Pour rehausser un pivot de fourche en 1,1/8″ il existe toutes sortes d’adaptateurs dans le commerce… souvent à l’esthétique douteuse, semblant tirer davantage leur origine dans la mécanique agricole que dans celle du (beau) vélo. En voici quelques-uns – avec potence incluse ou non – du plus simple, au plus comment dire…
En plus, si votre pivot de fourche est en 1″ (si, si, il en reste ! ) il faudra ajouter une bague d’adaptation, et le tout s’approchera plus du mauvais bricolage bancal que d’une solution fiable et sécurisante.
Mais voilà, en mécanique, à condition de mettre sa cervelle à contribution, on peut parfois trouver des avantages aux solutions obsolètes. Voici donc comment rallonger un pivot de fourche en 1″ pour y placer une potence au standard actuel de 1″1/8 … et en plus, de manière élégante :
Il nous faut tout d’abord trouver un tube d’acier de 25,4mm (soit 1″) d’intérieur et 28,6mm (soit 1,1/8″) d’extérieur. Vous pouvez en acheter un neuf, en acier sérieux de type 25cd4, destiné à servir de tube vertical dans la construction d’un cadre de BMX (qui ont encore souvent leur tige de selle en 25,4mm) mais la partie haute, coupée juste sous les haubans, d’un tube vertical récupéré sur un VTT en acier – voire un vieux cadre de vélo vintage ayant souffert – pourra faire l’affaire, car ils ont souvent eux aussi leur tige de selle en 25,4mm. Attention, les tubes obliques et horizontaux courants, de 28,6mm d’extérieur ne conviennent pas, car ils ont quasiment tous un diamètre intérieur de 26mm. La différence n’est pas énorme, mais pour réaliser un montage fiable et sécurisant, il faut impérativement que les diamètres soient ajustés. Le diamètre intérieur doit être de 25,4mm, j’insiste !
Les vélos d’enfants fleurissent dans les encombrants et dans les déchèteries ! Par exemple, le tube vertical de ce cadre de 20″ fera parfaitement l’affaire.
Le morceau de tube récupéré se glissera de manière ajustée sur le pivot de fourche. Pour le serrer, un collier de selle de 28,6mm de diamètre fera l’affaire. Léger sans trop d’excès, pour pouvoir encaisser les chocs subis par la direction et la roue avant. Ces deux modèles peuvent convenir, mais…
… Les colliers de selle ont un gros défaut, ils possèdent un rebord qui empêchera notre tube de reposer directement sur le jeu de direction.
L’extrémité du tube sera donc à moitié dans le vide et reposera pour moitié sur le collier de selle. La situation n’est pas idéale !
Pour éviter ce non-sens mécanique – mais au départ ce sont des colliers de selle – il faut donc se débarrasser de ce rebord.
Deux façons pour le faire facilement :
- Soigneusement, à la perceuse de modéliste (type Dremel), en rognant le rebord de l’intérieur sans attaquer le restant de la hauteur du collier.
- Ou plus élégamment, en serrant le collier sur le tube que l’on vient de couper, et en arasant le rebord du collier au tour à métaux. D’accord, cette solution n’est pas à la portée de tous !
Le collier du haut sera plus facilement rectifiable à la perceuse de modéliste. Par contre, le gros rebord de celui du bas sera aisément supprimé au tour sans enlever trop de matière au collier lui-même.
De toute façon, si vous pouvez avoir accès à un tour à métaux – et à quelqu’un qui sache s’en servir – ce sera toujours mieux pour avoir les deux extrémités du tube bien planes et parallèles… alors autant s’en servir pour rectifier ensuite proprement le collier.
Quelle que soit la méthode choisie, le but est de supprimer le rebord pour que l’extrémité du tube ressorte librement.
Le tube passe maintenant librement au travers du collier pour reposer directement sur le jeu de direction.
Mettre des entretoises (forcément en 1,1/8″ pour passer autour du tube) ne servirait à rien. Au mieux ce serait du cache-misère, et au pire, les entretoises reposeraient sur le collier, lui-même reposant trop en périphérie de la coupelle supérieure du jeu de direction (en 1″) qui n’est pas faite pour ça. Sans entretoise, quoi qu’il arrive le collier n’exercera jamais aucune pression sur le jeu de direction.
Mieux vaut souder une rondelle pour que la potence y prenne appui. Là encore, pour avoir la bonne taille de rondelle, il faudra l’usiner au tour… Ou faute de mieux, se servir d’une tige d’acier que l’on roulera autour du tube.
Notre adaptateur commence à prendre forme…
Voici la rondelle que j’ai prise. On voit bien que pour avoir un diamètre extérieur convenable, il faut sérieusement agrandir l’intérieur… pour l’amener au même diamètre que le collier !
Pour pouvoir serrer le tube sur le pivot de fourche, il faut maintenant pratiquer des boutonnières dans le tube. La première (flèche verte) sera serrée par le collier de selle que nous venons de modifier. La deuxième (flèche bleue) sera serrée par le bas de la potence. Comme le but est de rallonger le pivot de fourche, la vis du haut de la potence serrera le tube et rien d’autre… puisque le pivot de fourche s’arrête plus bas. Donc pas de troisième boutonnière, qui serait un non-sens ! La rondelle sur laquelle va prendre appui la potence ne doit pas s’opposer à une certaine élasticité du tube lors du serrage des boutonnières, elle sera donc fendue (d’où son remplacement possible par une tige d’acier que l’on aura roulée autour du tube).
Remarquez les trous à chaque extrémité des boutonnières. Leur utilité est d’arrêter les contraintes. Sans eux, au bout d’un certain temps, les boutonnières s’agrandiraient (par fissuration du tube sous l’effet de la fatigue du métal). Un métallurgiste compétent vous le dira : pour un travail sérieux, toute fente dans du métal doit toujours se terminer par un trou !
On peut maintenant souder la rondelle… Bien entendu par le dessous, pour ne pas gêner l’appui de la potence.
(En cas d’utilisation d’une tige roulée plutôt qu’une rondelle, il faudra braser les deux faces pour avoir un appui bien plat).
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En retournant notre adaptateur, des traces de brasure sont visibles de l’autre côté, c’est bon signe. Toute l’épaisseur de la rondelle s’est fait soudé par capillarité…
Le brasage est de bonne qualité, la potence ne risque pas de glisser !
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Voilà le résultat en montage d’essai.
Notez le pivot de l’adaptateur qui dépasse de la potence de quelques millimètres. C’est important, cela permet de ne pas écraser le sommet du pivot, et d’obtenir ainsi un serrage plus efficace et sécurisé de la potence (même si l’acier y est moins sensible que l’aluminium ou le carbone). Il faudra juste mettre une rondelle de 5mm entre la potence et le bouchon.
Pour les perfectionnistes – et pour une question d’esthétique – la rondelle un peu trop large par rapport au profil de la potence choisie, méritera de se faire rectifier au tour…
Ici la rondelle a été retaillée, et après une mise en peinture, il n’y a plus qu’à monter l’ensemble.
Ne pas insérer d’étoile dans l’adaptateur, se servir de celle d’origine… avec une vis plus longue, ainsi on solidarise toute la colonne de direction.
Au montage, les boutonnières seront bien entendu orientées face aux fentes de serrage du collier et de la potence… Soit dans la quasi-totalité des cas, vers l’arrière.
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L’ancienne potence donnait un avant assez laid… mais ça, c’était avant !
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Et voilà le résultat.
L’avant du vélo est moins étrange (mais il n’y a pas de miracle, un rehausseur rehausse !) et on peut maintenant se passer de la potence vieillissante à l’angle incroyable montée jusque-là, et interdisant surtout de monter un cintre compact, comme tout autre cintre moderne au standard de 31,8mm de diamètre.
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La limite du système :
Dans cet exemple, on voit bien que l’on a atteint la limite d’extension pour notre adaptateur… Mais qui garanti une sécurité maximum, car la potence est toujours (partiellement) en contact avec le pivot de fourche comme à l’origine. À la zone de flexion entre le bas de la potence et le pivot de fourche (ligne bleue) il se trouve le manchon d’acier de l’adaptateur qui recouvre largement vers le bas et suffisamment vers le haut. Ainsi l’assemblage est plus solide qu’à l’origine !