Pourquoi faire 350km de trajet, pour se rendre sur un modeste brevet de 300km… Et après, autant pour en revenir ? L’intérêt pourrait sembler assez limité, mais en train ce n’est pas pareil. Même si le temps est long à regarder défiler passivement le paysage, au moins on ne pédale pas, on s’économise ! Et puis cette année, je n’ai pas envie de faire encore les mêmes circuits. J’ai des envies d’ailleurs, de changement d’air, et j’essaie de boucler mes BRM de qualification pour le Paris-Brest-Paris assez tôt dans la saison. Comme je ne suis disponible qu’un week-end sur deux, mes choix de vadrouilles sont de toute façon plutôt limités. Alors pourquoi pas Vichy, qui est facilement accessible par le rail ? Chiche, j’y vais !
La météo s’annonce pluvieuse : de l’eau, de l’eau, et encore de l’eau… Et alors ? Quoi de plus normal que de prendre l’eau à Vichy ? Non ? L’organisateur a fixé le départ à 20h pour un brevet qui s’annonce en grande partie nocturne, raison de plus pour le faire, j’adore rouler de nuit. Comment ne pas aimer cette atmosphère particulière de silence et de solitude, où l’on se sent privilégié de traverser tous ces villages endormis, voleurs de songes que nous sommes, passagers anonymes et silencieux de nuits ballottées, retenues sous des paupières lourdes ou émerveillées ?
Samedi 26 mars 2011, début d’après-midi, l’estomac est un peu lourd. Je me suis littéralement gavé de nouilles, mais finalement pour la suite, je ne le regretterai pas ! Gare de Paris-Bercy, je mets le vélo au clou, accroché dans le wagon pour qu’il joue au cochon pendu. Sur le quai, un contrôleur se prend pour Nostradamus en devinant que je me rends au 300 de Vichy… Épatant ! C’est si connu que ça, ce truc ? En fait, un de ses collègues doit également prendre ce train. Comme prédit par le contrôleur, arrive Jean-Marc, un cinglé « entrevu » sur le forum Super Randonneur. Mais attention, un cinglé dans le bon sens du terme, un comme je les aime, qui a prévu de reprendre le train de 9h02 demain matin. Avec un départ à 20h, je me dis que ça va être plutôt sportif pour moi qui suis souvent sur le rythme de la balade. Mais vu que le point de départ est juste à côté de la gare, pourquoi pas, tentons le coup. Bref, il m’embarque dans son délire car sinon – vu qu’il n’y a pas de train entre 9h02 et 14h02 – je risquerais de poireauter quelques heures en gare ! Et puis il faut être joueur dans la vie, sur ce coup-là il n’y a rien à perdre. Il faudra juste que je m’organise pour mes – nombreuses – pauses pipi, car il n’y a naturellement pas de rallonge prévue pour ça au planning. J’en profiterai donc aux feux rouges, aux pauses mécaniques, aux pointages… C’est-à-dire partout où je pourrai, y compris de manière préventive..Ce qui amusera beaucoup Jean-Marc, mais bon, j’anticipe !
Il y a juste un détail auquel je n’avais pas pensé : le changement d’heure ! On n’a pas idée aussi, de faire un brevet de nuit… Précisément la nuit du passage à l’heure d’été. Là, je trouve que ça devient franchement juste, point de vue timing. Jean-Marc y croit dur comme fer, alors on tente. C’est parti ! Je reste en queue, j’ai ma réputation de « lent » à tenir. Le troisième mousquetaire sera une tête connue que je suis agréablement surpris de retrouver ici, à Vichy : Daniel, un membre actif du club de Longjumeau (dont j’ai encore les excellents souvenirs de son 1000 dans la tête). Pour une fois, les 3 mousquetaires sont bien 3, n’en déplaise à Alexandre Dumas… Quoi que j’aurais pu monter jusqu’à 5, on verra ça. Bref, nous partons à la nuit tombée pour notre chevauchée héroïque. Jean-Marc me rappelle vite qu’il n’est pas là pour amuser la galerie. Nous avançons bon train, attirés par les lueurs rouges de nos prédécesseurs. Les feux arrière, ça grise, ça attire. Un tandem sera rejoint sans trop de difficulté, mais il ne traîne pas en route, lui non plus. Une autre lueur, lointaine, annonce des cyclos bien plus coriaces. Jean-Marc s’accroche à son rêve, il envoie gros pour arriver laborieusement à rattraper les deux costauds. Nous nous calons derrière. Coup de chance, ils connaissent parfaitement le parcours. Nous arrivons au pointage de Dornes juste à l’heure de son ouverture, une grande première pour moi ! Pour le train de 9h02 c’est dans la poche. Maintenant j’y crois à 100 %, surtout avec notre escorte.
Nous repartons sans tarder. Quelques réglages mécaniques s’imposent à nos coéquipiers, rien de grave. La pluie se met à tomber, on y aura droit un bon moment. Quelques éclairs font de la figuration au fin fond de la nuit ; tant qu’ils restent silencieux, tout va bien. Les deux de devant continuent bon train… Jusqu’à 120km, puis le rythme ralenti. Jean-Marc prend davantage de relais. Je commence aussi à fatiguer. Sur une longue bosse, j’ai un coup de moins bien ; merde c’est pas le moment ! Les quatre m’attendent un peu, sympas les mecs. Un rayon cassé et un pneu crevé sur notre équipée nous ralentissent une fois de plus. La pause réparation à la frontale me permet de récupérer le temps que les vélos soient bricolés. Décidément, pas très fiable le matériel des deux gars. Il nous reste encore un peu de marge sur nos prévisions au moment de pointer à La Charité-sur-Loire, mais bon, il ne faut pas traîner.
La moitié faite, ça va aller, en principe il n’y a plus qu’à rentrer. Demi-tour par l’autre rive de la Loire. Ce brevet assez plat jusque-là, s’élève et comporte quelques belles bosses sur le retour. Du coup, la moyenne baisse. Les deux costauds commencent à être lessivés, et je m’accroche comme je peux. Il faut dire que j’ai été très souvent à mouliner tout à droite avec mon modeste développement, bien adapté à la randonnée, mais moins fait pour se tirer la bourre. 220km, nous sommes rejoints facilement par un groupe de trois. Mon moral en prend un coup et je décroche. Tant pis pour le train de 9h02… Il va falloir que je trouve à m’occuper en gare jusqu’à 14h ! Peu après, un des deux costauds du début décroche lui aussi. Je lui file au train. Le deuxième costaud lâche à son tour ; nous voilà trois en déroute tandis qu’en compagnie des trois fusées, Jean-Marc continue de courir après son rêve avec Daniel. Allez-y les gars, c’est tout bon !
Puis un des deux costauds du départ est complètement cuit, l’autre part à sa rencontre à l’arrière. Je me retrouve seul pour atteindre le contrôle de Bresnay. La dernière étape est courte, plus que 45km. Malgré une fin sur les grands axes, la rentrée sur Vichy est tranquille ce dimanche matin. 10h15… Heure d’été, je suis surpris de retrouver Daniel et Jean-Marc à l’arrivée, qui ont été vaillamment ensemble jusqu’au bout… Mais sont arrivés après 9h02 ; forcément, sinon ils ne seraient plus là ! Tant pis pour eux, mais au moins me voilà en bonne compagnie. Nous rentrons donc ensemble sur Paris par le train de 14h02, mais ça, c’est une autre histoire !
le parcours ICI