Le BRM 400 km de Creil – 29 mai 2010

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Samedi 29 mai 2010, je regarde par la fenêtre. Dire que juin va bientôt arriver et que le ciel est si triste ! Et ça ne devrait pas s’arranger cet après-midi, plus au nord, pour le départ fixé à 14h. Pas trop envie d’y aller, mais bon…

Malgré une marge horaire assez confortable – en théorie – s’orienter dans Creil n’est pas forcément très évident… Alors je tourne en rond pour trouver le lieu de départ du brevet. L’heure défile, 14 pile ; merde ! Un quart d’heure de passé, ça y est, je commence à être en retard. La troupe des cyclos doit déjà être partie loin devant. Un quart d’heure de plus, une demi-heure au total, je trouve enfin le site de départ. L’organisation n’a pas encore remballé ; ouf, après les formalités je peux me lancer… Bon dernier, pas d’autres retardataires, largement après tout le monde, faudra faire avec !

 

C’est parti, seul donc, 40 minutes à la bourre et je tourne en rond dans Creil une nouvelle fois ! Ça, c’est fait ; ça commence même à devenir une habitude. Qu’est-ce que je fous, bordel ? Bon, d’un autre côté, il n’y a plus d’urgence. Je ne peux plus me faire distancer. J’ai éventuellement à rattraper du monde, mais vu mon retard, c’est plutôt illusoire. Alors j’y vais à mon rythme. La température est agréable, mais assez vite les premières gouttes tombent, impacts gras sur l’écran plastique de ma sacoche. Si la météo a vu juste, ce sera loin d’être les dernières, de gouttes ; ce BRM est prévu sous le signe de la flotte ! Le premier contrôle de Mouy arrive très vite, 20km seulement. Pour ne pas traverser le marché du centre-ville, je fais le tour de l’église… et dérange une septuagénaire faisant son p’tit pipi derrière la maison du Bon Dieu. Oh, pardon M’Dame ! Nous arborons l’un et l’autre un air stupide et gêné.

Après avoir pointé, je refais le tour du marché. Rebelote par l’église, mais plus personne. La Dame a fini son affaire. Un convoi de mariage passe dans la pluie fine. Comment dit-on déjà ? Mariage pluvieux, plus vieux ?… Pas le temps d’apercevoir la tête des futurs, s’il y a des rides ou pas. Mariage heureux sans doute, mais je n’ai pas trop envie d’être heureux aujourd’hui, je vise plus modeste. Je préférerais seulement un temps sec, l’ambition est plus raisonnable… Ou pas. Allez, c’est reparti à travers la plaine picarde. L’averse s’essouffle puis cesse à Noyers-Saint-Martin. Finir noyé en passant par Noyers, enfin bon, les associations d’idées foireuses aident à passer le temps. L’accalmie est de courte durée, le crachin revient à la charge peu avant le contrôle de Crèvecœur-le-Grand. Et merde !

Au moment où j’arrive, un vélo couché repart. Je ne suis pas tellement en retard finalement. A-t-il flâné, eu un pépin ? Mystère. Un instant plus tôt, et j’aurais peut-être eu un compagnon de route. Progressivement, les averses se font de plus en plus fréquentes, jusqu’à se changer en pluie continue. À Molliens-Dreuil, je fais un dernier ravitaillement avant la fermeture des commerces. Peu après, je suis facilement trompé par une déviation à Hangest-sur-Somme. Elle m’envoie je ne sais où et je et me retrouve à Condé-Folie. Le détour n’est pas désagréable, malgré la flotte qui n’en finit pas de tomber. Je longe des plans d’eau à droite ; et un inattendu paysage très vallonné, presque montagnard, à gauche. Ce sera ma seule erreur de parcours.

Arrivé à Bernaville, plus rien d’ouvert. Je pointe à la carte postale en l’abritant comme je peux de l’averse. J’ai le temps de la griffonner et la glisser dans la boîte jaune, avant qu’elle ne se soit transformée en soupe. Le jour vire du gris clair au gris foncé ; définitivement terne. Le seul signe de vie semble être la fête foraine installée là, apparemment le Picard ne craint pas de rouiller ! Je repars sans m’attarder. En sortie de ville, des gendarmes guettent sans doute les innocents de passage ou les inconscients qui sortiraient bancals et alcoolisés de la fête. Ne faisant partie ni des uns ni des autres, ils me laissent tranquille ! Au bout de quelques kilomètres, une franche crevaison m’oblige à faire un arrêt forcé dans le bas-côté recouvert d’une herbe épaisse. Le bord de route est spongieux, répugnant. Il pleut toujours, la seule différence est que maintenant la nuit tombe ; tant qu’à être emmerdé, autant l’être jusqu’au bout ! Le vélo gît dans l’herbe, la vision est moins poétique que dans le Dormeur du val, mais Rimbaud a-t-il eu la possibilité de faire du vélo ? Je commence la réparation. Stupéfaction, je n’étais pas le dernier – maintenant c’est fait, sans doute – car un groupe d’une bonne douzaine de cyclos arrive. Plein d’illusions je les laisse passer, pensant me tirer de ce petit désagrément en cinq minutes… Grossière erreur ! La première rustine ne colle pas, la suivante non plus, pas plus que la troisième ! Oh là ; à ce rythme elles vont bientôt toutes y passer, et je serais dans une sacrée merde ! Je pense d’abord que la chambre est en caoutchouc de bas étage, une saloperie chintok qui ne veut pas se laisser vulcaniser. Pas grave, j’en prends une de rechange, regonfle… Et me retrouve à plat ! C’est un gag ou quoi ? Je viens pourtant de vérifier : pas de cailloux dans le pneu, pas de silex dans la carcasse, pas de grosse épine de plantée. Rien, rien de rien, alors quoi, merde ! Je redémonte une fois de plus, agacé je dois dire, comme la drache s’intensifie. Et là, surprise : c’est la ligne de soudure de la chambre qui est fuyarde d’origine ! J’essaie une rustine… Sans plus de succès ! J’ai compris, c’est toute cette humidité qui empêche la vulcanisation, alors je sèche bien la chambre très soigneusement – l’imperméable tendu au-dessus comme un parapluie, et moi qui prend la flotte – et la sixième rustine tient à peu près. Miracle… mais je gèle ! Je gonfle… Pschiiiit, ça mousse par la toile du pneu ! Je re-redémonte. Nom de Dieu, c’est encore la ligne de soudure qui est en cause un peu plus loin. Vive les chambres neuves ! Facile de tout faire fabriquer à l’autre bout de la planète pour économiser les bouts de chandelles, mais est-ce qu’il a entendu parler des tests qualité Monsieur Hutchinson, au moins ? Autre rustine bancale, ça tient à peu près. Je ne tente pas le Diable en gonflant trop la chambre à l’air libre. Je préfère remonter la roue et regonfler. À ce moment-là, un groupe de trois cyclos s’arrêtent. Dingue, il y en avait encore derrière moi ! Ça a l’air de tenir la pression, ça y est, je suis le champion des rustines waterproof. Plus d’une demi-heure pour réparer une simple crevaison, quelle misère ! Comme je semble tiré d’affaire, le groupe des trois repart, mais je sens la sacoche vide sur le côté. Où a bien pu tomber mon appareil photo ? L’obscurité est maintenant totale. Je passe un bon moment à le chercher dans l’herbe grasse et détrempée. Je commence à désespérer puis le récupère enfin, et me lance à l’assaut du trio en mettant plein gaz dans les bosses. Je poursuis, double, rattrape, me fais rattraper par eux au gré de mes pauses regonflage de plus en plus fréquentes… Car hélas mes rustines tiennent comme elles peuvent !

À force de jouer de la pompe, atteindre le contrôle de Fruges est laborieux. J’arrive cependant dans un mouchoir de poche avec le trio, un couple et un tandem qui me doublent juste avant l’étape. Heureuse surprise, le club a organisé un stand de ravitaillement bienvenu à mi-parcours. Bonne idée ! Je goûte au confort tout simple de réparer au calme sur un coin de trottoir. Regonfler toutes les cinq minutes étant hors de question, je m’attaque donc à ma quatrième crevaison… Qui aura raison de mes chambres, de ma douzaine de rustines, et de mon moral ! Pas de chambre à l’horizon, surtout en 650c… Donc arrêt définitif ! Abandonner juste pour de stupides fuites, ça me gonfle, c’est le cas de le dire ! Je suis en colère contre ce temps qui a comme un air de déjà-vu, de Paris-Brest-Paris 2007 avec cette pluie froide et pénétrante ; contre moi-même – après tout, pourquoi ne pas avoir pris 5 chambres et 50 rustines de rechange ? – et contre cette chambre neuve qui n’est qu’une passoire. Pourquoi ce genre de truc n’arrive qu’à moi ? Les organisateurs me proposent de me rapatrier sur Creil à la fermeture du contrôle. Ce n’est pas de refus. Je ne me vois pas affronter les 200km restant dans ces conditions. En attendant, je commence à avoir très froid. Je gèle littéralement et suis pris de grelottements intenses sous la pluie et le vent. Une petite soupe me réchauffera momentanément. A priori il reste un retardataire sur la route, puisqu’il manque un pointage sur la liste de participants. Le dernier cyclo tarde à venir. Nous l’attendons, le pensons perdu, puis remballons pour repartir en allant à sa rencontre, au cas où. Au bout de quelques kilomètres nous le croisons… Et retournons donc nous poster à Fruges. L’homme, pas stressé le moins du monde, arrive trois quarts d’heures avant la fermeture officielle du contrôle. Il se ravitaillera copieusement… et interminablement ; repartant après l’heure de fermeture toujours aussi calme, imperturbable, avec pour seule ambition de tenir dans les délais maximums autorisés !

 

Ce brevet ne sera donc pas homologué, abandonné à mi-chemin, tout ça à cause de ces putains de crevaisons. Le sérial-poissard est de retour, mais j’espère avoir ma revanche avec le prochain BRM 400km de Longjumeau. À suivre !

 

Pour en savoir plus  :
le parcours ICI
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