ce rôle. Pas de panique, peinture et plastique résisteront sans problème. Le Shimano ancien, c’est du costaud ! Furetez bien partout avec un chiffon, sans faire tremper directement dans l’acétone. Cure-dents et cotons-tiges (attention à ne pas mettre d’échardes ou de peluches dans le mécanisme) apporteront une aide précieuse.
Point de vue aspect, il y a déjà un net changement !
- Arroser ensuite généreusement tout le mécanisme d’huile WD40 (qui liquéfie la crasse), puis monter et descendre les vitesses plusieurs fois en remboîtant provisoirement le levier (pas besoin de remettre la vis cruciforme)…
Surprise, dès à présent ça fonctionne mieux… ou pas ! Si les crans ont des ratés ou ne s’enclenchent pas, pour l’instant c’est normal.
Sous le mécanisme, un cliquet qui peut paraître insignifiant est souvent capricieux et mérite d’être démonté. C’est lui qui empêche de monter et descendre les vitesses. Même sans causer de problème évident, graisser son axe, nettoyer son revers et vérifier sa mobilité est indispensable, car il serait idiot d’avoir récuré tout le reste et de voir gripper cette pièce dans quelques mois ! L’opération est plus délicate pour le levier de ce côté, mais pas insurmontable ; allez, je vous montre.
- Attention pendant toute la phase de nettoyage, à ne pas tordre la tige du petit ressort maintenant le cliquet (flèche orange). Retirer le minuscule circlips du pivot (flèche verte) – attention à ne pas le déformer, il est très fragile – puis écarter la tige du ressort du cliquet à l’aide d’une fine lame de tournevis et sortir le cliquet vers le haut (flèche bleue). On peut maintenant finir de nettoyer la crasse cachée derrière, au niveau du mécanisme et au verso du cliquet lui-même.
- Une fois le tout propre, écarter la tige du ressort (sans excès) à l’aide d’une fine lame de tournevis pour pouvoir replacer le cliquet (sur sa tige lubrifiée) et remettre ensuite le circlips.
Attention à ne pas avoir coincé le dessous du cliquet à sa base avec une spire de son ressort, puis s’assurer de la mobilité du cliquet.
- Après une nouvelle giclée de WD40 dans tout le mécanisme, monter et descendre les vitesses à nouveau, en ayant remboîté provisoirement le levier (comme à l’étape 12). Après des débuts qui peuvent être laborieux, répéter les mouvements de montée et de descente jusqu’à ce que le fonctionnement soit franc dans les deux sens, en émettant un petit clic sec et net. Faire reposer le mécanisme quelques instants. si l’huile dégrippante ressort encore sale, renouveler l’opération, puis bien essuyer.
Une fois tout soigneusement essuyé, arroser le mécanisme d’huile un peu épaisse (l’huile monograde type SAE 30 ou 30W pour moteurs rustiques, convient parfaitement), puis monter et descendre les vitesses à nouveau. Faire reposer le mécanisme quelques instants. Si l’huile en ressort encore un peu sale (comme ici sur la photo), bien essuyer et huiler à nouveau. Le mécanisme doit maintenant fonctionner parfaitement, sinon bien inspecter le mécanisme à la recherche de saleté restée dans les crans (si ceux-ci sont usés, pas de miracle… mais c’est exceptionnel).
On peut passer au remontage.
Ne pas mettre de graisse dans le mécanisme ; elle « collera » les poussières et grains de sable dans le creux des cliquets, alors qu’ils s’éjecteront plus facilement en présence d’huile. De toute façon, en ayant bien observé le démontage, on a pu constater que la graisse s’est éparpillée partout… mais a disparu depuis longtemps du voisinage des cliquets, là où elle aurait dû justement servir à quelque chose ! Il est donc préférable de n’avoir qu’un bon film d’huile, le mécanisme n’en fonctionnera que mieux sur le long terme. Pas de crainte à avoir, cliquets et rochets sont réalisés en acier très résistant.
- Avant de remboîter les deux sous-ensembles, replacer la petite rondelle frein carrée au fond du levier principal, sa partie saillante orientée vers le fond.
- Les deux sous-ensembles remboîtés sans avoir perdu la petite rondelle carrée, revisser la petite vis cruciforme.
- Replacer ensuite la petite entretoise acier (légèrement huilée) et l’anneau plastique dans sa rainure.
- Il reste à remonter l’ergot du ressort dans le trou du capot, et de présenter l’autre ergot dans le trou du levier.
Le capot est normalement de travers. Il faut presser dessus, tout en le faisant pivoter sur la droite, pour qu’il s’enclenche sur le petit carré central du levier.
- Sans relâcher la pression sur le capot (pour éviter que la force du ressort ne l’éjecte), remettre la rondelle éventail et la vis pour finir de rassembler le mécanisme.
La dernière opération consiste à remonter le sous-ensemble du levier sur le corps de la cocotte.
- Pour cela, remonter les 2 entretoises plastiques (flèches vertes) et le ressort. Il vient se placer autour de l’entretoise longue, et son crochet passe dans le petit trou (flèche orange).
- Remboîter ensuite les deux sous-ensembles, le ressort ne pose pas de difficulté.
- Il suffit de remettre l’axe et c’est terminé. Attention, il possède un sens : il faut que la partie évidée tombe en face du trou de la vis de verrouillage, sinon le retourner.
- Un peu d’huile facilitera le coulissement de l’axe. Petite astuce supplémentaire : un chasse-goupille ou un tournevis (avec un diamètre de lame similaire à celui de l’axe) emboîté provisoirement par l’autre côté, aidera les deux sous-ensembles à rester en face… et l’axe traversera sans trop de problèmes.
- Une fois que l’axe affleure des deux côtés de la cocotte, revisser la petite vis BTR de verrouillage.
- Il reste à recoller la pastille décorative… et voilà une manette STI toute neuve… ou presque !
Des logos de refabrication apporteront la touche finale !