Voir ce vélo au catalogue dans la gamme Course pourrait faire sourire aujourd’hui en considérant certains de ses composants bon marché, mais à l’époque, pourquoi pas. Alors, plus proche d’un bon traîne-couillon amélioré que d’une vraie machine de route ? Sans doute, mais pour comparer, les PS10L ou PSN10 de la même année, plus nobles, s’affichaient pas très loin du double… donc pas de miracle, tout se paye ! Bon, d’accord, j’ai la dent dure pour ce petit frère du PFN10, car malgré tout, cet engin de grande série n’est pas si mauvais. Voyons ça.
Présentation :
Ce vélo, s’il est assez délabré, au moins est-il complet. Pas trop mal comme base de travail, on pourrait largement trouver pire ! Tout est là, dans un état moyen. Il manque bien quelques pièces au dérailleur arrière, mais ne chipotons pas.
Machine de course, donc, puisque c’est écrit dessus… malgré les tubes du cadre en acier 103 accusant un poids sans doute colossal… mais bon, la légèreté n’est pas une caractéristique première des machines Peugeot !
Commençons par le pire, la transmission, comme ça ce sera fait !
Les dérailleurs Simplex sont de la série Prestige : SA12 à l’avant…
… Et un SX100 incomplet à l’arrière…
… Commandés par des manettes du même tonneau. Pas franchement prestigieuse, la série Prestige, mais au moins le montage est homogène !
Le pédalier s’en tire à peine mieux. Bien que tout aluminium, il fait pourtant bas de gamme avec son grand plateau porteur serti à la manivelle, indémontable donc.
Des deux côtés, les manivelles présentent sur leur revers des traces de tentatives d’arrachage sauvage. Plus étranges, ces multiples stigmates de martellement derrière les plateaux, et qui n’ont rien à voir avec un passage répété trop près du dérailleur. Ici l’aluminium a été écrasé et non frotté. Bizarre.
Les pédales Lyotard 79 relèvent un peu le niveau de la transmission.
En continuant dans les périphériques, si les leviers de frein Mafac Promotion font presque camelote avec leurs régleurs grossiers tout plastique… ils commandent des étriers Weinmann 506, qui bénéficient déjà à l’époque d’un mécanisme permettant de détendre le câble pour sortir plus facilement les roues en cas de pneus larges.
La potence Atax – avec ici un défaut d’estampage du logo qui apparaît dédoublé – est associée à un cintre tout-venant en acier chromé.
Le porte bidon Spécialités TA est une option bienvenue.
Selle d’origine ? Pas sûr mais pourquoi pas…
Rien de choquant, les deux sont d’époque.
Pour les roues, malgré des stickers délabrés on reconnaît facilement un grand classique des Peugeot de cette gamme et génération : des jantes Rigida AL 1320… qui malgré leur nom et leur construction double paroi sont tout sauf rigides, et tiennent plutôt du chewing-gum pour peu qu’on néglige la tension des rayons. Cependant, bien entretenues leur aluminium très tendre ne fissure pas grâce à l’œilletage de la tête des rayons. Les moyeux ne sont pas les habituels Normandy, mais des Atom qui apportent une petite touche plus originale. La roue libre 5 vitesses en 14-23 est elle aussi signée Atom. Le catalogue n’est pas d’accord : même dentures, mais Maillard. Pas forcément une vérité absolue, pas grave en tout cas.
Bref, un vélo qui ne demande pas une grande restauration, plutôt une remise en état intégrale.
Au travail !
Une fois entièrement désassemblé, un grand nettoyage s’impose. Pas de mauvaise surprise pour l’instant. Comme pressenti, les tubes en acier 103 donnent au cadre un poids élevé de 2,5kg tout rond – en taille 54, c’est petit – et 780g pour la fourche, ce qui est plus ordinaire. En voyant le bon côté des choses, pour du Peugeot ça aurait pu être pire ! Comme prévu également, les jantes à l’aluminium trop mou ont travaillé. Le faux rond est facilement rattrapé à l’avant, mais l’arrière garde un voile irréductible approchant les deux millimètres. Pas l’idéal, mais tout à fait utilisable. Un manque récurent de pression dans le pneu doit avoir favorisé cette déformation, d’après les multiples traces d’impacts laissés dans le métal.
Après ce rapide état des lieux, un premier montage à blanc permet de voir le projet prendre vie. Le caméléon est en mission camouflage !
Sur le pédalier, seul le petit plateau est démontable… et remplaçable, même si le diamètre des fixations de 118mm est assez exotique, et beaucoup plus difficile à trouver d’occasion qu’un 122mm de l’ancien standard si commun et emblématique de Stronglight. Bref, il vaut mieux éviter de se servir trop souvent du grand plateau pour préserver le pédalier ; d’autant plus qu’ici les dents sont déjà usées en épaisseur, il est temps d’en prendre soin ! … mais il sera à peine plus facile de remplacer le petit – avec son diamètre de fixations inhabituel – bien qu’on puisse toujours tailler un plateau soi-même ! Ce pédalier marqué Peugeot, qui se retrouve d’un dessin similaire chez Solida, est en fait une version du Silstar SN-5SD fabriqué par Sakae/Ryngyo.
Sans commettre un gros sacrilège, il a aussi existé une version aux plateaux démontables, également de fabrication japonaise. La perspective est alléchante, encore faut-il en avoir un exemplaire sous la main !
Les roulements de pédalier sont bien conservés : cuvettes et billes impeccables, seul l’axe présente deux débuts d’écaillage côté gauche. Il serait idiot de le remonter tel quel, pour le laisser à terme massacrer les autres éléments actuellement en excellent état. Remplacer à l’identique cet axe Nervar ne pose pas de problème, il a été monté sur de nombreux vélos français… et au pire, le changer pour un autre modèle de mêmes dimensions reste tout à fait possible.
Pour le cintre, les choses se compliquent un peu. Les restes de guidoline ressemblant à des bandelettes désagrégées façon vieille momie laissent deviner leur vraie couleur, noire à l’origine ! Des bandes neuves sont une évidence. Après les avoir détricotées, l’acier du guidon apparaît en piteux état, le chrome boursoufflé, tendu par la rouille qui prolifère en dessous ou à l’air libre. En purgeant tout ce qui est pourri, le cintre apparaît malgré tout assez sain. L’intérieur du tube est resté protégé de l’oxydation grâce à l’étanchéité des bouchons plastiques fermement emboîtés. Ainsi, le pire a été évité.
Mauvaise surprise côté leviers. Une différence de profondeur de gravure et de lettrage des « Mafac » m’interpelle… et en y regardant mieux, le droit et le gauche ne sont d’évidence pas du même modèle ! Remplacé après une chute ? Probable. Lequel, mystère. Même si l’un semble bien plus massif que l’autre, la différence se joue en fait à moins d’un gramme sur la balance ! En tout cas, le cintre n’est pas déformé comme cela arrive facilement avec les modèles acier en cas de choc. Le défaut n’est pas si grave au fond, puisque je ne l’avais même pas remarqué… avant d’avoir mis les deux leviers côte à côte ! Pas de chance, une paire supplémentaire dont je dispose est encore une autre variante de ces Mafac Promotion. Le levier (crasseux sur les photos) est plus long, son extrémité plus anguleuse, moins élégante ; rien de convaincant… autant conserver les exemplaires dépareillés plus harmonieux.
Allez, on remonte l’engin.
Franchement, si on ne le sait pas, la différence de leviers ne saute pas aux yeux !
Sur la potence décrassée, l’estampage Atax dégueulasse se fait discret lui aussi. Si vous êtes perspicace, vous aurez remarqué que l’étiquette tricolore s’est également effacée. Ce n’est pas le résultat d’un polissage forcené, mais seulement des années passées depuis la présentation du vélo… Je manque souvent de motivation pour m’attaquer à la restauration d’un Peugeot !
Les étriers Weinmann 506, sympas pour l’époque avec leurs petits leviers écarteurs, ont maintenant meilleure mine.
Comme pour les leviers de frein, les pédales semblent à première vue identiques… mais ne le sont pas ! L’ergot situé à l’extérieur de celle de gauche a été limé par le passé, mais pas à droite. Cette différence ne s’explique pas a priori. Le bonhomme avait peut-être un pied en canard et était gêné par l’ergot ? Mystère. En tout cas, rien de grave.
Pour pouvoir affronter de longues distances avec un minimum de fiabilité, les dérailleurs en plastique – pardon en Delrin® ! – réputés fragiles à juste titre, ont besoin d’être minutieusement inspectés. Il ne doit pas y avoir de franche décoloration, et surtout aucune amorce de fissuration où que ce soit. Les manettes – en polyamide, elles par contre – offrent habituellement une bien meilleure résistance. J’avais expliqué cette différence dans le sujet consacré à un autre Peugeot, le P50 de 1977.
Sur ce vélo, le dérailleur avant est largement fissuré par l’intérieur du collier (flèche rouge en photo). Pas grand-chose à y faire… sauf à le remplacer ! On serait tenté de le conserver, en considérant ici l’usage anecdotique du grand plateau dans une optique de préservation du pédalier… mais ce n’est pas une bonne idée. Un dérailleur Simplex fissuré, même fixé modérément sur le cadre, cassera net comme du verre lors du serrage (en haut sur la photo)… ou très vite à l’usage ! Contrairement à l’arrière, les Prestige avant se ressemblent tous, mais il y a en fait eu de nombreuses variantes. En voici quelques-unes pour jouer au jeu des 7 différences !
Alors, garder les Simplex Prestige « plastoc », trop fragiles, ou pas ? Pas envie de dénaturer le vélo, mais comment respecter l’origine sans trop perdre en fiabilité. L’arrière en bon état se rencontre encore facilement, mais pour l’avant c’est une autre histoire ; déjà parce que tous les vélos n’étaient pas équipés en double plateau, donc il y a eu moins de dérailleurs produits… et ensuite parce que les contraintes liées au serrage du collier provoquent inévitablement des dégâts là où les pièces plastiques de l’arrière ont la liberté de se racornir en se rétractant sans trop de contraintes mécaniques.
Donc l’arrière est conservé, mais reste sous surveillance. Pour le compléter, une épave d’un modèle approchant – notez la patte de cadre montée à l’envers ! – a fourni ressort et boulon manquants.
Pour l’avant, pas de miracle à attendre. Tous les dérailleurs d’usage ont plus ou moins mal vécu. Il est illusoire d’essayer de recoller casses ou fissures ; comme pour le Téflon®, rien ne colle le Delrin®. Pour ne pas monter autre chose, et puisqu’il faut économiser le grand plateau – indémontable car serti sur la manivelle – qui a déjà bien vécu, une question se pose : a-t-on vraiment la nécessité de dérailleur sur ce vélo qui sera loin de faire des compétitions ? En fait pas forcément. 42 dents pour une roue libre standard 5 vitesses 14-24 est assez polyvalent, il manque juste un peu d’allonge sur le plat. En tenant compte de ces considérations, une opération d’ostéosynthèse est décidée ! De la colle époxy est injectée dans le mécanisme pour immobiliser l’axe commandant la fourchette, puis les deux parties du collier sont recollées… tout en sachant que ça ne tiendra pas au serrage sur le cadre. Une cale est placée autour de l’axe pour combler l’espace entre plastique et fourchette, ainsi lors du serrage, les deux parties du collier ne peuvent pas s’écarter. L’illusion est presque parfaite… mais le dérailleur est condamné à l’immobilité !
Et pour les manettes alors ? Pas de souci, ici il ne s’agit pas de Delrin®, mais de résine polyamide, plastique plus stable dans le temps dont sont habituellement faits les galets de dérailleurs, même actuels.
C’est beau tout de même, émouvant presque, une roue libre sans graisse ni boue et avec des dents encore préservées de l’usure. Bon ça ne va pas durer, et c’est tant mieux car un vélo est fait pour rouler, mais au moins il y a de quoi voir venir… sans autre arrière-pensée que de veiller au plastique du dérailleur arrière.
Pas beaucoup de travail sur la selle, juste un tube plus long, en acier comme à l’origine… et sans la rouille c’est mieux !
Le jeu de direction est classique, en bonne ferraille chromée comme le cintre et la tige de selle. Marque et modèle inconnus, mais au moins c’est du costaud.
Vue de l’arrière, la silhouette est effilée, épurée. Comme c’est écrit sur le cadre, on croirait presque une machine de course. Bon, c’est un peu exagéré, mais une fois remis en état, ce PBN10 révèle une bonne surprise : 11,2kg au total. Pour un Peugeot de gamme moyenne, avec des périphériques en acier et un cadre lourd, je m’attendais à pire ! Cette relative légèreté se confirme sur la route, le vélo offre des sensations proches d’une machine de dix kilos. Me voilà presque réconcilié avec la marque au lion, dont la cote d’amour surfaite me surprendra toujours… Mais c’est une autre histoire. Par contre, se confirme également le manque d’allonge sur le plat. Condamné à rester sur le petit plateau, il faut mouliner ; rien de trop grave même en longue distance. J’ai réalisé des Flèches de France en non-stop telles Paris – La Rochelle ou Bordeaux – Paris, sans trop de fatigue avec des transmissions moins polyvalentes. La question de l’orgueil est plus gênante, pour qui veut se tirer la bourre à la sortie du dimanche matin !