Parfois, on a sous la main un vieux cadre en acier de 30 ou 40 d’âge avec lequel on voudrait bien remonter un vélo… mais ô surprise, même si tout semble convenir, on se trouve confronté à l’éternel problème d’entraxe des pattes arrière… trop étroit ! 120, 122, ou 126mm dans le meilleur des cas, mais de toute façon inadapté aux transmissions actuelles réclamant un moyeu de 130, voire 135mm. Mais on peut y remédier facilement, avec un peu de méthode et de doigté, sans que la mise en place de la roue arrière ne se change à chaque crevaison, en une séance de musculation !
Un bon cadre reste un bon cadre, surtout en acier, car il est virtuellement inusable… tant qu’il n’est pas attaqué par la rouille. Pour être honnête j’en ai bien eu un, qui à force d’en user et d’en abuser, à fini aussi rigide qu’un chewing-gum, mais le cas est exceptionnel !
Ce cadre en acier des années 70, un France-Loire badgé Jacques Anquetil, en tubes Super Vitus 971 à épaisseur variable, mérite bien de revoir la route… Il me servira donc de cobaye pour lui écarter les pattes ! Âmes sensibles s’abstenir, mais les curieuses sont les bienvenues !
La fausse bonne idée :
On pourrait penser qu’une façon simple et rapide, comme placer une tige filetée entre les pattes arrière du cadre (à la place du moyeu, donc) puis écarter les écrous par l’intérieur (en interposant des rondelles pour faire les choses proprement) jusqu’à l’entraxe désiré, serait une bonne idée… Oui, mais non ! Pour deux raisons :
- Avec un cadre en acier de bonne qualité, desserrer les écrous fait revenir l’écartement à une valeur très proche de ce qu’elle était initialement. Il faut donc écarter beaucoup plus, pour arriver un peu « au pif » à une ouverture de cadre, elle aussi assez approximative.
- Très souvent, les bases – surtout en vélo ancien – ne sont pas symétriques. Celle de droite est davantage travaillée, écrasée pour le passage des plateaux, et il y a ainsi toutes les chances pour que les deux côtés ne réagissent pas de la même manière à l’écartement, et le cadre se retrouvera au final avec un arrière de travers. Même si le résultat semble correct, la géométrie sera faussée. Est-ce que ça vaut bien la peine de s’en apercevoir, lancé dans une bonne descente viroleuse et à deux doigts de finir dans le ravin ?
Bref, en plus d’être dangereux, tout ça n’est pas sérieux ; du bricolage de bas étage. Voyons plutôt comment faire avec rigueur et élégance.
La bonne méthode :
Tout d’abord, il faut poser le cadre à terre, le tube vertical sur des cales (en bois) pour que les bases et haubans ne soient pas en appui sur le sol. Seule la colonne de direction doit toucher terre.
Avec une longue barre d’acier très rigide (2m minimum pour bien moduler son effort de traction), on passe à l’intérieur de la boucle arrière du cadre, et au-dessus du tube vertical (trait vert sur la photo). Il suffit de faire levier (un pied sur le tube vertical, à côté de l’extrémité de la barre) pour écarter la patte de la moitié de la largeur à rattraper (par exemple avec un cadre en 126mm, on s’arrête en ayant obtenu un entraxe provisoire de 128, pour un final de 130mm). Il reste alors à retourner le cadre, et à répéter l’opération de l’autre côté, pour arriver à l’entraxe définitif souhaité.
Voilà pour le principe, mais il faut y aller avec douceur et fermeté, pour bien « sentir » la boucle arrière du cadre bouger. Normalement, c’est du costaud… Alors il vaut mieux s’y reprendre à plusieurs fois plutôt que d’aller trop loin et de tordre les tubes de manière destructive… Car bien sûr on ne s’amuse pas à aller trop loin dans un sens, puis retordre dans l’autre pour essayer de rattraper ! Le marteau et la masse sont aussi à bannir : pas de brutalité, on fait tout à la main !
Une fois l’écartement correct obtenu, il faut s’assurer que le cadre ne soit pas en « crabe », il doit être parfaitement aligné dans sa partie arrière. Autrement dit, il faut contrôler la géométrie, et une ficelle fine suffit.
On fait donc passer la ficelle des pattes arrière jusqu’à la colonne de direction. Une fois en place et tendue de chaque côté, on mesure la distance entre la ficelle et le tube vertical, exactement de la même façon et au même endroit, des deux côtés. Normalement, si tout à été fait avec doigté et prudence, il doit y avoir moins de 0,5mm d’écart entre les deux mesures. Au-delà, cela ne me semble pas acceptable, on n’est plus dans la transformation, mais dans du bricolage sordide ! Un vélo doit pouvoir rouler parfaitement droit tout seul, pour éviter de verser dans le bas-côté au moindre instant d’inattention !
Si le test à la ficelle est acceptable, je vous conseille de vérifier plus finement la qualité de la géométrie. Avec une règle de maçon (servant à lisser les chapes de béton), on contrôle directement le hauban :
Un léger cintrage des haubans est inévitable, vu qu’on les a écartés… C’était d’ailleurs le but de la manœuvre ! Le pontet de fixation de l’étrier de frein crée une contrainte, un point fixe. Le creux est maximum à ce niveau (flèche rouge). Le cintrage à cet endroit (en face du pontet) doit être identique des deux côtés. Ici le creux est raisonnable, à peine plus de 1mm mesuré au pied à coulisse.
ATTENTION :
- modifier l’écartement du cadre comme je viens de l’expliquer demande une certaine expérience. Il faut le faire avec doigté, prudence, force et patience ; d’autant plus si le cadre est réalisé dans une série de tubes minces et légers.
- Il ne faut en aucun cas conserver le cadre en cas de craquement pendant les opérations d’écartement, ou si les haubans s’écartent sans effort, ou si l’écartement offre une résistance puis ne demande soudainement aucun effort, s’il y a déformation d’un tube, s’il y a une soudure déformée ou fissurée, ou tout autre indice ou anomalie indiquant que la structure du cadre a souffert de l’opération. Si vous n’êtes pas sûr du résultat ou en cas de doute, jetez le cadre sans hésiter ! C’est pour cela qu’il vaut mieux « se faire la main » sur des cadres sans valeur. J’insiste, si vous n’êtes pas certain de ce que vous faites, ne le faites pas, il en va de votre sécurité !
- Bien entendu, ces opérations d’écartement ne peuvent s’appliquer que pour les cadres en acier (et encore une fois avec prudence), mais en aucun cas pour le carbone, c’est une évidence, mais je ne vous le conseille pas non plus pour l’aluminium.
- Et pour finir, ne faites pas un choix extrême, ne convertissez pas un entraxe de 120 en 135mm !