Alors voilà, votre vélo est tout beau, bichonné comme toujours. Vous avez remplacé la chaîne, la cassette – la roue libre pour les anciens – tout est prêt pour courir les grands espaces et patatras, à la remise en route ça craque, ça saute, ça ripe sur le(s) plateau(x). Bah oui ça merdouille, et pourtant il n’avait pas l’air si usé celui-là… quoiqu’en y regardant mieux, si ! trop tard, vous avez une sortie importante demain matin, et vous ne pouvez pas la rater, alors comment faire sans plateau de rechange ? Dans l’urgence, il y a bien mieux à faire que de remonter tout ce que vous venez de mettre à la poubelle… Tout ça pour refaire ensuite le travail en sens inverse, juste après, une fois le fameux plateau en main, tout beau tout neuf comme le reste. Quitte à faire dans l’éphémère donc, autant avoir recours à du provisoire intelligent pour s’éviter toute cette mécanique inutile !
L’astuce qui suit ne s’applique qu’aux plateaux traditionnels ayant des perçages réguliers… et par exemple pas aux trucs ovales ni aux machins récents à 4 trous inscrits dans un rectangle. Ben oui, c’est comme ça, vous ne croyez tout de même pas que les p’tits malins du marketing allaient vous laisser vous en tirer à si bon compte ! Bref, si vous n’avez pas un vélo de branquignol, la suite vous intéressera. Une bonne nouvelle pour commencer. Point de vue financier tout est déjà sous la main, gratuit, sauf le plateau neuf qu’il faudra tout de même penser à commander ! Point de vue main-d’œuvre, ça va aller vite aussi, c’est parti :
Pour rappel, le pédalage s’inscrit dans un cycle irrégulier. En effet, il demande une force de rotation maximale sur les manivelles au voisinage de la verticale (point mort haut d’un côté, bas de l’autre) et une force minimale au voisinage de l’horizontale.
Après un certain nombre de kilomètres – autour de 12000 sur les photos suivantes – un plateau voit ses dents usées par les chaînes ayant tourné dessus. À partir des détails pris à chaque quart de tour, on constate que l’usure est beaucoup moins prononcée sur les secteurs au voisinage des points morts (2 et 4 sur les photos) qu’au moment ou les manivelles sont horizontales (bavures et dents moins larges en 1 et 3). Ce résultat pourrait paraître à première vue paradoxal, mais en y réfléchissant, c’est bien davantage les dents à l’avant du plateau qui assurent la traction de la chaîne, plus que celles du haut qui sont davantage dans le guidage… ce qui se comprend plus facilement d’un point de vue symétrique, donc en considérant les dents du bas, qui assurent seulement le retour de la chaîne.
Bref, en tirant parti de ces observations, on peut en conclure – et on aura raison – qu’en décalant le plateau d’1/4 de tour sur la manivelle, on obtient une solution de secours acceptable, en échangeant les secteurs malmenés demandant le plus d’effort par des dents en meilleur état… et les secteurs demandant moins d’efforts pouvant se contenter plus facilement de dents fatiguées où la force de traction est moindre.
Mais au fait, 1/4 de tour vers l’avant ou l’arrière ? Il n’y a pas de règle, et dans l’absolu pour du provisoire on s’en fiche. Cependant, pour un résultat optimal, il faut observer la série des 4 détails précédents. On voit sur les portions les moins usées (2 et 4 des photos) que chaque jambe n’a pas exactement la même puissance, car l’usure n’est pas identique (ici plus prononcée en 4 qu’en 2). Comme pour les bras, on a rarement la même force à droite qu’à gauche. Les anciens vous parleront de l’importance d’avoir un pédalage bien régulier, bien « rond » mais c’est une autre histoire… En pratique, il vaudra donc mieux positionner le secteur le moins usé en traction du côté du mollet le plus puissant.
C’est bien beau tout ça, me direz-vous, avec des plateaux à 4 trous de fixation… mais quand il y en a 5 ? Forcément, le résultat s’écartera du décalage idéal des 90° pour 4 trous. Avec 5 fixations, pas question de tourner le plateau d’un quart de tour, mais d’1/5ème. Ainsi, le déplacement ne sera que de 72°… en tournant le plateau d’un trou, en avant ou en arrière, selon le sens optimum expliqué au paragraphe précédent.
En poussant le raisonnement du décalage, et pourquoi ne pas en profiter pour le retourner, le plateau ? Comme c’est surtout l’arrière des dents qui s’use – on le voit bien aux bavures sur la série de photos précédentes – en retournant le plateau, la chaîne reposerait sur un profil de dents mieux préservé. Si l’idée est intéressante, deux problèmes empêchent souvent sa réalisation. D’une part l’absence des chanfreins de cheminées sur l’autre face, et d’autre part une certaine dissymétrie du plateau dans son épaisseur.
Et pour le plot anti-déraillement, qui du coup se retrouve inutile et mal placé, une petite vis – provisoire elle aussi – en travers du plateau et c’est réglé. Mais franchement, il vous sert à vous, sur une transmission bien réglée ?
Et voilà, il n’y a plus qu’a rouler en attendant l’arrivée du nouveau plateau par Internet ou chez votre bouclard… s’il existe encore. Magique, ça ne craque plus, ça ne ripe plus, mais ayez à l’esprit que ce n’est que du dépannage d’urgence sur du matériel en fin de vie, alors n’y allez pas trop comme un bourrin ! Évidemment, si toutes les dents sont dans un état d’usure très avancé, il n’y aura pas de miracle…
Et en vélo « vintage » ?
Cette astuce prend tout son sens comme solution semi-définitive pour un vélo ancien qui ne roule pas intensément, en attendant de trouver le plateau qui va bien… car dénicher la perle rare peut parfois prendre un certain temps !
Et pour les ancêtres dotés d’un plateau vissé sur un filetage central, le décaler d’un quart de tour revient à intercaler une rondelle de 0,25mm entre le plateau et la manivelle. Comme trouver une telle rondelle est pratiquement impossible, il faudra un peu de patience et beaucoup de soin pour la découper soi-même, avec une bonne paire de ciseaux, dans les canettes qui vous tombent sous la main – ou des barquettes plastiques de jambon, mais ce sera moins durable – pour trouver la meilleure valeur approchante.