Belfo, le beau vélo qu’il vous faut ? Clairement, ce n’est pas du tout obligatoire ! Je plaisante, mais celui-ci, plus proche du traîne-couillon que d’autre chose, n’a rien de très excitant. En fait, ce vélo doit sa survie à l’originalité de son pédalier en deux pièces : la manivelle gauche est montée sur de fines cannelures, comme pour un kick ou un sélecteur de moto. C’est en grande partie pour ce détail que je l’ai sauvegardé ! On ne peut pas le deviner en photo, mais le montage des cuvettes est lui aussi inhabituel. Elles ne sont pas filetées mais emboîtées dans le cadre… Comme quoi avec le PressFit, le BB30 et compagnie, on n’a rien inventé !
Présentation :
Voici donc l’engin en entier… enfin presque, puisque sont manquants la roue avant, la dynamo et le phare.Sortie de grange poussiéreuse et guidon à la branquignole façon années 80, pas terrible tout ça !
Pour la petite histoire et pour faire vite, Belfo est une ancienne marque rachetée par Motobécane pour lui servir de sous-marque. Le vélo présenté ici est clairement de l’ère industrielle Motobécane / Motoconfort. Les sigles « M » sur le cadre, le carter de chaîne et la fourche le confirment. Notez le « Stylinox » rouge sur le garde-boue avant, quasiment effacé par le temps.Bon, phare avant absent donc, et Soubitez Catalux 10 – un peu bringuebalant – à l’arrière. Le câblage électrique laisse également à désirer : inexistant à l’avant, coupé sous le boîtier de pédalier et déconnecté du feu arrière ; bref, entièrement à refaire.
On aperçoit un étrier de frein Lam en acier, commandé par ces guidonnets… qu’il faut imaginer à l’endroit – parce que pour tourner le cintre dans ce sens et faire ce genre d’horreur, il a fallu inverser les leviers gauche / droite – et le cintre débarrassé de son scotch d’électricien en guise de guidoline.
On retrouve encore le « M » – pour Belfo bien sûr ! – gravé sur la potence.
La transmission est assurée par ce dérailleur Huret Svelto – recouvert d’une couche incroyable de crasse – associé à une roue libre trois vitesses.
Point de vue périphériques, sous la rouille les pédales sont des populaires Lyotard 5R…
Et la selle qui se résume à une simple coque en plastique est déformée à cause d’un chariot placé trop sur l’avant.
La remise en état :
Sans grande surprise le pneu arrière éclate au moindre gonflage, mais ça permet toujours de tester l’état de la chambre. Pour équiper l’avant, j’ai retrouvé une roue acier avec son moyeu Atom en aluminium. Jusque-là tout va bien. Malheureusement, le motif de la piste de freinage des jantes acier est différent, granité pour l’une, vaguelettes pour l’autre… car Samir Saminox – d’origine – à l’arrière, et Rigida Chrolux faute de mieux pour l’avant. Sauf en y regardant de tout près, ce n’est pas un immense sacrilège. Par contre, les deux demandent un sacré dérouillage / nettoyage ! Il restera à compléter l’éclairage, mais le vélo est maintenant virtuellement entier.
Au démontage, d’emblée ça commence mal ! La peinture craquelée du tube supérieur du cadre part en lambeaux dès qu’on y touche… Et un papillon, trop serré à l’arrière, casse net. Les oreilles en aluminium supportent mal l’effort. Pour la peinture – comme pour le reste – je ne veux pas faire de restauration « à l’américaine » si je peux éviter. Je trouve le plus neuf que neuf irrespectueux et grotesque passé un certain âge… Ce qui ne veut pas dire qu’il faut tout laisser pourrir sur pied ! Il faut toujours chercher à récupérer ce qui est récupérable, conserver le meilleur jus possible, réfléchir au vécu de la machine, et surtout la restituer dans un état 100 % fonctionnel pour aller rouler avec sans arrière-pensée. Ainsi le bleu craquelé et mat du cadre est nettoyé délicatement, et une couche de Restom Protec Look 6100 – plus efficace, moins laid et moins poisseux que le Rustol ! – est appliquée pour stopper la détérioration de la peinture et protéger les endroits où l’acier est mis à nu. Frais, le rendu plus éclatant qu’un sourire de starlette hollywoodienne peut faire peur, mais il s’atténue vite.
L’oxydation est également stabilisée de manière discrète, comme le confirme cet essai sur la partie centrale d’une vieille hache rouillée. Sur le vélo après traitement, la teinte est redevenue très proche de l’origine, ayant retrouvé un aspect brillant et métallisé, sans – trop – donner l’impression d’avoir été trempé dans le verni !
Autre mauvaise surprise, une fois le cintre débarrassé de son scotch d’électricien et de ses guidonnets – vu qu’il faut les intervertir à cause du montage de branquignol – il apparaît nettement tordu. Un test à l’équerre le confirme : pour être perpendiculaire à la potence, il a besoin d’être relevé d’un bon centimètre à droite. En fait, comme il est faussé sur plusieurs axes, autant le remplacer.
Sur ce type de pédalier spécial, il n’y a pas – contrairement à souvent en moto – de repère poinçonné ni de cannelure plus épaisse qui pourrait servir de détrompeur. Aucune aide pour aligner correctement les deux manivelles, mais en étant un minimum attentif, ce n’est pas insurmontable non plus. En conservant le pédalier pour son originalité – avec son plateau non démontable – on ne peut donc modifier la transmission qu’en jouant sur la roue libre. Bien entendu, le choix est assez limité en trois vitesses… Mais passer de l’étagement classique 16-19-22 à un 16-20-24 sera toujours mieux pour affronter les longs parcours, même si on n’aura pas plus d’allonge pour le plat. Pas de faute de goût, ça restera une Atom dans tous les cas.
Une fois nettoyés, les freins Lam en acier ont retrouvé un peu de brillance. Ils ne forment pas exactement une paire, l’arrière (à droite) est nettement plus ventru. L’entretoise courbée, servant à appuyer l’étrier avant contre la fourche, est désagrégée ; le plastique c’est fantastique… mais pas éternel !
Une grosse rondelle de récupération, servant à fixer un patin cantilever sur un étrier de VTT bas de gamme fera l’affaire… en lui associant un écrou repercé pour combler l’espace central.
Il faudra également remplacer les patins à bout de course.
Le dérailleur Huret Svelto a meilleure mine, révisé jusque dans le reconditionnement de ses roulements de galets. Notez la laideur des tubes des bases, écrasés pour servir de pattes arrière sans pièces supplémentaires. On peut trouver plus élégant comme construction de cadre !
Détail intéressant, les gaines ont fait l’objet d’une standardisation dans leur longueur, toutes coupées à 25cm… Astucieux, gain de productivité et pas de question à se poser sur la chaîne de montage.
Le guidon dans le bon sens, c’est toujours mieux ! Comme pour mes autres vélos, j’inverse les commandes avant / arrière aux leviers pour conserver mes habitudes et réflexes du monde de la moto.
En plus du papillon survivant de l’arrière, il a fallu dénicher les 3 autres Atax en aluminium.
Point de vue éclairage, il faut monter de quoi aller avec le Soubitez Catalux 10. Sur les Motobécane de l’époque comportant ce feu arrière, on le retrouve souvent associé à d’autres éléments Soubitez : une dynamo type 12 et ce genre de phares, le petit plutôt pour vélos sportifs et le grand pour les utilitaires. L’ensemble étant unifié en Soubitez et Belfo une sous-marque de Motobécane, ce choix reste crédible.Seul problème des phares Soubitez de cette génération : ils sont biodégradables, si, si ! À l’arrière ils s’en tirent assez bien, mais pour l’avant c’est une catastrophe ; difficile d’en trouver qui ont bien résisté au temps. Celui-ci ne fait pas exception. Le côté a été consolidé avec du Sikaflex 11FC. Notez l’utilisation d’une deuxième entretoise de vieil étrier cantilever de VTT bas de gamme, pour servir de fixation au phare.
Une fois complété et en ordre de marche, ce vélo assume ses 14,8kg… Pas un poids plume, donc. Malgré tout, il se laisse mener très facilement sur le plat – bien mieux que des machines comparables comme ces Peugeot P50 ou Motobécane ZH31 – à tel point qu’on se surprend à mouliner en croyant être sur le 2ème pignon alors qu’on est déjà sur le 1er ! Le pédalier de 46 dents en aurait bien mérité deux de plus, mais bon tant pis, rouler avec reste très agréable… et les pentes – raisonnables – ne lui font pas peur. Le vélo est donc capable de vous emmener assez loin sans fatigue, comme sur cette Flèche Le Havre – Paris… même si la vitesse de pointe est limitée par l’étendue des développements.