Des manettes au cadre ? Et puis quoi encore ! Franchement, vous devez vous dire qu’à force de rouler en manque de sommeil, j’ai fini par me griller le neurone de trop. Sans doute. Mais si en guise de bonne résolution pour cette nouvelle année – et ça tombe bien, nouvelle décennie en même temps, c’est la magie des chiffres ronds – on retournait aux fondamentaux du vélo ? L’idée du changement de braquets au cadre est presque aussi vieille que celle de nos deux-roues, ou tout du moins du dérailleur, n’exagérons rien. Rappelez-vous des 5 vitesses du demi-course de votre jeunesse sur lequel vous étiez si fier, ou du vieux clou récupéré dans une déchetterie ou au fond du garage de votre grand-père. Ringard. Bah ouais, où est la prise USB et la 5G ? Mais honnêtement, une fois le coup de main pris, car il faut bien un peu de doigté sans l’aide de l’indexation, ça roule, c’est le cas de le dire ! Vous adopterez vite le réflexe de faire pendre le bras pour attraper d’un coup le mécanisme sans y penser, et sans regarder.
Bien que presque tout le monde s’en foute, Shimano propose encore étonnamment – mais peut-être pas pour longtemps, alors autant en profiter – ces petites merveilles de manettes indexées – jusqu’à 10 vitesses – et ça fonctionne plutôt pas mal ; parfaitement même, vous dis-je ! Il y a quelques années, j’ai décidé de me refaire un vélo tout simple pour affronter les longues montées infâmes de la Super Randonnée des Côtes de Bourgogne, parce que 600km avec des murs de 20 % à grimper ce n’est pas mon truc ! Pour pouvoir adapter ces manettes, il m’a fallu ruser un peu, car les cadres modernes ne disposent pas de plots pour manettes… depuis belle lurette, d’ailleurs. Il faut donc réaliser son adaptation maison, comme je vous le propose en détail ici… sans rien abîmer.
OK, c’est bien beau tout ça, mais pourquoi chercher à s’emmerder la vie quand il y a tant façon de se passer – sans aucun effort – de ce truc de plouc ?
1. Pour l’originalité. C’est le pendant du ringard, en brevet on vous remarque. Pour passer inaperçu ce n’est pas le mieux, mais après tout, l’esprit « vintage » est dans l’air du temps.
2. Pour la simplicité. Si comme moi vous aimez les vélos dépouillés n’embarquant rien de superflu, ce mode de changement de braquet a la rusticité qui fait son efficacité.
3. Pour la fiabilité. Le passage des vitesses est propre, sans aucun raté. Et puis, une fois réglé, c’est réglé ; et en plus c’est super facile. Rien à voir avec l’ajustement pointu des mécanismes intégrés aux leviers de freins.
4. Pour la maintenance. Cette mécanique est tellement simple – et avec si peu de pièces – qu’il n’y a rien à faire pour l’entretenir. Et surtout, si jamais un câble casse en chemin, le changer en une minute ou deux est une évidence, même quand on en a deux, de mains gauches !
5. Pour la durabilité. C’est du rustique, rien de complexe, c’est fait pour durer, surtout les séries actuelles en Dura-Ace 9v (SL-7700) et 10v (SL-7900).
6. Pour la légèreté. Dans les 75g les 2 manettes, c’est imbattable. Même en rajoutant des leviers de frein séparés – parce qu’il faut quand même bien freiner de temps en temps – ça ne reste pas bien lourd.
7. Pour l’économie. En faisant un rapide calcul durabilité + prix au kilo, le coût au g/km est tout doux.
8. En cas de chute, les leviers sont protégés à l’abri près du cadre. Même en cas de gros choc, vos vitesses passeront toujours. De quoi pouvoir finir votre périple peinard ; mais pour l’état du bonhomme, je ne garantis rien !
9. Pour votre forme physique. Du fait de leur implantation basse, ces manettes font davantage fonctionner votre dos, et vos bras (bon d’accord, surtout le droit, mais tout de même). Faut bien muscler autre chose que les cuisses.
10. Pour la performance. En course il faut être réactif, chaque seconde compte, c’est une évidence. Pour vous aussi ? Vraiment ? Alors là, je m’incline. Mais pour la petite histoire, sur deux Paris-Brest-Paris avec des vélos comparables en poids et tous deux en cadres titane, j’ai fait le même temps (moins de 80h) à huit ans d’intervalle, avec la première fois 2*10 vitesses sur leviers combinés aux freins (en 2011) et plus tard 2*9 vitesses avec des manettes au cadre (en 2019). Donc pas de baisse de performance, malgré un bonhomme plus vieux de 8 ans et surtout une cuisse en déroute sur les 300 derniers kilomètres ; mais ça, c’est une autre histoire…
Alors voilà, vous savez ce qu’il vous reste à faire… ou pas !