Encore un 300, mais cette fois nous sommes dans les soixante-dix participants. Rien à voir avec les six péquins que nous étions il y a deux semaines sur le 300 de Fontaine-les-Grès. Le départ se fait tranquille dans le flot, puis je navigue dans un groupe trop lent à mon goût, alors je vais chercher celui de devant. Mon grincement de selle continuel intrigue. Ayant tout essayé avec le cuir de cette sacrée peau de vache, je n’y fais plus attention… depuis le temps que j’ai le droit à cette chanson de grillon éraillé. Arrivé à Orphin, je fais ma première pause soulagement de vessie, puis je continue seul. Cette première étape est plate, bien roulante, avec quelques petites bosses faciles, et l’impression d’avoir beaucoup plus de descentes que de montées. En route, je m’égare un peu dans Maintenon et en profite, le jour à peine levé, pour prendre quelques photos. Les abords du château sont très agréables, visuellement, avec les arbres encore nus, et change de la vue que je connaissais jusque-là du village. Quelques gouttes se mettent à tomber, qui vont ensuite s’amplifier, un peu avant le premier pointage de Châteauneuf-en-Thymerais… sur un air de déjà-vu du Paris-Brest-Paris, pour la météo aussi bien que pour la route !
Le crachin s’est calmé pendant la pause, et c’est reparti après un bon café. Les oiseaux joyeux appellent la pluie qui ne tardera pas à revenir. Le vent de travers est maintenant bien présent après avoir monté en puissance depuis le lever du jour. Rien de bien gênant, mais du coup je n’entends plus ma selle grincer ! À Senonches, une confusion entre le D20 d’un panneau et la direction d’un autre que je ne vois pas, me font visiter les vieilles pierres et le château du village. Une fois remis sur le bon chemin, après Les Menus la bruine commence à me titiller les genoux. Pas bon signe. À l’approche de Moutiers au Perche, une montée facile succède à une belle descente puis le paysage change, devient d’un coup celui du Perche : vert de prairies et bosselé. Sur la route de Freulemont, nouvelle bonne descente, mais suivie d’une montée un peu moins facile. Arrivé pour pointer à Rémalard, le ciel s’assèche… provisoirement.
Nouvelle pause-café avant de repartir. Mortagne-au-Perche n’est qu’à une vingtaine de kilomètres. Avec la température qui monte un peu, l’air se fait moite en fin de matinée. Mon genou gauche commence à ne pas apprécier du tout l’humidité. Après les alertes d’il y a quinze jours, ça semble se confirmer : 2018 ne sera pas une bonne saison pour moi ! Tant pis. L’étape est roulante, faiblement vallonnée, et j’arrive à midi et mi-parcours.
Après le pointage et une délicieuse tarte aux pommes paysanne légèrement acidulée, c’est le moment d’entamer le retour. J’assiste aux derniers assauts de la pluie. Le tronçon que je connais, surtout de nuit, de Mortagne à Longny-au-Perche – pour cause de Paris-Brest-Paris – a complètement changé de physionomie. Cette route nocturne qui m’est apparue fastidieuse à cause du manque de sommeil, plutôt boisée et assez plate ; est devenue cette fois en plein jour, pas si longue, beaucoup moins forestière et surtout plus vallonnée. Comme quoi, mais je l’ai déjà souvent remarqué, la toute de nuit rend toujours les bosses plus paisibles. Le profil de la route s’assagit progressivement, et redevient plat à La Ferté-Vidame. Sur une route étroite, je reste bloqué derrière un tracteur poussif qui finalement me laisse le passage. Un peu plus tard, je suis pris de lassitude à cause de la monotonie de la platitude, du vert des champs et du vent soufflant à mes oreilles. La diversité du paysage revient en fin d’étape et se fait plus bucolique en forêt, près des bords de l’Eure. J’arrive à Anet en milieu d’après-midi, un genou très à la peine. Malgré une météo bien tristounette, le château attire des curieux.
Après le dernier pointage et 200km en solo, je repars – à la traîne – avec un couple de cyclos, façon de me motiver et d’éloigner un peu la douleur de mon esprit. Dans les dernières dizaines de kilomètres, la route se cabre trois ou quatre fois avant de revenir à Bois-d’Arcy… ce qui je me rends compte alors, aurait été un peu délicat, seulement à l’aide des explications de ma carte routière. Nous sommes de retour en fin d’après-midi, de ce brevet globalement assez tranquille point de vue dénivelé.
Après-coup, une conclusion s’impose : le matériel et le bonhomme ont vieilli ! Plus sérieusement, je me décide enfin à mettre au rebut – et à regret – les chaussures sans forme dans lesquelles je flotte et qui ont commencé à mettre mes articulations à mal fin mars ; il faut que j’investisse dans de nouveaux cuissards aux rembourrages non avachis ; et – aussi à cause de cela – j’ai besoin de retendre le cuir de la selle dont je ne m’étais pas aperçu qu’il était devenu bien trop souple, compensant la mollesse des cuissards mais donnant surtout des genoux trop fléchis… La réussite en longues distances à vélo réside avant tout dans l’art de soigner les détails, et l’accumulation de petites négligences ne mènent jamais à rien de bon, même si 300km ne sont pas le bout du monde !