Si vous avez déjà entendu parler de Shimano Silent Clutch, il y a des chances pour que ce soit en mal ! Pourtant, le principe de ces moyeux à cassette n’était pas si mauvais. Pas de cliquets qui battent dans la semoule en roue libre, mais des galets qui se bloquent dans un sens et se libèrent dans l’autre. Rien de révolutionnaire, les galets de coincement sont largement employés dans l’industrie, par exemple dans les roues libres de démarreurs moto… et un démarreur qui s’engage est du genre brutal ! La mauvaise réputation des Silent Clutch vient d’un challenge entre crétins – anglo-saxons en particulier – pour arriver à les détruire le plus rapidement possible en VTT… et avec un peu de persévérance, beaucoup y arrivaient très bien. À l’aide d’un minimum de couverture médiatique à l’époque, l’affaire a vite été pliée ! Alors oui, Shimano n’a sans doute pas été très malin. Si le Japonais est respectueux de beaucoup de choses, l’Occidental, moins ; et ce genre de produit aurait sans doute eu une tout autre carrière, positionné route ou tourisme, mais on ne refait pas l’histoire. Les roues libres bruyantes, ce n’est pas trop mon truc. Pour masquer le bruit des bagnoles qui arrivent et réveiller les clébards qui traînent la nuit on ne fait pas mieux ! Mais déjà, sans être Silent Clutch, les mécanismes de roues libres Shimano conventionnels ne sont pas très bruyants… tout le contraire d’une Zipp notamment. Vous avez remarqué comme les roues haut de gamme sont souvent assez expressives. Ce n’est pas forcément un hasard, mais sans doute un effet recherché ; un peu comme la moto qui fait du barouf à l’impression d’avancer plus vite (il faudrait d’ailleurs que je pense à changer le pot de ma vénérable 400XLS…)
Bref, un moyeu Silent Clutch se reconnaît car c’est écrit dessus… Ou pas ! Hé oui, le pedigree est annoncé sur une simple bande autocollante enroulée à droite du moyeu, et qui a tendance soit à se décoller, soit à devenir illisible. Malgré tout, le gros renflement côté cassette est assez évocateur. Et comme son nom l’indique, il se reconnaît aussi (en bon état) à l’oreille : à l’absence totale de bruit en roue libre. Sur la photo, le moyeu noir dispose d’un corps pour cassette 8 à 10 vitesses, les deux autres sont limités à 7.
Bon, la différence entre corps 7v et 8 à 10v n’est pas flagrante, et pourtant il y a bien 4mm d’écart. Cette impression est aussi due à la base moins large des cannelures qui place la cassette légèrement plus près des rayons sur le corps 8 à 10v. Les deux types de corps sont interchangeables sur tous les moyeux Silent Clutch.
De manière plus anecdotique, on peut aussi rencontrer ce type de moyeux sur la gamme Nexave (IM50 et IM70 avec leurs cannelures pour flasque de freinage par rouleaux).
Place au démontage :
Il faut tout d’abord retirer l’axe de roue à l’aide de deux clés de 17. Le but est de dévisser un écrou et libérer le cône d’un côté. Habituellement, c’est la gauche qui vient en premier. Noter la place des entretoises.
Retirer les billes sans en perdre. Il y en a 9 de 6,35mm (ou 1/4″) de chaque côté. Même si elles sont de dimension identique, ne pas les mélanger car en cas d’usage prolongé, l’usure peut avoir été différente d’un côté à l’autre en fonction de la qualité du graissage, de la pénétration d’eau, de boue…
Noter ici la différence subtile dans l’état de surface – bien brillant en haut, légèrement dépoli en bas – qui confirme des conditions d’utilisation différentes. Ne pas mélanger les billes rendra le réglage plus facile au remontage, et assurera une meilleure fluidité de fonctionnement.
Faire ensuite remonter progressivement – pour éviter de la déformer – la chicane en acier située en bout de corps de roue libre – à l’aide d’une grosse lame de tournevis – puis l’éjecter.
Derrière la chicane, apparaît la cuvette où prenaient place les billes. Noter qu’elle dispose de 2 encoches. Desserrer cette cuvette – sans la retirer ! – dans le sens inverse : sens horaire. Pour cela, le plus simple est de se servir d’un outil pour extraire les roues libres à 2 encoches, en meulant éventuellement un peu ses ergots. Normalement, le serrage n’est pas fort ; mais pour éviter de faire riper l’outil, voir la deuxième partie de cet article.
À l’aide d’une clé BTR de 10mm bien positionnée au fond, dévisser complètement le corps de roue libre. Attention, il est serré habituellement très fort (se dévisse dans le sens habituel : antihoraire).
L’ensemble corps de roue libre se sépare du moyeu. Noter la présence d’une rondelle intermédiaire en acier.
On peut maintenant passer au démontage du corps de roue libre proprement dit.
Dévisser complètement la cuvette. Derrière, se trouvent 25 petites billes de 3,175mm (ou 1/8″), attention à ne pas en perdre. Une série de rondelles de calage (petites et/ou grandes, fines et/ou épaisses) sert à ajuster le jeu dans le mécanisme.
Séparer lentement les deux parties du corps de roue libre. 25 petites billes de 3,175mm (ou 1/8″) sont également présentes de ce côté.
Sortir la cage plastique munie de ses galets de coincement. Comme pour les billes, attention à ne pas en perdre, ils tombent facilement. Noter l’emplacement (cloisonné) sans galet où vient se loger la tige du ressort. Il y a donc 23 galets de 3,5×11,7mm.
On peut maintenant nettoyer et dégraisser toutes les pièces. Attention, les fines rondelles de calage et les lamelles ressorts de la cage plastique sont plutôt fragiles.
S’assurer du bon fonctionnement du ressort du corps de roue libre en tournant doucement sa tige à la main : libre dans un sens, gras (on sent une légère résistance à la rotation) dans l’autre.
Enduire de graisse au lithium le chemin de billes et la surface de coincement des galets (en fait, toute la surface de la pièce interne du corps de roue libre, sauf ses filetages).
Faire glisser la cage plastique, en engageant la fente du logement ne recevant pas de galet sur la tige du ressort.
Replacer les billes sur le chemin de billes, puis les rouleaux par l’extérieur de la cage. Bien plaquer toutes les pièces dans la graisse.
Rajouter un peu de graisse sur l’extérieur des rouleaux – sans faire tomber de billes ! – et sur tout l’intérieur du corps de roue libre, chemin de billes compris. Ne pas mettre trop de graisse non plus, il ne faudrait pas gêner le mouvement des rouleaux.
Remboîter la partie externe du corps de roue libre en la faisant descendre sur les galets (sans tourner).
Une fois le tout assemblé, s’assurer que la partie externe tourne librement dans le sens antihoraire, et se coince quasi instantanément dans le sens horaire. Si le verrouillage n’est pas franc et immédiat, soit il y a trop de graisse dans le mécanisme, soit les rouleaux sont usés.
Remettre en place la ou les rondelles de calage. D’abord les fines, puis les larges et épaisses.
Plaquer les 25 billes de 3,175mm bien en périphérie du chemin de billes.
Graisser le chemin de billes de la cuvette, la présenter bien à plat sur le corps de roue libre, puis la visser dans le sens antihoraire – par ses 2 encoches – avec un extracteur de roue libre à 2 ergots.
S’assurer que le mécanisme tourne toujours librement et silencieusement dans un sens ; et se verrouille bien dans l’autre, en engageant soit tout doucement soit très brutalement. Contrôler l’absence de point dur et de jeu.
S’il y a du jeu latéralement (flèches rouges sur la photo), dévisser la cuvette et retirer une rondelle fine puis recontrôler le jeu et le fonctionnement.
Revisser le corps de roue libre sur le moyeu sans oublier de placer la rondelle au fond du logement. Comme le corps de roue libre est serré très fortement d’origine, enduire le filetage de frein filet type Loctite 243 avant de le visser.
Il reste à remonter l’axe de roue. Graisser d’abord les deux chemins de billes du moyeu.
Poser la chicane de protection en bout de cassette, puis l’enfoncer à coup(s) de maillet par l’intermédiaire d’une grosse douille. Ne pas taper comme une brute, il faut pouvoir replacer les billes derrière !
Graisser le cône resté sur l’axe, l’emboîter partiellement et introduire les 9 billes de 6,35mm.
Retourner la roue et replacer les 9 autres billes de 6,35mm – en présence de défauts, ne pas hésiter à les remplacer – puis graisser le cône et le visser.
Remonter entretoises et écrou puis régler le jeu aux roulements. Ne pas monter le soufflet en caoutchouc maintenant, il empêcherait le passage d’une clé plate pour régler le cône.
Le réglage fait, il ne doit y avoir aucun jeu – même minime – mais on doit sentir un très léger manque de fluidité en tournant l’axe à la main. Vouloir un roulement parfaitement fluide demande une très grande habitude – et un usinage parfait des pièces, irréaliste avec un système fileté, alors après un kilométrage indéterminé… – aussi cela se traduit quasiment toujours par la présence d’un jeu imperceptible sur au moins une portion de la rotation. Dans ces conditions, les trépidations de la route se montreront vite destructrices pour le système de cônes / cuvettes.
Terminer en remontant le soufflet en caoutchouc.
Super. Merci pour toutes ces indications claires et détaillées.