Bien que des solutions d’adaptation de boîtiers de pédaliers existent ; pour vous faciliter la vie et être tranquille à l’avenir, peut-être aurez-vous envie de modifier définitivement votre vieux cadre en filetage français pour qu’il soit plus moderne. Voyons comment faire :
La grosse artillerie :
Il s’agit de refaire fileter le boîtier de pédalier du cadre en filetage italien. Attention, ça ne se fait pas n’importe comment… au risque de casser le taraud. Il faut au préalable agrandir l’intérieur du cadre très précisément à 35mm. Avec beaucoup de régularité et de patience à la lime, ou mieux, après avoir passé une fraise ou un alésoir pour agrandir au fameux diamètre de 35mm. L’opération est longue, délicate, a un coût, et des vélocistes refuseront de prendre le risque de casser un taraud coûteux… si leur mécano n’est pas un vieux de la vieille qui sait sentir vivre l’acier et maîtrise le brise-copeaux. Le résultat pourra être… un massacre !
Dernière chose : cela nécessite un cadre doté d’un boîtier de pédalier suffisamment épais ! Car ce petit bout de tube d’acier doit pouvoir supporter le poids du cycliste appuyant en force debout en danseuse. Le tube du cadre ne doit donc pas être trop mince…
À vous de voir en fonction de tous ces paramètres, sachant que les filetages italiens sont voués à disparaître, à cause de la généralisation progressive des boîtiers de pédaliers où les roulements sont insérés directement dans le cadre, sans cuvettes !.
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Moins risqué pour votre jeu de tarauds, ou celui du vélociste, voici d’autres solutions qui fonctionnent…
Le cas des filetages français :
Logiquement, et si vous avez bien suivi mes explications sur les différentes normes de filetages de pédaliers, vous en avez conclu qu’il est impossible de retarauder un filetage français en standard actuel (le BSC) car ils ont sensiblement le même diamètre, donc il n’y a pas assez de matière pour retravailler, et comme le côté droit se visse dans le sens inverse selon les deux normes, le filetage devrait donc s’arracher lors du taraudage !
Et vous aurez raison ! Mais aussi étrange que cela puisse paraître, on peut convertir de force le filetage français en BSC à l’aide d’un bon jeu de tarauds… mais attention, là non plus, pas n’importe comment ! Alors comment faire ?
En théorie, si l’acier du boîtier est de première qualité, le français (35mm x 1mm) peut se retarauder en BSC (à peu près 34,8mm x 1,06mm) pour le côté gauche car les dimensions sont comparables et le sens de vissage est le même… Quoique sur une dizaine de tours, en cumulant les écarts on se retrouve à 0,6mm de différence. Pas grand-chose, mais presque l’écart de l’épaisseur d’un filet… Mais bon, admettons que ça passe ! Clairement, le taraud ne travaillera pas en profondeur puisque l’on veut du 34,8mm alors que l’on est déjà en 35mm, mais sur le pas de vis (dont l’écart est différent selon les deux normes).
Mais pour le côté droit, les filetages étant en sens inverse (selon les deux normes) cela ne devrait pas fonctionner… Et pourtant si, à condition :
- Que l’acier du boîtier de pédalier soit, encore une fois, d’une série de très bonne qualité.
- Que l’on commence par tarauder le côté gauche (le taraud trouvera plus facilement sa place dans le sillon existant déjà… dans le bon sens), pour disposer d’un solide guidage pour passer au côté droit, plus délicat.
- Que l’on utilise généreusement une bonne huile de coupe le temps du taraudage.
- De surtout ne pas donner le petit coup en arrière pour briser le copeau lors du taraudage (ce qui ne sert à rien vu que l’ancien filetage étant en sens inverse… le copeau se fragmentera sans problème, et même du côté gauche vu que l’essentiel du filetage est déjà présent vu la similitude des 2 normes). Donner un petit coup en arrière est donc complètement inutile, et surtout risquerait de faire « sortir » le taraud de son guidage réalisé par le début du filet.
- D’utiliser un jeu de tarauds d’excellente qualité et très bien affûtés.
Si on respecte toutes ces conditions, c’est incroyable si on y réfléchit bien, un mécanicien vous prendra sans doute pour un fou… Moi-même j’en suis toujours étonné, mais ça marche parfaitement !
La preuve en images, voici les deux côtés d’un boîtier de pédalier français à l’origine (d’un cadre tout Vitus 172) retaraudé en BSC :
Étonnant, non ? Même si la peinture masque un peu la vue, les filetages ne sont pas massacrés. On croirait ceux d’origine, et l’opération de taraudage a été suffisamment douce pour ne pas déranger la rouille au fond des filets !
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Le cas des filetages suisses :
La conversion se fait ici sans trop de douleur, à condition que l’acier du boîtier soit de première qualité, car les filetages suisses et BSC sont de dimensions comparables et ont l’avantage de se visser et dévisser dans le même sens l’un et l’autre.
Donc les deux filetages suisses (35mm x 1mm) peuvent se retarauder en BSC (à peu près 34,8mm x 1,06mm et sens de vissage identique au suisse) car les dimensions sont comparables… Quoi que, comme avec le français, sur une dizaine de tours, en cumulant les écarts on se retrouve à 0,6mm de différence. Pas grand-chose, mais presque l’écart d’un filet… Mais bon, admettons ça passera aussi ! Encore une fois, le taraud ne travaillera pas en profondeur puisque l’on veut du 34,8mm alors que l’on est déjà en 35mm, mais sur le pas de vis.
En résumé, avec le suisse, à droite comme à gauche un coup de taraud de bonne qualité, et le tour est joué ! Comme avec le français, utiliser généreusement une bonne huile de coupe le temps du taraudage, et ne surtout pas donner le petit coup en arrière pour briser le copeau (ce qui ne sert à rien vu que l’essentiel du filetage est déjà creusé avec l’ancien, vu la similitude des 2 normes). Donner un petit coup en arrière est donc complètement inutile, et surtout risquerait de faire « sortir » le taraud de son guidage réalisé par le début du filet.
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Et si ça se passe mal :
Si au démontage de vos anciennes cuvettes, vos filetages ne sont plus en bon état… ou qu’une tentative de refiletage s’est mal terminée, il reste une dernière solution… mais dites adieu à la peinture de votre cadre !
Pas le choix (sauf à utiliser un boîtier de réparation sans filetage) il faut regarnir l’intérieur du boîtier de pédalier à la soudure pour regagner de l’épaisseur avant de pouvoir refileter… Mais là aussi, il y a une astuce pour éviter une soudure coûteuse au tig ou mig, et moins maîtrisable en épaisseur, qui demanderait ensuite un alésage délicat avant taraudage… et dont la forte température de soudage n’est jamais bonne pour cette pièce subissant de fortes contraintes à chaque tour de pédales… surtout en danseuse !
Une solution simple, fiable et rapide consiste donc à recharger au chalumeau les filetages défaillants à la soudo-brasure laiton. Surtout pas d’autogène (là aussi à cause de la chaleur importante, de la maîtrise du lac de fusion et des déformations éventuelles), ni de brasure à 40 % d’argent (chauffe à température raisonnable, coule de manière très fluide au fond des restants de filets mais n’est pas assez solide).
Avec un bon coup de main, on parvient à seulement combler le creux des filets sans faire trop de surépaisseur… On peut donc ensuite retarauder directement après refroidissement complet, et éventuellement un petit coup de lime.
Attention, cette fois-ci il faudra faire les petits coups en arrière pour briser les copeaux lors du taraudage, surtout avec le laiton qui est « collant » sur le taraud. Vous vous direz peut-être : « recharger au laiton… Il est fou… Mais le filetage va s’arracher ! » En fait non, car une bonne baguette de soudo-brasure appliquée sur un boîtier de pédalier bien dégraissé et revêtu d’un flux de bonne qualité pour bien décaper, donnera une grande solidité, comparable à l’acier. Les portions de l’ancien filet noyées dans la soudure et subsistant après le taraudage, apporteront un plus de solidité en renforçant et « ancrant » solidement le laiton, de quoi rouler l’esprit tranquille… Si vous savez souder, et pas juste « coller » le laiton !