la RAA : Ronde Aliénor d’Aquitaine – 06 juillet 2014

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Il y a deux petites semaines sur le BRM 600 de Longjumeau, mon genou gauche m’a donné un avertissement, un sérieux, un de ceux qu’il faut savoir écouter, et qui veut dire sans équivoque à celui qui a l’habitude de traîner ce genre de petits soucis : je vais bientôt lâcher, et pas qu’un peu ! Décidément une mauvaise année pour mes articulations. RAA15 jours sans vélo donc, avec le repos et le doute qui vont inéluctablement avec. Et tout ça pour quoi ? Faire le tour de l’Aquitaine, la Ronde d’Aquitaine, la Ronde Aliénor d’Aquitaine, la RAA de son petit nom pour les initiés, mais quelle que soit la façon dont on l’appelle, la chose n’est pas forcément plus raisonnable, prise par un bout ou par un autre… Le problème reste donc entier, la volonté aussi, mais comme souvent la motivation s’envole et l’excitation laisse place aux doutes, les tous derniers jours avant le départ. Dans cette logique, début juillet je n’ai toujours rien préparé ! Je n’ai que de vagues grandes lignes en tête : Bordeaux, une première partie qui devient vallonnée, le Soulor, l’Aubisque, Hendaye, un bord de mer plat à remonter… et c’est à peu près tout… tout plat… pas loin… pas de problème… on verra. Comme souvent, j’envie ceux qui font une préparation scrupuleuse du physique comme de la topographie, étudiant attentivement le parcours, faisant sa dissection minutieuse, allant jusqu’à en faire, étape par étape, sa reconnaissance totale ou partielle… Bof… Et l’aventure dans tout ça ? Je me contente de tracer mon sillon rose sur ma carte Michelin… et ça sera bien assez pour moi ! En principe, personne d’un tant soit peu équilibré n’irait faire 1200km à vélo, en 3 ou 4 jours, juste pour un bout de carton… normalement ! Mais la normalité n’est que l’expression démocratique d’un comportement standard lissé par une réalité statistique, alors il faut bien des marginaux, même si l’acte est complétement gratuit. Bref tout cela n’est qu’un jeu, et pour moi il n’y a rien de sérieux là-dedans, alors tout va bien… Allons-y !

Dimanche 6 juillet 2014, j’ai tranché, même sans GPS le parcours détaillé me semble… trop détaillé ; je partirai donc avec la version  »courte » du tracé qui me semble de nature à moins s’embrouiller. Comme pour les grandes occasions, et c’en est une, j’ai ressorti mon moyeu dynamo pour affronter sereinement ces quatre nuits, ou trois si je suis en forme, mais comme mon billet de train du retour (à prix imbattable) est pour le jeudi après-midi, et que les points de contrôles sont plutôt luxueux… il n’y a aucune raison de se presser, autant profiter du confort qui nous est offert. Pour l’instant me voilà dans un train plein de vacanciers, avec mon vélo dans sa housse naturellement trop grande pour rentrer où que se soit dans le wagon. Tant pis, je reste à côté sur ce strapontin inconfortable…comme je me prépare à être juché sur une selle aussi peu moelleuse toute une petite éternité, SAM_0071qu’est-ce que ça peut bien faire ? L’impatience rend le trajet plus long… Bordeaux arrive enfin, pas de temps à perdre, remonter le vélo, aller jusqu’au Haillan, à peine le temps d’accomplir les formalités, reconnaître quelques têtes au passage, et c’est parti ! Du beau linge ici, national et international… toujours les mêmes têtes dirait le grincheux… et il n’a pas vu la mienne ! Mon vélo est une star ; le vélo, pas moi, pitié… j’accroche mon numéro 89, toujours pas de porte-bagages, toujours puriste, toujours en autonomie… alors tout ce qu’il me faut transporter est accroché sur l’arrière en un empilement solide mais improbable, entre le spartiate et l’art de ne s’encombrer que du nécessaire : surtout de quoi manger, le vélo ça donne toujours faim, et surtout de quoi se dépanner, le vélo ça attire la poisse… Mon bric-à-brac doit sans doute être sympa pour la photo… Et dire que personne ne remarque le plus insolite : les appuis de pédales « made in » boîte à sardines (voir ICI) pour renforcer le  »plastique » et corriger son usure… si, si, ça fonctionne merveilleusement bien, et avec une stabilité exemplaire ! Passons.

SAM_0084aÇa part vite, très vite, trop vite ; je dois vieillir, je trouve que les participants partent de plus en plus vite ces derniers temps, comme pour une sortie du dimanche matin. 1200km pourtant. Rien ne presse. C’est ça, je dois sans doute ramollir. Le départ par la piste cyclable est une bonne idée pour éviter de se confronter violemment au tissu urbain. Dans un petit virage serré, le Pont d’Aquitaine prend des airs de Golden Gate Bridge. J’ai la flemme de m’arrêter pour la photo. SAM_0103L’étape est plate et rapide, rouler en groupe est facile, les cyclos ne sont pas encore trop dispersés. La traversée de Libourne de jour me paraît beaucoup plus courte que de nuit lors de ma Flèche Paris – Bordeaux, où j’étais à la recherche d’une satanée boîte aux lettres que j’ai eu tant de mal à trouver, pour y glisser ma carte postale de pointage. La vigne a pris possession du terrain. Ici le travail des Hommes est vert et bien rangé, le reste se cache à l’abri des pierres des châteaux. Déjà la première halte. Des participants s’impatientent de l’inertie du tamponnage de St-Emilion… qui à vrai dire est un peu lent… mais vu la distance qui reste à accomplir, il y aura sans doute plus dramatique !

SAM_0109Je repars seul. Les nuages ont pris possession du jour couchant. Quelques bosses font leur apparition… d’autres suivront à mi-étape. En attendant la nuit est assez chaude. La lune s’est levée, et le soleil prépare son sommeil dans mon dos ; à demain l’ami, j’espère. Tout va bien, rouler pour se retrouver, filer droit, regarder devant soi, écarter le néant d’un trait de lumière, tout va bien. Lorsqu’on me double, SAM_0123un détail auquel je ne fais plus attention depuis bien longtemps, même s’il m’agace de temps en temps, intrigue beaucoup : ma selle grince constamment. Elle s’est toujours montrée très expressive, c’est ainsi, c’est sa nature et rien n’y fait, vraiment rien, alors j’ai décidé de la laisser tranquille… la non-ingérence est respective. File un tandem, je suis rejoint par Patrice avec qui j’avais fait un bout de route en 2012 sur le 1000 de Ménigoute. J’espère que cette fois il aura meilleure fortune. Les bosses reviennent donc… personnellement je trouve ce parcours vallonné sans plus, mais le ressenti de chacun est subjectif, pourtant je ne sais pas grimper, je suis mal préparé… enfin bon, vers Brantôme le brouillard est tombé, très fin, presque rien, mais terrible pour coller aux lunettes et rien y voir ! St Pierre de Côle n’est plus très loin pour pointer. Le verdict de l’altimètre est sans appel : 1000m par 100km, les bosses sont pourtant bien là, et je ne les sens pas. Je ne les sentirai pas trop non plus par la suite… et je ne tente pas de le rationaliser, une vie sans mystère est-elle une vie ?

Nous repartons avec Patrice dans un groupe de cinq. Cette fois l’étape me paraît enfin vallonnée, c’est une certitude. La route est dégradée, livrant un bitume âpre et revêche aux alentours de Tourtoirac, où je défie quiconque de s’assoupir au cœur de la nuit… c’est le seul avantage de cette route chaotique. L’étape est courte et nous pointons avant l’aube. Je laisse Patrice qui cherche un groupe plus calme… et je repars seul pour le millier de kilomètres restant.

SAM_0135Lundi 7 juillet au matin, la première nuit est passée. Des lambeaux de nuages restent accrochés cotonneusement sur les hauteurs environnantes. Cette première partie d’étape est plate avant de devenir vallonnée. Des villages troglodytes et un squelette de dinosaure échoué dans un jardin, se partagent la palme de l’insolite sur le chemin de Tursan l’Ezelier. Les premières gouttes se mettent à tomber. Des U.S Métro me doublent, toujours trop forts pour moi. Comme d’habitude je les laisse partir ;SAM_0157a je les reverrai furtivement quelques fois. Tursan l’Ezelier, la pluie est bien là, même si la météo l’avait prévue pour l’après-midi plutôt que pour le matin. Première averse d’une longue série. A Champagne le crachin reprend ses droits jusqu’au pointage de Monpazier. Je ne sais pas si c’est à cause du froid ou de la pluie, mais j’ai un bon coup de moins bien, le premier depuis bien longtemps, et le seul du parcours. En attendant, ne me sentant pas la force de me traîner lamentablement jusqu’au pointage, dignité ou orgueil de l’homme ordinaire, je marque une petite pause à Belvès dans l’air chargé d’humidité, avant de repartir plus vaillamment.

SAM_0158Milieu de matinée, en repartant de Monpazier la température est montée à 19°C et un soleil timide fait son apparition. En sortant de Monflanquin, je m’arrête providentiellement à la boulangerie située juste après la zone de circulation alternée pour travaux. Ma victime sera une belle pizza trois fromages encore tiède, qui calmera merveilleusement bien une petite faim qui commençait à se faire sentir. La circulation se fait intense, l’orientation dans Villeneuve / Lot n’est pas SAM_0177forcément évidente sans connaître la ville… tout comme la remontée assez fastidieuse de sa cuvette par Pujols. Par la suite les bosses sont toujours au rendez-vous. Juste avant d’arriver à Pressac, au croisement avec la D146, arrive une voiture. La visibilité est excellente, je suis sur la route prioritaire et ma trajectoire passe avant, pas de problème en apparence. Le véhicule ralentit… pour remettre plein gaz juste sous mon nez ! Coup de guidon d’évitement réflexe, je vise le talus à gauche, la chauffarde me frôle… personne en face, sinon s’en était fini de ma carcasse… le mépris et la crasse idiotie du conducteur ordinaire, la majorité a toujours raison, la bêtise la plus nauséabonde aussi ; la vermine pédalante, qu’est-ce que vous voulez Monsieur le Juge, il y en a plein partout, alors une de plus une de moins… et puis ma peinture elle est foutue ! … SAM_0184J’ai les jambes coupées par la frayeur. Drôle de monde. L’automobiliste est une race suffisamment stupide pour s’entre-tuer c’est un fait, mais de grâce, qu’elle laisse les autres tranquilles ! Avant de repartir je prends une douche pour reprendre mes esprits. Je fais la lessive du cuissard et du tee-shirt qui sécheront sur le vélo en attendant de resservir.

SAM_0189Lundi 7 juillet, milieu d’après-midi, en repartant de Pressac j’ai la surprise de voir le soleil remplacé par de gros nuages menaçants. La pluie se met à tomber juste en sortant de la ville… l’averse devient forte, les camions m’aspergent de bouillasse, j’ai bien fait de prendre une douche ! Le burlesque de la situation me fait sourire. Je me fond dans la route, je ne suis rien d’autre qu’un grain de bitume détrempé parmi la multitude. L’eau cesse enfin de tomber à Feugarolles… avant de repartir de plus belle à Réaup-Lisse. Le soleil finira bien par revenir un jour, et les envies de gloire avec lui. En attendant je n’ai pas le courage de dire mes vrais naufrages, alors je continue. Malgré l’humidité,SAM_0185 je ne résiste pas à l’envie de marquer un arrêt pour photographier le panneau d’entrée de Sos… ou plutôt S.O.S pour l’occasion ! Fin de la troisième belle averse du côté de Créon d’Armagnac. Le milieu d’étape, plate jusqu’à Labastide d’Armagnac, se fait maintenant plus vallonné. Je commence à sécher à Villeneuve de Marsan, même si les pieds pataugent encore largement dans leurs baignoires ! Le ciel se dégage, laissant juste une couronne de nuages près de l’horizon. J’arrive à Grenade / l’Adour pour pointer au bistrot et prendre un café.

SAM_0196Le jour baisse sur Geaune. Ce soir la lune devenue bien ventrue brille devant moi, le soleil sur le déclin est dans mon dos. Cette étape est toujours bien vallonnée. L’obscurité est tombée sur Garlin. Dans la nuit claire, la lune s’est habillée de légers voiles de nuages vaporeux, le spectacle est agréable, la poésie après la pluie. Lourentis, Limendous, Soumoulou, il faut se concentrer pour ne pas s’écarter de la petite route à suivre, cette fin d’étape a décidé de se faire désirer. Le mardi 8 juillet à peine entamé, je profite du pointage pour prendre une douche, faire ma lessive, et remettre le premier cuissard… qui naturellement n’aura pas pu sécher après toutes les averses de la journée. Je passerai en fait mon temps à renfiler des vêtements propres mais mouillés. Quitte à se rhabiller trempé, autant de pas prendre de vêtements de rechange qui ne sécheront pas et finiront imbibés d’eau, autant remettre directement les anciens après lavage ! Pour une fois j’ai voulu faire luxueux… et bien c’est gagné !

Comme mes ablutions ont éloigné le sommeil, je décide de faire une deuxième nuit blanche et d’aller m’attaquer tranquillement au Col du Soulor dans l’obscurité. Comme dirait un bénévole du contrôle de Soumoulou : « pas de problème pour être au sommet de l’Aubisque avant le lever du jour avec un p’tit 14 ou 15km/h ». SAM_0206aC’est ça ! Personnellement, vue ma médiocrité à grimper, et après 500km de route, je miserais plutôt sur la moitié… Allez, en route ! À Lagos je me perds, et je me retrouve je ne sais trop comment, à déambuler dans Bénéjacq. L’orientation dans la ville n’est pas simple et j’aurais beaucoup de mal à retourner sur Nay. Pas mal de temps perdu, l’idée d’avoir la chance de voir l’aube se lever du sommet du Col de l’Aubisque s’éloigne un peu, en me dépêchant je me rabattrai sur le Soulor. En bas de la montée du col, trois chiens sortent de derrière un petit muret pour défendre leur propriété sans trop d’agressivité. Allez, c’est de bonne guerre après tout. Quelques centaines de mètres plus loin c’est une tout autre affaire : une espèce de gros pastou m’attend lui aussi dans le village, si cette saloperie de chien a décidé de goûter du cycliste, pourquoi faut-il absolument que ce soit moi… SAM_0213alors que sur près de deux cents participants il y a du choix… et pas que de la carne ! Pourquoi laisse-t-on ses chiens déambuler la nuit dans le coin ? Bref après une grosse frayeur nocturne à essayer de négocier en gueulant plus fort l’un que l’autre, je passe finalement sans encombre. Malgré tout j’ai les jambes en coton… ce qui forcément ne m’aide pas trop pour grimper le col. SAM_0218Le vent, qui se met à monter en même temps que l’altitude, n’arrange rien non plus, mais le summum vient des voitures suiveuses, qui jusque-là m’ont déjà assez agacé à se retrouver je ne sais combien de fois sur le parcours. Ce matin c’est grandiose, il y en a une qui s’arrête tous les kilomètres dans la montée du col, pour suivre son poulain qui se trouve dans l’ascension pas très loin derrière moi. Je trouve son petit manège prodigieusement énervant et démotivant, me coupant l’effort et la concentration à me doubler continuellement. On me vole ma solitude, on me vole mes efforts, on me vole ma montée de col. Je ne suis plus là à me confronter à la montagne,SAM_0225 mais juste à me retrouver à jouer lamentablement à l’accordéon avec une bagnole qui n’a rien à faire là, merde… situation grotesque et pathétique ! Une aube grisâtre s’est levée sur le Soulor, je n’ai rien raté d’exceptionnel… En lot de consolation, au moins le panorama offert au sommet du col est impressionnant malgré la légère brume. Mes genoux sont chauds et gonflés, les cicatrices des carpiens sont boursoufflées,SAM_0230 formant comme des arêtes de poissons qui semblent vouloir ressortir de mes poignets ; un petit massage de gel anti-inflammatoire s’impose. Pendant ce temps mon emmerdeur motorisé a pris les devants, bon débarras ! Je prends une photo du panneau du sommet du col pour ma petite collection, et repars vers le Col d’Aubisque. Comme pour le Soulor, le début de la grimpée est très facile pour devenir de plus en plus raide à mesure que le sommet approche. SAM_0234Étranges profils, qui me rappellent un peu la montée du Galibier après Les Verneys… mais en plus rugueux. Le vent est toujours d’avis de me rendre les choses encore plus difficiles. Mon assise devient trop douloureuse pour ne pas faire de pause en cours d’ascension. Nouvelle pause massage et photos au sommet du col. Je n’oublie pas le cliché horodaté comme preuve de mon passage par ici, et c’est reparti, adieu l’Aubisque. Pour un peu, mon Dauphiné Gratiné et ses 29 cols, m’aurait presque semblé plus facile ! Fin de la seule véritable difficulté de ce brevet, il ne reste plus qu’à descendre.

SAM_0237N’ayant déjà pas bien chaud à monter dans le petit matin, j’enroule ma couverture de survie froissée sous mon coupe-vent, pour affronter les 6°C et le vent glacé. J’ai l’air d’un bibendum, le confort a vaincu l’amour-propre ! Dans les lacets, juste en début de descente, des chevaux en liberté ont remplacé les vaches du Soulor. Ils sont tranquillement arrêtés au milieu de la route, pas encore beaucoup dérangés à cette heure matinale… paisibles et habitués des lieux, ils ont dû en voir passer du cycliste par ici ! La descente est longue et Laruns se fait attendre, au point où je pense après un instant d’inattention avoir pris la D934 dans la mauvaise direction… je me vois déjà avoir à tout remonter en sens inverse ! Mais non, la direction est la bonne, le passage par la D116 pour éviter la N134 permet enfin d’avoir moins de circulation que sur la D920 depuis Izeste. L’entrée dans Andrein (le village) est précédée de l’entrée dans… Andrein (le lieu-dit)… et de deux raidillons qui me surprennent dans une étape toute plate. J’arrive à Sauveterre de Béarn en tout début d’après-midi. Les 23°C ne se font pas sentir avec le vent glacé. Je profite encore une fois de la douche pour soulager mon assise… et enfiler des vêtements toujours bien humides.

SAM_0243En repartant… comme j’ai pris une douche… car naturellement, le crachin s’est remis à tomber ! Ça en devient une habitude. C’est reparti pour une bonne averse de plus jusqu’à Bardos… je commence à trouver le temps long sous la pluie, presque la totalité de la déviation mise en place pour éviter St Palais, village martyrisé par les récentes coulées de boue. Dix bons kilomètres supplémentaires par rapport au tracé originel, un vent et une circulation assez forte… sans compter l’humidité, tout ça ne donne pas un tronçon bien gai. De Cambo-les-Bains à Espelette je dois m’égarer un peu, je perds la D918, passe par des grands axes qui ne sont pas sur ma carte… puis retrouve finalement la D918 grouillante de circulation. J’aurais préféré passer par les tout-petits cols de la Pinodiéta et St-Ignace – comme lors de ma flèche Paris – Hendaye – qui ne rallongent pas le parcours, et aurait permis d’éviter le tronçon d’Espelette à Ascain, sur cette grande route très passante et sans aucun intérêt… surtout sous la pluie. Allez, encore une belle averse, une de plus… je ne sais plus exactement à combien j’en suis, j’ai arrêté de le compter ! Des filets d’eau coulent dans mon cou, impression de déluge, mes mains fragiles électrisées par toute cette humidité, n’en peuvent plus. Les laisser rigoureusement immobiles, l’engourdissement ou l’électrocution, le choix est bien difficile. Mon ombre écrasée se fond dans le bitume, lessivée, et mon esprit avec. La pluie est ma grande faiblesse, je le sais. Qu’est-ce que je fais là ? Cette question sans réponse me fait sourire. La météo s’est encore montrée bien optimiste avec ses quelques gouttes annoncées entre deux éclaircies. Le rire la douleur, la joie les erreurs, le vélo ce n’est rien d’autre, alors je continue. SAM_0247Le ciel a la lassitude de sa tristesse, alors l’atmosphère s’assèche. Grimper le faux plat interminable pour arriver à Hendaye m’étonne une fois de plus : je trouve assez curieux d’avoir à prendre de l’altitude pour arriver au bord de mer ! Se rendre au lieu de contrôle me paraît assez alambiqué et je ne vois pas bien quelle direction prendre pour repartir. Les explications des bénévoles ne me semblent pas bien claires, et je n’ai qu’à avoir un GPS ! OK, merci… À peine arrivé au contrôle, et juste après avoir pointé, je décide donc de repartir avec une partie des U.S Métro, pour ne pas tourner en rond dans Hendaye. Finalement c’est assez simple en sachant par où aller au départ. Un petit fléchage supplémentaire, pour indiquer jusqu’au tunnel, aurait été bienvenu ! Dommage pour une organisation par ailleurs bien au point, et très agréable.

SAM_0249Mardi 8 juillet, le jour tombe sur la côte basque… et bien entendu le crachin se remet à tomber ! Les falaises paraissent extraordinaires et sublimes dans cette humidité et cette lumière intimiste, l’air iodé et piquant assaille délicieusement les narines, un vent terrible donne la touche finale au tableau dantesque. Le souffle est tellement fort que sur la route suivant la petite crête en repartant dans la descente, une bourrasque a failli m’envoyer directement dans le bas-côté ! Sur cette courte étape l’orientation est facile, il suffit de suivre l’ancienne N10. J’arrive à Bayonne toujours sous la pluie.SAM_0264 Je reste attentif pour ne pas rater, dans la nuit et sous l’eau, le fléchage vers le point de contrôle. Minuit, je prends une nouvelle douche, je profite pleinement de ce luxe qui nous est proposé… un confort qui soulage bien des heures de selle… et puis je vais dormir un peu ! J’avais prévu 2h de sommeil, le maximum pour que mes genoux ne se grippent pas complètement pendant ce temps de repos, mais je me réveille spontanément au bout d’une heure et demie.

Mercredi 9 juillet, 3h du matin, je repars bien réveillé… et les genoux bien grippés. La montée inflammatoire est déjà là, terrible. La douleur intense, je tourne les jambes très lentement sans forcer, dans l’espoir de débloquer progressivement les articulations. La pluie se remet une fois de plus à tomber à Boucau. Capbreton, je rate peut-être quelque chose, Hossegor rien ne va plus, je tourne en rond plus d’une heure, toutes les directions me ramènent inéluctablement où je suis déjà passé, comme dans un cauchemar ! Pas moyen de s’extirper de la ville. Quitte à se perdre et à perdre du temps, je décide de tenter ma chance en faisant un détour par Seignosse, pas le Seignosse-les-Estagnots ni le Seignosse-le-Penon du bord de mer, mais le Seignosse de l’intérieur des terres. Manque de chance, arrivé dans Seignosse les directions ne sont pas forcément plus évidentes, et je mettrai du temps à retrouver cette foutue D89 qui me remettra sur la bonne route. Le jour se lève, SAM_0281et après quelques instants d’accalmie, le crachin reprend de plus belle à Vieux Boucau. Le vent commence à devenir un compagnon tellement habituel que je ne sais plus s’il est vraiment pénible, ou s’il fait juste de la figuration. Ce début de matinée se passe à traverser la forêt dans un environnement monotone, où il me faut rester bien concentré pour ne pas céder à l’assoupissement, d’autant plus que la circulation automobile est déjà bien présente. Je pointe à Mimizan en milieu de matinée et profite d’une nouvelle douche.

Le départ de Mimizan se fait par une route très fréquentée, pas franchement agréable. Après Pontenx-les-Forges la circulation sera moins intense mais toujours très présente. L’odeur des résineux réchauffés par le soleil est déjà puissante, un délice pour les narines ! Enfin la promesse d’une belle journée, SAM_0311aoù la vingtaine de degrés donnerait presque une impression de forte chaleur si des langues de vents glacés ne rafraîchissaient pas tant l’atmosphère. Biscarrosse, deux rayons cassent sur la roue arrière… et dire que je l’avais remise à neuf la semaine dernière avec des bons roulements bien fluides ! Pas de problème, la rupture n’est pas du côté des pignons et j’ai des rayons dans la sacoche. Je m’installe donc sur un coin de trottoir, à l’ombre vu que le soleil chauffe bien en toute fin de matinée, et que j’en ai pour un moment à réparer. Je démonte la roue, le pneu, la chambre, le fond de jante, retire les deux rayons cassés curieusement à raz du filetage, remonte les nouveaux… en restant bêtement devant un court instant : ils sont bien trop longs pour ma roue en 650c ! Et merde, SAM_0308je n’ai pas pris les rayons de rechange pour la bonne roue, quel con ! Résumons, je ne peux pas continuer à rouler ainsi, la roue est trop voilée, même en désactivant le frein arrière, le pneu frotte sur les bases du cadre… ça risque d’être plutôt fatigant à freiner sur les 250km restants, sans compter que le pneu ne va pas bien apprécier, et si un autre rayon vient à casser, l’arrêt sera définitif ! Desserrer des rayons à l’opposé pour réduire le voile n’est pas viable sur la distance, et risque de faire plus de mal que de bien. Pour arriver à  »raccourcir » mes rayons de secours avec rien de spécial sous la main, j’utiliserai un des rayons cassés pour l’entortiller bien serré autour d’eux. Ainsi courbés, ils  »perdent » de leur longueur, et avec un peu de chance je pourrais les mettre en tension, juste de quoi ne plus faire frotter le pneu sur le cadre, et surtout empêcher la casse d’autres rayons… Je l’espère ! Pour que les rayons restent bien solidarisés entre eux, de l’adhésif américain toilé et des bouts de ficelles compléteront le système… efficace mais affreusement laid ! Il ne me reste plus qu’à tout remonter… Allez, assez de temps perdu, il faut repartir.SAM_0334a Tout début d’après-midi, il fait maintenant chaud mais le vent est toujours glacé. Comme on ne peut rien contre la stupidité, devant l’hostilité des automobilistes, je prends la piste cyclable le long de la D218, étroite et pas forcément en merveilleux état… surtout pour ma roue rafistolée. Ce tronçon est plus vallonné qu’on pourrait le penser. Après les pluies du début de matinée, le franc soleil et le ciel bleu donnent un air de désert insolite à la Dune du Pilat vue au travers de la rangée de pins. J’atteins l’entrée du Pyla / Mer… je ne peux pas pointer ici, il faut attendre le panneau de sortie… que je ne trouve pas. Comme les environs grouillent de monde à pieds, à vélo, en voiture… je pense un moment être déjà entré à La-Teste-de-Buch, mais finalement après un long suspense je vois enfin le panneau de sortie du Pyla / Mer pour y faire mon pointage photo.

SAM_0329Le milieu d’après-midi se présente sous le soleil et le bleu du ciel. Cette courte étape jusqu’à Andernos les Bains, rigoureusement plate et largement urbanisée se résume en un seul mot : infernale, entre chaleur et circulation automobile extrême… mais il faut dire que je n’avais pas remarqué la piste cyclable, que je prendrai en repartant, pour plus de calme. En attendant, je profite de l’agréable pause et du ravitaillement offerts par les bénévoles d’Andernos.

En repartant, je prends donc la piste cyclable pour traverser tranquillement Arès et Lège, avant de reprendre la D3 devenue bien plus calme ce début de soirée. Le vent est de nouveau au rendez-vous, froid et soufflant par rafales. SAM_0330Après Le Porge je suis pris en photo par l’organisation. A quelques kilomètres de Lacanau-Océan je suis rejoint par un petit groupe, je décide de le suivre… Nous hésitons, puis tentons le pointage au casino, l’établissement de jeu, pas le supermarché ! … ce qui ne pose pas de problème… alors si ce n’est pas la grande classe ça !

Mercredi 9 juillet, début de soirée, nous nous habillons en vue de la nuit avant de reprendre la route. Le jour baisse vite, la Lune nous offre une belle nuit claire.SAM_0342 La Route forestière des Plages me donne une impression étrange, extrêmement pénible à la nuit tombée. J’ai comme la sensation de traverser un champ de manœuvre militaire hostile et interminable. Je ne me sens pas à ma place dans cette forêt, je ne m’arrêterais ici pour rien au monde, malgré la selle et les genoux, malgré la douleur et la lassitude, malgré la nuit et ses fantômes, voyage au cœur des doutes et de l’insomnie. Je ne sais pas de quoi cette route a l’air de jour, mais il m’en restera avant tout un sentiment désagréable, sans doute injuste et irrationnel, de très gros malaise, qui ne m’était d’ailleurs jamais arrivé à sillonner la France en tous sens. La suite des petites routes me semblera un peu plus agréable mais sans plus, et toujours sans parvenir à l’expliquer objectivement. L’approche de Montalivet par les vastes campings braillards en pleine nuit me laissera aussi une impression mitigée. Au contrôle je n’ai pas envie de manger… je verrai après avoir dormi un peu. En attendant je prends une dernière douche dans un petit coin menant au dortoir. Faire sa toilette dans un couloir où tout le monde passe permet d’achever la parenthèse surréaliste de ce brevet ! Pour ménager mes genoux qui ont eu un mal fou à repartir après la  »nuit » dernière, je décide de ne dormir qu’une heure et demie… malheureusement un ronfleur de première classe sévit avec un acharnement, et un professionnalisme incroyables ! Résultat, j’ai eu l’impression de m’assoupir juste quelques instants avant de me réveiller. Bien qu’il ne fasse pas froid, je tremble violemment de tout mon corps, longuement. Finalement je n’ai toujours pas faim, je prendrais bien une bonne soupe… mais il n’y en a plus de prête. Je ne me vois pas le temps d’attendre… et éventuellement,SAM_0344a je ne me vois pas la boire non plus, avec tous ces tremblements irrépressibles. Finalement, le temps que les tremblements s’arrêtent à peu près, je repartirai dans une partie du petit groupe avec lequel je suis arrivé.

SAM_0352Comme à la dernière pause sommeil, mes genoux sont complètement figés et m’envoient des douleurs atroces à chaque tour de pédale. Au fil des kilomètres, peu à peu ils deviennent moins raides, mais la forte douleur persiste. Cette courte étape nocturne est plutôt roulante, et nous arrivons vite pour le dernier pointage à St Yzan de Médoc, où un tampon doit avoir été laissé à notre disposition pour pointer… et à notre grande surprise nous sommes attendus par le maître des lieux, avec à la clé ravitaillement et café chaud. Il n’y a pas à dire, dans ce brevet nous serons traités comme des princes de bout en bout !

SAM_0380Jeudi 10 juillet, fin de nuit, nous repartons pour la dernière soixantaine de kilomètres. Mes compagnons partent un peu vite pour mes genoux qui n’arrivent toujours pas à se dégripper complètement. Ma courte pause sommeil à Montalivet a décidément été de trop. Je suis obligé de ralentir le rythme… et je me retrouve seul. Un dernier massage anti-inflammatoire apportera un peu de mieux à mes genoux et mes mains, SAM_0370amais il n’y a pas de véritable miracle à attendre. L’aube revient sur Pauillac. La D2, la route des châteaux, est magnifique dans le jour naissant. Les vieilles pierres et le vignoble rendent cette fin de parcours très agréable. En traversant Soussans, je croise une mini Tour-Eiffel, publicité pour le métallier installé dans le village. Après être passé au petit jour devant un porche arborant un faux air d’Arc de Triomphe, cette fin de parcours a décidément comme un petit accent parisien ! Pour finir, entre St Aubin du Médoc et St Médard en Jalles, SAM_0386aje tournerai largement en rond sans jamais trouver le fléchage… ni beaucoup de personnes dans les rues ce jeudi matin pour me renseigner. Un motard partant travailler, vient juste d’emménager dans le coin… Il n’en sait pas plus que moi, mais pense que je suis dans la bonne direction ! Beaucoup plus tard, une grand-mère promenant son chien m’a bien rapproché, en m’indiquant vaguement le chemin à suivre. Faute de pouvoir être plus précise, pour la suite ce sera à moi d’improviser… C’est ainsi que d’approximations en fausses routes, j’ai perdu une heure et demie à tourner en rond pour enfin rejoindre Le Haillan et la Sablière,SAM_0394a après 1270km de route d’une belle randonnée, dont le seul défaut a été… l’humidité ! Perdre un temps considérable en fin de brevet commence à devenir une habitude chez moi, mais l’orientation fait partie du jeu du randonneur… à mon avis !

 

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