Le BRM 400 km de Grenoble – 4 octobre 2014

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D’habitude les brevets de 400km sont programmés au printemps, alors en proposer un début octobre, et avec un parcours en montagne de surcroît, était assez osé… Mais comment résister à l’idée alléchante d’aller faire un petit tour – surtout sous de bonnes conditions météo – juste avant que la montagne ne s’endorme pour l’hiver, à l’abri sous son manteau blanc ? Hé bien, à vrai dire je n’ai pas pu !

Vendredi 3 octobre au soir… c’est parti pour trois heures de train. Comme d’habitude, je n’arriverai pas à m’assoupir, tant pis. Le train finit par arriver en gare de Grenoble peu avant minuit. Pour alléger la note du voyage, et comme il ne reste que trois bonnes heures à attendre, j’ai prévu de me cacher dans un petit recoin, en attendant patiemment le départ. La température est agréable, la nuit est claire, tout va bien… sauf que je n’ai toujours pas sommeil, alors je me mets à compter les étoiles. 3h15, ne connaissant pas le lieu précis du départ, je me poste en évidence, adossé à l’espèce de petite station-service désaffectée… Je verrai bien quelqu’un passer… Et ce sera Jean-Philippe, notre organisateur.

SAM_0235zLes autres randonneurs arrivent petit à petit, nous serons une petite trentaine, pas mal pour ce type de parcours, en cette saison. Jean-Philippe nous accompagne pour sortir de Grenoble. Voilà une occasion de moins de se perdre dès le départ. Une très légère brume fait de furtives apparitions avant de disparaître, pas de quoi refroidir cette nuit à la température agréable. SAM_0266zNous suivons la vallée de la Romanche. Des souvenirs du Lautaret me reviennent… sauf que nous n’y montons pas. La déviation nous en empêche, alors nous quittons la D1091. Dans ma tête le brevet commence vraiment ici, finis les faux plats, en route pour le Col du Glandon. Allemont, les lumières sur le village, puis le lac, sont magnifiques, un des plaisirs simples de la route de nuit, à condition d’être un cyclo à l’âme contemplative. Avec le début de la montée, notre petit groupe se disperse, chacun suivant son rythme. SAM_0314zAprès le premier replat, la route remonte fort. Ça se confirme, on n’est pas là pour flâner. L’odeur des grands résineux coupés réveille les narines. Malgré la nuit claire, le petit matin se lève très nuageux sur Le Rivier d’Allemond. Je profite d’une des fontaines du village pour faire une petite pause, le temps de remplir les bidons. À peine reparti, la fromagerie encore endormie sent bon la chèvre ! Un peu plus loin, une longue descente fait perdre 100 mètres de dénivelé tout rond… qu’il faudra regagner juste après la jolie petite vallée. Au moins le paysage mérite le détour, mais la vie est injuste, car si en plus il faut descendre dans les montées de col, je vais avoir l’impression de faire deux fois le travail… alors que j’ai déjà eu tant de mal à le faire une première fois !SAM_0321z Ma vitesse ascensionnelle semble vouloir se caler à la vitesse folle de 6 ou 7km/h sur ce brevet… rarement plus bien longtemps, même en cherchant à relancer quand la pente s’adoucit. Pas bien folichon, mais je tiens le rythme… forcément ! Petit à petit le ciel semble vouloir se dégager. Je m’arrête à un petit belvédère pour profiter du panorama après le barrage de Grand’Maison. En entrant en Savoie, le paysage se fait moins minéral, plus herbeux. Les grincheux diront toujours que l’automne a les mêmes couleurs partout, moi je suis bon public, alors je profite du spectacle, et de la dernière occasion de voir la montagne dans ces conditions agréables.

 

SAM_0323zPasser juste devant le Col du Glandon, et ne pas y monter, quelle curieuse idée ! … Alors pour éviter cette faute impardonnable, je prends le petit bout de D927 jusqu’au sommet. Immédiatement, la beauté du massif qui me fait face, me fait comprendre que j’ai eu raison ! Je profite un peu de la beauté du panorama dégagé, avant de repartir vers la Croix de Fer. SAM_0333zLe dessous de ma cuisse gauche est tétanisé depuis le départ – petit souci récurent quand je m’attaque à la montagne sans grande préparation – mais on ne peut pas se hacher le gros orteil et faire une bonne saison cycliste ! Je n’ai donc pas trop roulé cet été. Aujourd’hui c’est mon premier brevet depuis la Ronde Aliénor d’Aquitaine et ses 1200km, alors je savoure ma session de rattrapage ! Comme il n’y a pas à redescendre, le Col de la Croix de Fer ne semble qu’à deux pas de celui du Glandon. SAM_0339zAu sommet, je déguste comme il se doit une des trois petites madeleines (en référence à la « private joke » de Jean-Philippe avant le départ). Même si un tiers du dénivelé est déjà fait, je prends quelques photos sans trop flâner, et c’est reparti. Le premier pointage est encore loin, et le délai plus si long, hélas. Je repars juste après un autre participant, plutôt bon descendeur ! S’il passe… logiquement moi aussi… Logiquement ! Je dois mal évaluer un lacet qui se referme, pas de problème, je freine plus fort… sauf que je pars pour faire une figure artistique de toute beauté, tout en dérapage sur la roue arrière. Elle se met à dribbler, le vélo se cabre dans tous les sens, vraiment casse-gueule ! SAM_0352zLe dilemme est alors cruel : soit relâcher le frein, mais finir en tout droit faute d’avoir assez décéléré, soit continuer roue bloquée pour de toute façon finir par chuter… mais avec l’avantage de rester sur la route au lieu d’aller dans le ravin ! Finalement je teste une troisième option, à mi-chemin des deux premières : je fais tout mon lacet en dérapages façon rodéo improvisé entre deux blocages de roue… Ça secoue bien, je passe d’un angle à l’autre, le cœur part lui-aussi en figure libre, ça part dans tous les sens… Mais je reste miraculeusement debout ! Je pense que l’automobiliste juste derrière a dû se demander ce qui se passait… En tout cas, pas fou, il ne m’a pas doublé tout de suite ! En fait toute cette histoire est affaire de freins. SAM_0355zSur ce vélo, il fallait jusque-là une sacrée poigne pour arriver à bien ralentir… alors j’ai pris insidieusement l’habitude d’appuyer comme un bourrin sur le frein arrière sans jamais qu’il ne se bloque, à part très rarement en forte descente sous la flotte, mais jamais méchamment. Avec le temps et l’usure, comme ils ont fini par demander une force herculéenne, j’en ai eu assez. J’ai installé de nouveaux freins, très efficaces, sauf que je n’avais pas fait de descentes de cols avec – à cause du massacre de mon gros orteil, qui m’a privé de vélo après les 1200km de la Ronde Aliénor d’Aquitaine – donc un lacet mal évalué et de nouveaux freins tous neufs à peine essayés… Ceci explique cela ! SAM_0362zAprès cette grosse frayeur, je reprends la descente sur un mode beaucoup plus calme. Je ne vous cache pas que je ne fais pas le fier. J’y vais tranquillement… histoire d’apprivoiser les freins, d’apprécier la puissance disponible à l’avant, et de doser plus progressivement l’arrière. Le cœur a besoin de retrouver son rythme de croisière. Finalement, je me dis que le concept des étriers différenciés n’est pas idiot… en tout cas pour la montagne ! Le bitume n’est pas forcément terrible dans la descente… mais il sera pire dans la montée du Col du Mollard. La route est une horreur, largement crevassée, et pour camoufler la misère, elle a été par endroits très généreusement gravillonnée. La refaire entièrement aurait été plus intelligent que de semer tous ces pièges à cons pour deux roues ! SAM_0376zMerde, ce serait quand même un comble ; je n’ai pas survécu à mon rodéo dans la descente de la Croix de Fer, pour finir étalé lamentablement dans une saloperie de poche de graviers ! Le sommet autour duquel nous tournons m’intrigue, il semble en manquer une grosse tranche, comme si un géant s’était servi dans un énorme gâteau minéral. Au sommet du Col du Mollard je déguste ma deuxième madeleine, il n’y a plus qu’à redescendre pour le contrôle d’Albiez le Jeune, dans quelques kilomètres. Sur ce versant les graviers ont heureusement disparu… tant mieux !

SAM_0405zAlbiez le Jeune, contrôle par question secrète à la limite de l’horaire de fermeture. Mais pour être exact avec le timing, nous sommes partis à 4h10 passés au lieu de 4h pile, alors il reste du temps, na ! Même si la réponse à la question posée n’a rien de bien compliquée, sa simplicité déroute justement. Alors je cherche un instant, un piège où il n’y en a pas. Je reprends la descente du Col du Mollard. Ce n’est pas ici que je gagnerai du temps, la route est toute en courts lacets, pas moyen de prendre de la vitesse. Revenu sur le plat, à Villargondran, je prends la D81 en sens inverse, en confondant Saint-Jean-de-Maurienne et Saint-Michel-de-Maurienne ! SAM_0408zIl vaut mieux s’adresser au Bon Dieu qu’à ses saints paraît-il, et bien moi, je me suis trompé de Saint. Une fois dans Saint-Jean-de-Maurienne, je comprends mon erreur stupide, et je fais demi-tour. Ce n’est pas ici non plus que je gagnerai du temps ! Malgré la circulation, la D1006 n’est pas si désagréable, offrant un tracé en faux plat rapide jusqu’à Modane. Pour prendre la montée vers Aussois, il faut trouver la D215… et étrangement, des embranchements de D215 il y en a d’indiqués partout dans les environs : deux à Le Freney, un à Fourneaux, et deux autres à Modane… il faut donc être patient pour prendre la bonne route ! Et rester patient dans cette montée d’Aussois qui m’a semblé si laborieuse justement, malgré le soleil agréable de ce début d’après-midi.

Nouvelle question secrète pour pointer à Aussois, toujours en limite de l’horaire maximum, mais tant que les délais ne se creusent pas, tout va bien… Et c’est reparti sans tarder. À Sollières-Sardières,SAM_0428z je fais le plein des bidons à la fontaine située sur la place de l’église. Les joyeux clapotis de l’eau sont reposants, mais il faut bien repartir. En traversant Lanslebourg, de courtes rafales de vent, aussi soudaines qu’isolées, me font craindre un changement de temps. Finalement Éole s’essoufflera vite, et le temps se maintiendra ensoleillé à une bonne vingtaine de degrés. Pas mal pour un après-midi d’octobre. La montée vers le Col de la Madeleine est régulière. Elle me semble plus facile que cette montée d’Aussois qui m’avait paru si fastidieuse. SAM_0453zJ’ai bien trouvé le col, son panneau d’altitude aussi, mais je n’ai pas remarqué le carrefour de Prés Clos par lequel j’aurais dû passer. Cela restera un mystère. Ensuite, jusqu’à Bonneval / Arc la route est plate… après quoi il faudra bien grimper le millier de mètres de dénivelé pour atteindre le sommet du Col de l’Iseran ! Passé les deux mille mètres d’altitude, le long replat permet de récupérer un peu… après, plus d’échappatoire, il faut y aller malgré une assise et des genoux douloureux. Quelques gouttes sont là pour me rappeler la fragilité de la condition de randonneur à cette altitude, mais la pluie ne tombera pas cette fois. SAM_0469zHeureusement, car la température chute vite, le jour aussi. Le froid me fait du bien aux articulations, je supporte bien les quelques degrés positifs restant au thermomètre. 4, puis 3°, à monter en t-shirt… pour finir dans les nuages. En m’arrêtant, je prends bien mesure de la fraîcheur : le fond de l’air est vraiment glacial. Pourtant mon esprit est ailleurs, la lumière rasante jouant dans la brume, me fascine tellement. Pas facile de l’apprivoiser en photo, pas facile non plus de s’en détacher, alors que la nuit va bientôt tomber. SAM_0486zMais que voulez-vous, je suis un contemplatif ! Pour la descente, il y a des limites, alors naturellement je me rhabille. Coupe-vent, jambières, surchaussures légères… Et bien entendu, je n’ai pas les gants longs que j’avais hésité à prendre. À présent le vent disperse un peu la brume. Je reste hypnotisé par la chapelle de lauses jouant à cache-cache avec les écharpes de ciel. Sa présence ici, et sa silhouette fantomatique m’intriguent, elle qui s’était jusque-là dissimulée à moi dans toute cette nébulosité. Après la pause photo, c’est reparti. SAM_0494zTout va bien, nous sommes à mi-chemin, mais surtout la quasi-totalité du dénivelé est déjà accomplie… Il n’y a plus, en théorie, qu’à se laisser glisser sur 200km jusqu’à Grenoble ! Dans la descente, mes mains en gants courts s’ankylosent vite, pas terrible pour la précision des trajectoires dans les nuages. Je ne me sens pas à l’aise, j’ai l’impression de prendre les virages au ralenti. Je m’arrête, enfile une paire de gants en latex, que j’emporte toujours pour ne SAM_0498zpas me retrouver avec les doigts noirs en cas de problèmes mécaniques. Bonne idée ! Mes gants de survie apportent un peu de mieux, et les doigts reviennent douloureusement à la vie. Le retour du sang vers les extrémités est ingrat. Le jour baisse vite, une voiture me double… puis se plante à l’arrêt entre deux lacets, en plein milieu de la descente. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Je la dépasse prudemment par le côté montagne, pas par le côté ravin, sait-on jamais ! Le véhicule me redouble, puis s’arrête encore un peu plus loin, dans quel but ? Je le redépasse, pas très rassuré. J’espère ne pas finir par être envoyé dans le ravin. Ce petit manège commence à m’énerver, et dure un certain nombre de fois jusqu’à l’entrée dans Val d’Isère… Et je n’en connaîtrai jamais la raison !

Le crépuscule est plaisant avec sa vue sur le lac du Chevril. Dans la nuit naissante, les tunnels se succèdent avec une route au bitume parfois aléatoire. Je ne peux éviter certains trous, sensation désagréable, ça secoue mais rien de grave. Sous les arches de béton, l’approche des voitures s’entend de loin, dans un vacarme surprenant. L’air est soudainement chargé d’humidité. Un petit moment ma roue avant décolle sur son passage un fin geyser d’eau. La pluie est en avance sur le dimanche. La météo ne l’attendait pas si tôt. Elle est tombée ici il n’y a pas très longtemps. Je n’y échapperais sans doute pas jusqu’à l’arrivée… autant si préparer ! Val d’Isère, Tignes, les appartements rivalisent d’un goût plus ou moins douteux pour loger les vacanciers. Bourg-Saint-Maurice arrive finalement assez vite, les 14°C de cette nuit sont très agréables et la D1090 jusqu’à Moutiers est très roulante, vive le plat !

Juste après le pointage de Moutiers, la pluie se met à tomber, et dans la nuit je n’arrive pas à trouver la direction d’Aigueblanche. Je finis par découvrir sans trop de problèmes la petite route étroite longeant le grand axe menant à Albertville, qui lui, nous est interdit. La pluie se met à tomber plus fort, alors à Notre-Dame de Briançon je dois rater quelque chose, ou mal interpréter la feuille de route, quoi qu’il en soit je tourne un bon moment en rond, finissant même dans un cul-de-sac, au lieu de la D213 sur laquelle je pensais être. Après cette longue déroute nocturne, je tape une grosse pierre à Cevins. La roue avant décolle sous le choc, retombe immédiatement sur un bord de la pierre, qui se fait envoyer directement dans le bas-côté. Au moins la roue arrière n’y aura pas droit ! Résultat :  bord de jante griffé, voile d’un millimètre, pneu juste éraflé, chambre en état, ça aurait pu être pire… Même pas de crevaison, pas si mal. La joie de la pluie nocturne, qui colle bien aux lunettes, et qui ne fait rien voir ! Alors que la pluie a cessé, j’arrive sec à Albertville, doute un peu de la route à suivre, mais finalement je suis bien sur le bon chemin cette fois. Aiton, c’est déjà dimanche, je n’ai toujours pas sommeil cette deuxième nuit blanche. Je ne sais pas si c’est le fait de rester tous ces kilomètres sur la D925, mais je trouve très laborieux d’atteindre Poncharra. Le tronçon entre Bourgneuf et Détrier me semble monotone et interminable. Sainte-Marie d’Alloix n’est plus très loin… Enfin !

SAM_0508zDernier pointage à Sainte-Marie d’Alloix, j’ai enfin une bonne petite marge sur l’horaire limite de fermeture du contrôle… de quoi faire face aux imprévus, au cas où ! Je pourrais même, au besoin, me payer le luxe de m’assoupir dans un coin, mais je n’ai toujours pas sommeil. Mes idées sont redevenues plus claires après l’arrêt, alors c’est reparti. À Saint Ismier, l’urbanisation reprend ses droits, comme pour me confirmer que Grenoble n’est plus qu’à deux pas. À Meylan, je suis rejoint par deux participants, nous finirons ensemble en à peine plus de 24h.

 

J’avais peur que les délais soient assez courts sur ce brevet, vu mes piètres capacités à grimper les cols, mais grâce à la particularité de concentrer tout le dénivelé dans la première moitié du parcours, finalement le temps se rattrape ensuite facilement en deuxième partie… à condition de ne pas trop traîner dès le départ ! Bref, un tracé exigeant, mais loin d’être insurmontable. J’étais venu sur ce superbe brevet juste pour les paysages de ce début d’automne… qui m’ont d’ailleurs semblé bien plus jolis que sur mon Dauphiné Gratiné de cet été… mais pour les plus blasés, la montagne ne restera toujours qu’un vulgaire tas de cailloux !

 

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