Un mois après le BRM 200 de La Madelon, me revoilà dans le Béthunois pour un second brevet. Même distance, pourtant pas ma préférée. Trop courte, pas le temps de se mettre dans l’ambiance, de se détacher du quotidien que c’est déjà terminé. Mais début de saison oblige, c’est toujours ça de pris, d’engrangé pour le solde du Randonneur 10000. Et contrairement au premier 200 tout plat, celui-ci va se montrer quand même assez vallonné, malgré un début et une fin pépères.
Départ plat, tranquille donc. Début mars le jour est déjà là, contrairement à février. Un bon groupe de participants, puis en direction de Servins la première montée disperse le peloton. Les jambes tournent bien. Je passe par Avesnes-le-Comte. Je ne trouve pas de panneau D80 à gauche, j’ai dû tourner trop tôt, attiré par la D8 en direction de Pas-en-Artois. De toute façon c’est là que je dois aller pour le premier pointage, alors ça doit être bon… Sauf qu’en y regardant mieux, il y a bien sur ma carte les deux routes distinctes D8 et D80. Celle que j’ai prise s’écarte pas mal du parcours et ne va pas de manière si simple à Pas-en-Artois. Une trentaine de kilomètres de fait, et voilà que je suis déjà perdu. Sans doute une faute d’inattention ; super ! J’ai la flemme de faire demi-tour. Bon, voyons ce que me propose la carte : une petite route en cul-de-sac bifurque sur un chemin de randonnée rejoignant l’itinéraire officiel. Allez, un raccourci à travers champs c’est jouable, j’y vais ! L’étroite bande de bitume se transforme vite en chemin glaiseux orné de flaques, puis en ornières herbeuses. Dans les deux cas c’est du spongieux ! La route se confond en prairie grasse, gorgée de cette flotte qui tombe tous les jours depuis une éternité… sauf aujourd’hui, journée miraculeuse de répit, et ça tombe bien ! Même pas peur de m’engager là-dedans avec mes petits pneus fins et lisses. Sauf que mes roues dérapent, patinent, tournent à vide. Je n’avance pas. Chaque tour de pédales fait un tour de roue pour rien, du surplace dans la bouillasse recouverte d’herbe épaisse. Planté en plein milieu du bourbier, je vois passer au loin le peloton que j’avais lâché dans le raidillon menant à Servins. Et merde, de devant me voilà maintenant largement à la traîne ! Au moins mon flair a été juste, je vais bien rattraper la bonne route… longtemps après que les autres participants soient passés ; ça, c’est fait.
Après une première étape globalement plate à travers champs et prairies, à suivre des directions pas forcément évidentes à deviner, j’arrive en milieu de matinée à Pas-en-Artois. Enfin ! Quelques cyclos sont encore là. Pointage, café, et c’est reparti ; seul. Je ne suis plus le dernier, mais presque… et à condition de ne plus me perdre, mais ça, c’est une autre histoire ! J’affronte une petite butte assez sympathique en repartant du village, puis voilà une nouvelle grimpette pour sortir d’Authie via une petite route sans autre indication que d’y avoir planté en bordure un Christ sur sa croix. D’autres bosses s’ensuivent, comme le raidillon permettant de s’extraire de Senlis-le-Sec. Une couche de givre blanchit les herbages, et l’eau encore gelée dans le fossé commence à craqueler la surface de sa vitre. Le soleil, qui tient bon depuis l’aube, rend l’atmosphère agréable. Je rattrape un groupe de quatre dans la montée après Millencourt. Le parcours prend définitivement du relief avec une nouvelle grimpette pour quitter Chipilly. Après m’être écarté des berges de Somme, le pointage de Proyart est tout près, par un petit chemin à l’entretien incertain.
La moitié est faite. En repartant, le ciel est devenu nébuleux. Le vent me siffle en plein aux oreilles. L’église de Sailly-Laurette, reconstruite après la Grande Guerre, est magnifique dans son duo de pierres blanches et briques rouges, contrastant dans un ciel de plus en plus gris. En sortie de Sailly-le-Sec, se présente une côte à 12 % permettant de s’éloigner des rives de Somme, vers le nord cette fois-ci. À Franvillers, je prends la route en sens inverse. Il y a longtemps que je n’avais pas fait ce genre de connerie. Forcément je ne m’en rends pas compte, puis peu à peu les directions me semblent étranges. Un coin de cerveau cogite et donne l’alerte, tardivement, alors que j’ai mis le cap plein sud depuis un bon moment. Je me suis planté là où il n’y avait – pour une fois – aucune difficulté ! Demi-tour… et voilà une bonne demi-heure de perdue. En chemin vers Beauquesne, les champs exhalent une odeur de varech. Le rivage est pourtant à une bonne cinquante de kilomètres à vol d’oiseau. Impression furtive, reste le vent plein les oreilles, expressif dans mon imperméable comme s’il faisait claquer des voiles d’un navire. En deuxième partie d’étape, les bosses se lissent progressivement dans le paysage. En traversant le petit bois menant à Orville, la route n’est pas franchement entretenue, comme ailleurs sur ce parcours. Tout près, ça canarde sec. Les déflagrations s’enchaînent à un rythme soutenu. Les chasseurs du coin n’ont pas l’air d’être des pros de la gâchette, ou alors le début d’après-midi a déjà été bien arrosé, ce qui n’aide pas à viser juste. Malgré tout, les oiseaux gazouillent, la vie animale est tranquille, sans se douter que l’enfer est à quelques pas… Habitués des lieux et plus malins que moi, ils doivent savoir qu’en fait ils ne risquent rien, car je passe au voisinage d’un stand de tir ! Malgré le temps passé à m’égarer, je retrouve à Lucheux le groupe des quatre cyclos du matin. L’un d’eux est visiblement à la peine dans les bosses, pourtant pas si méchantes. Le ciel est bien lourd, et en traversant Le Souich, tombent les premières gouttes de pluie… heureusement sans suite malgré la grisaille. À l’approche de Frévent, une maison crevée dresse sa silhouette surréaliste. Le dernier pointage est pour bientôt.
Allez, encore un café pour ne pas perdre le rythme, et c’est reparti. Juste avant, par acquit de conscience, je jette un œil à ma fourche ; du côté du petit bruit qui m’agace depuis le matin, depuis ma séance de cyclo-cross à travers champs. Pas étonnant que j’ai ensuite eu cette impression de ne pas avancer : une stratification de boue séchée s’est solidement agglomérée en étranglant le pneu… et pareil à l’arrière. C’est la baisse du vent à mes oreilles qui m’a alerté sur ce frottement que je traîne depuis une centaine de kilomètres sans faire attention au feulement qu’il produit. Je repars donc la pédale plus légère ! Il me reste quarante kilomètres pour revenir à Beuvry. Dernière étape encore une fois entre champs et pâturages, avant le retour de l’urbanisation. Une grimpette se présente pour sortir de Sibiville. Pour le principe, les bosses livrent leurs derniers assauts. Entre Ternas et Ligny-Saint-Flochel, les éoliennes tournent gaiement, leurs pâles s’étourdissent au vent dans des bruits de grands-voiles. Je passe par La Comté dans le jour déclinant. Décidément le Hobbit est foutrement casanier, personne dehors. Une dernière petite butte pour traverser Houdain, et n’en parlons plus ; revoilà le grand plat. Malgré un début et une fin de parcours tranquilles, ce circuit est tout de même assez vallonné. Je suis de retour à Beuvry à la tombée de la nuit.
J’aurais pu faire mieux en me perdant moins, car la feuille de route ne mentionne absolument rien de certains tronçons pourtant nébuleux. Dommage, car des directions sans aucune indication sur terrain sont vraiment improbables à trouver en naviguant à la carte routière, et encore plus si on n’est pas du coin. L’histoire se répète, car c’est le même problème que sur le précédent 200 de « La Madelon ». Tout le monde a maintenant un GPS, ouais mais bof, sans moi ; guidée par une machine, la randonnée y perd quand même un peu de son âme. Puristes, vous avez intérêt à bien préparer votre parcours ! Sans rancune, la balade a été sympa.
le parcours ICI
le lien Openrunner LA