Dans les années 70 ou 80, les plateaux trouillotés tout le monde en voulait – ou a rêvé d’en avoir – sur son « course ». Rien de tel pour aller crâner à la sortie du dimanche matin… mais comme poudre aux yeux ils se posaient là, ne faisant gagner qu’un poids tout à fait ridicule de quelques grammes. Je sais, la réalité est cruelle parfois ! Quoi qu’il en soit, ils peuvent donner un côté très racé – ou très kitch diront les mauvaises langues – sur un montage d’époque cohérent ; alors ne crachons pas dessus, et voyons comment en réaliser de vrais faux, car il ne faut pas se leurrer, comme pour beaucoup de choses il y a toujours des petits malins pour faire grimper les prix en flèche de ce que le bobo ordinaire raffole… et tant pis pour les autres, les puristes !
Bref, rareté relative… qui devient bien réelle en s’écartant des dentures et / ou diamètres usuels. Voyons donc comment ne pas se faire plumer rien que pour justifier quelques perforations sur l’oiseau rare !
Le principe est extrêmement simple, tout le monde sait faire un trou dans une galette d’aluminium, même sans aller jusqu’à créer son propre plateau. Pour obtenir un résultat tout à fait correct sans avoir à y passer des heures, c’est autre chose. Déjà point de vue matériel il ne faut pas grand-chose : une vis à collerette, une autre qui n’a pas la grosse tête – entre nous, restons simples ! – une petite entretoise de 8mm, par exemple un rouleau d’une chute de chaîne… une petite planche, et de quoi l’immobiliser. La perceuse pour percer, ça c’est une évidence, sur colonne pour faire les choses bien.
C’est parti. Sur le plateau à percer, pointer soigneusement l’emplacement souhaité pour un premier trou, ce sera notre référence.
Positionner la vis à collerette vers un bord de la planche. Il ne faut pas la serrer à fond pour que les dents du plateau puissent se glisser entre les deux : collerette et planche. L’autre vis – passée au travers de l’entretoise – est placée à l’opposé de la planche vers le coin, précisément surtout, de façon à ce que le plateau se verrouille parfaitement bien sur ces deux points d’ancrage. On doit pouvoir glisser et sortir le plateau sans effort et sans trop de jeu non plus. Présenter le plateau quasiment à l’horizontale, le glisser sous la vis à collerette, puis appuyer pour verrouiller l’autre côté sur l’entretoise. Pour libérer le plateau c’est l’inverse : soulever légèrement pour dégager de l’entretoise, puis chasser de la collerette et sortir le plateau.
Avec la perceuse munie du foret qui convient – autour de 2,5mm pour respecter les standards de l’époque – on descend le mandrin sur le pointage du plateau, moteur arrêté, et on fixe fermement la planche sur la table de la perceuse.
Ici pas besoin de réaliser un bridage compliqué, deux ou trois serre-joints suffisent.
Une fois fixée, la planche ne bouge plus. On perce le premier trou, décale le plateau d’une dent sur la planche, perce le trou suivant, toujours en maintenant fermement le plateau sur ses deux plots d’ancrage… et on fait le tour… Voilà, c’est d’une simplicité déconcertante, et en y allant tranquillement le résultat est parfait !
C’est bien beau me direz-vous, mais les trous sont trop écartés, c’est très moche… Bah oui, ça peut l’être, mais ce n’est pas fini ! Pour resserrer l’espacement entre les trous, il faut en refaire, et en premier lieu recommencer par réaliser un pointage soigneux entre deux trous que vous venez de réaliser… Ha, ça vous rappelle quelque chose, pas vrai ? C’est ça, on recommence tout le cycle en ayant légèrement décalé la planche sur la perceuse, et c’est reparti pour un tour… mais vous avez l’habitude maintenant !
Pour la finition, réaliser les chanfreins comme à l’époque, c’est quand même mieux… et pas tellement plus compliqué. Il faut monter un foret plus gros dans le mandrin et régler la butée de profondeur (index rouge sur la photo) de la perceuse – moteur à l’arrêt en venant au contact du plateau et en ajoutant à peine 1mm – de telle façon à seulement effleurer le plateau… et ne pas passer au travers !
Il faut être soigneux et bien appuyer sur le plateau à chaque trou pour éviter qu’il se relève et finisse avec des trous énormes… mais également pour que chaque chanfrein soit de la même profondeur. Pour finir, retourner le plateau pour chanfreiner l’autre face.
Et voilà, rien de bien compliqué, donc. Le petit plateau qui vient d’être façonné se marie bien avec les deux autres de ce pédalier triple. Le seul défaut est que les trous fraîchement percés sont bien plus brillants que ceux réalisés en usine… il y a une quarantaine d’années !
Bien entendu, je vous conseille très fortement de faire un essai sur un vieux plateau pour vous familiariser avec la procédure ; et encore plus fortement d’enfiler des gants en cuir épais, au moins pour la main qui maintient le plateau en place… et en ne l’ayant jamais à proximité immédiate du foret, hein. Si vous n’êtes pas très bricoleur, pas de fierté mal placée ; faites-vous aider, vos doigts sont précieux !