Le cycle des Flèches de France « vintage »,
épisode 17.
le vélo pour aller à La Rochelle : | Rochet H.70 - (1950) |
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nombre de vitesses : | 1 x 3 |
développement maximum : | 5,85m (46/16) |
développement minimum : | 3,90m (46/24) |
poids du vélo : | 14,3kg |
dénivelé du parcours : | 590m/100km |
Jouy-en-Josas en début de soirée, la nuit est déjà tombée, il est temps de partir. Encore de la circulation en ville. Tout de suite ça ne plaisante pas, il faut s’attaquer à une belle montée pour s’éloigner des abords de la Bièvre. Malgré cette mise en jambes rugueuse, non, cette Flèche ne sera pas vraiment bosselée ; elle sera même tout ce qu’il y a de plus plat, sauf sur l’étape Parthenay – Maillezais, mais il y a du chemin avant d’en arriver là. L’impression que j’avais ressenti aux essais se confirme : le vélo est facile à mener, mais les vitesses trop longues font mouliner à un maximum de 20-22km/h. Difficile d’avoir une roue libre 3 vitesses à moins de 16 dents, et un plateau plus grand à cause du carter de chaine. Tant pis. Après être resté sur les hauteurs dans le voisinage de Toussus-le-Noble, il faut juste se laisser glisser au creux de la cuvette menant à Châteaufort… avant de remonter la longue bosse pour affronter les derniers assauts urbains de la région parisienne jusqu’à Chevreuse, puis terminer cette étape sur les longs bouts droits menant à travers bois jusqu’au contrôle de Rambouillet.
Loin de l’effervescence du départ des deux derniers Paris-Brest-Paris, la petite ville paraît bien calme. La nuit n’est pas trop épaisse. Une demi-lune brille tout au-dessus de moi, me gratifiant d’un beau clair de lune. Les ténèbres sont légères, la campagne est gris foncé sur un ciel plus clair. L’étape est tranquille avec encore des allées et venues de bagnoles jusqu’aux confins de la région parisienne, puis les passages deviennent rares en entrant dans l’Eure-et-Loire. La température qui a déjà chuté reste supportable. Si le banlieusard à l’âme vagabonde, le provincial semble plus casanier… au moins pour cette nuit. La route passe par Umpeau. Forcément, après avoir traversé Orphin il fallait s’y attendre ! Je sais, il y a des associations d’idées qui ne font rire que moi. Des champs, s’élève un instant une odeur qui rappelle celle que le vent ramène des parcs à huîtres. Étrange. À encore près de 400km du rivage charentais, cette impression est assez improbable. Hallucination olfactive, rêverie prémonitoire, broyat de coquilles répandu pour amender la terre… finalement tout est possible ! En passant par Gallardon – site des BCN/BPF de l’Orléanais – maigrement éclairé, ce n’est pas encore ce soir que je verrai la Tour de l’Épaule. Au loin sur ma gauche, clignote à l’horizon des guirlandes rouges éoliennes. La route est annoncée comme barrée en cheminant vers Sours. Premiers travaux de voirie. En fait, de maigres tranchées rebouchées en attente de bitume se présentent à l’entrée du village, sans barrières pour empêcher le passage… de toute façon tout à fait praticable. À l’approche de Dammarie, un arbre éclairé surgit comme un îlot de lumière inattendu dans le petit bourg de Corencez, par ailleurs totalement plongé dans les ténèbres. Présence réconfortante. La brume fait ses premières apparitions en poches timides quand j’arrive à Sommeray. La route reste plate tandis que la lune glisse lentement sur la droite au fil des heures. Je ne sais pas si c’est l’effet du clair de lune ou de la pollution lumineuse, mais presque aucune étoile n’est visible malgré un ciel dégagé. Solitude tranquille de la route de nuit, impression de grande sérénité, le vélo avance bien ; première fenêtre météo favorable depuis si longtemps, presque six mois. En chemin vers Logron, les champs exhalent cette fois une légère senteur anisée. La plantation de fenouil semble plus probable que la distillerie clandestine… quoique au milieu de rien, ce serait le calme assuré ! Sur la route de Lanneray, une biche traverse apeurée dans la lumière de mon phare. Ce village est le premier éclairé depuis longtemps. Le cimetière est ouvert, et je peux enfin faire le plein des bidons. Après le village, un minimum de relief, assez insignifiant, permet de se mettre parfois en roue libre sur cette fin d’étape avant d’arriver au contrôle de Cloyes-sur-le-Loir.
La ville s’annonce, depuis Gannelon sur l’autre berge, par sa zone industrielle éclairée. La nuit est déjà bien avancée, et c’est vite reparti en tirant des grands bouts droits. La circulation est toujours totalement inexistante dans les deux sens… et ça fait plaisir ! En passant par Danzé, de nouveaux quelques nappes de brouillard se forment ici et là, petits ballots de coton flottant au-dessus de la route. Des grenouilles coassent sur mon passage, comme pour chanter une berceuse à la lune retournant se coucher à l’horizon. Petit à petit, les étoiles se font un peu plus nombreuses. À l’approche des Roches-l’Évêque, la brume s’épaissit et je me retrouve face à des barrières infranchissables, route coupée. Un éboulement a eu lieu il y a des années, et depuis… apparemment rien ! Dans la lumière laiteuse des lampadaires, la route apparaît dégagée ; pas de pierres ni de rochers, le danger ne semble pas si terrible. Bon, tant pis, demi-tour pour faire un crochet par Saint-Rilnay. La purée de pois a gagné la partie, la visibilité a bien du mal à atteindre quelques mètres. Solitude blanche. Je me serais bien passé de ce détour dans la nuit froide et humide, mais qui finalement est sans trop de conséquences… à part un peu de temps perdu. Me voilà revenu à Montoire-sur-le-Loir, et une longue butte se présente pour s’en extraire. Vers Saint-Martin-des-Bois, la circulation revient progressivement et l’aube aussi, retenue par la grisaille. Nouvelle petite butte pour traverser Beaumont-la-Ronce, à 8h pétante, c’est l’église du village qui le dit, pas moi. Le brouillard a bien du mal à lâcher prise. À Perney, la devise liberté-égalité-fraternité est accrochée au fronton de l’église. Pas ordinaire de voir flanqué là les trois mots qui finissent en té… mais pourquoi pas ! La matinée avançant, en route vers Saint-Mars-la-Pile la brume n’est plus qu’un mauvais souvenir. Je passe par La Queue-de-Merluche… et forcément l’arrêt photo s’impose, avant d’arriver au pointage de Langeais.
En repartant par le long pont haubané enjambant la Loire, la présence de la centrale nucléaire de Chinon se trahit par sa fumée visible au loin. Sur l’autre rive, une assez longue bosse permet de traverser puis s’éloigner de Lignières-de-Touraine et d’accéder au vignoble sur les hauteurs. En fait, il y a juste une colline à passer pour basculer vers Azay-le-Rideau. Différents travaux de voirie ralentissent la traversée de la petite ville, ainsi qu’une belle montée dans Cheillé. Après le brouillard du petit matin et les lourds nuages gris du début de matinée, le soleil commence à apparaître largement vers midi dans une luminosité douce de fin d’hiver. … et voilà que surgit une nouvelle déviation improbable à cause de tirs de guerre dans la Forêt de Chinon ! Je ne comprends pas l’intérêt qu’il y a à bloquer l’artère principale traversant le massif forestier, alors qu’il y a toute la place du monde pour y organiser des exercices de manière moins gênante. Il faut bien que les militaires puissent conserver leur pouvoir de nuisance en temps de paix, j’imagine ! Je me déroute donc une fois de plus, ce qui commence à devenir une habitude sur cette Flèche. Un peu de relief apparaît sur le chemin de contournement du polygone de tir. En route vers l’Île-Bouchard, malgré le petit vent qui souffle dans les oreilles, le fracas de la mitraille se fait nettement entendre. La Vienne traversée et les bidasses oubliés, en début d’après-midi changement d’ambiance. Richelieu – le village du cardinal – est très joli dans la diversité de ses vieilles pierres. En passant par Prinçay, le château de la Roche du Maine se fait discret au milieu de la plaine agricole. Je longe La Cure après Verrue… forcément, il faut la soigner ! Un peu plus loin, la direction de Chouppes devient nébuleuse. Pas d’indication pour y accéder, pas plus que sur les petites routes improbables qui gravitent autour. Seule la présence d’un gros bourg au loin laisse deviner la proximité de Mirebeau. À l’approche de Thénezay, je passe devant la Carrière de Mollets… normal, tout cycliste fait forcément carrière de ses mollets ! Au terme d’une étape plate et facile à tirer des grands bouts droits avec juste une petite bosse de temps en temps, vers la fin d’après-midi, grosse circulation en ville pour accéder au contrôle de Parthenay, site des BCN / BPF du Poitou.
Après avoir pointé sans difficulté dans ce qui est déjà loin d’être un simple village, et avoir discuté cinq minutes de mon road-trip avec le boulanger, c’est reparti sur une route légèrement vallonnée sur une trentaine de kilomètres. Une série de petites buttes – entrecoupées de bonnes sections plates – mène à Allonne ; puis une belle cuvette en bordure de la Forêt de Secondigny – où se blottit le Ruisseau de Gâtineau – permet d’accéder dans une remontée très raide au village du Retail. Les longues montagnes russes se poursuivent ensuite. Le poids et les 3 vitesses du Rochet H.70 de 1950 ne sont pas trop handicapants, vu qu’en appuyant bien sur les pédales, je ne toucherai même pas à la manette de dérailleur sur cette Flèche ! La solide bâtisse à l’entrée de Fenioux se détache en ombre chinoise dans la pénombre naissante, et plus loin, le reste du bourg est bien éclairé. À quelques kilomètres de Coulonges-sur-l’Autize, le profil de la route s’aplanit. Dans le village encore des travaux de voirie… et une nouvelle déviation ! Finalement, ce coup-ci ça passe à la faveur de la nuit. Les soirées se répètent et le décor reste un peu le même : une belle demi-lune, très peu d’étoiles, des alignements de guirlandes rouges clignotant sur l’horizon, la solitude tranquille. Les toboggans ont repris avec une belle montée pour traverser Saint-Hilaire-des-Loges puis un dernier baroud pour accéder à Xanton-Chassenon. Ensuite, la toute fin d’étape redevient plate à tirer des grands bouts droits, pour arriver au contrôle de Maillezais en début de nuit. Les stigmates de la grogne paysanne, souvent visibles sur ce parcours aux panneaux d’entrées de villes renversés, semblent ici plus profonds. Sur la pancarte à l’envers, illisible et barbouillée, ne ressort que le mot mort.
Je repars sur une route toute plate. Début de deuxième nuit blanche. Cette dernière étape promet d’être roulante malgré le manque de sommeil qui commence à se faire sentir. Aux alentours de La Croix-des-Marys, le marais poitevin exhale ses odeurs douceâtres. Pas désagréable en fait. Je continue à progresser paisiblement sous le clair de lune. Une toute petite bosse fait diversion pour accéder à Vérines. Je pense un moment m’être perdu dans l’orientation de nuit sur les petites routes improbables, mais finalement non. La Rochelle s’annonce tranquillement au bout du canal alors qu’il reste encore de longues heures de nuit. Le port est là, endormi, veillé par ses célèbres Tours de la Chaîne et Saint Nicolas. Je flâne un moment à travers la ville endormie. La température est agréable, moins fraîche qu’hier, sans brouillard surtout, de quoi savourer cette arrivée en bord de mer.
Voir ICI pour la Flèche réalisée dans l’autre sens avec un vélo moderne.