BCN et BPF : Ile de France – 60 Oise

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Kilomètres réalisés : 11015
Provinces BPF validées : 17
Départements BCN validés : 42

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Mi-mai 2020, alors que le spectre du coronavirus plane encore un peu partout sur la planète, où aller dans notre petit pays, et surtout dans les 100km autorisés post-confinement ? Vu de chez moi, pas trop le choix pour continuer ces BCN /BPF laissés au point mort. J’avais prévu de finir la province de l’Île-de-France en regroupant l’Aisne et l’Oise… sauf que l’Aisne déborde pour moitié du rayon légal. Alors, un département ou un et demi ? Plus n’est pas mieux que moins ? Oui mais d’un autre côté, ne doit-on pas finir ce qu’on a commencé ? Un et demi ça reste bancal, donc OK pour l’Oise, mais l’Aisne attendra la prochaine fois. Tant pis.

Départ 22h, au crépuscule. Après une longue journée de boulot, je m’éloigne de Nanteuil-le-Haudoin. Le ciel est clair sans aucun nuage, la température reste agréable. Un petit vent m’accompagne. C’est parti, les jambes répondent bien pour l’instant, malgré deux mois et demi d’inactivité. En bord de route, la bougie d’un minuscule oratoire irradie dans son cœur un or vacillant. Point de chaleur dans cette nuit qui s’installe ; signe de vie laissé là dans cette atmosphère encore lourde de solitude post-confinement ; présence rassurante dans ces ténèbres qui m’auront bientôt englouti. Je traverse Crépy-en-Valois. Premier gros bourg, premier gros foyer épidémique aussi. Ce soir tout semble calme, la ville endormie ; il n’est pas si tard, aucun passant. Désertes mais agréables pourtant les vieilles pierres et les plus récentes, caressées par les teintes chaudes de l’éclairage public, dentelles de lumières jaunes. Quelques têtes aux fenêtres, c’est déjà ça, et je suis rendu à la nuit. Le ciel est assez dense d’étoiles ; la pollution, atmosphérique ou lumineuse, n’a pas tout rattrapé. Il faut dire que l’Oise plonge majoritairement ses villages dans le noir au cœur de la nuit. Pierrefonds ne fait pas exception. J’arrive par la route faisant face au château. L’édifice se dresse, magistral et orgueilleux dans une quasi-obscurité, silhouette toutefois parfaitement reconnaissable. Dommage qu’il ne soit pas mis en valeur.

Premier contrôle où je ne fais que passer. La ville je la connais, j’y ai déjà pointé de jour, alors je repars tandis qu’autour de moi carillonne minuit. Quiétude et tranquillité d’un mardi qui bascule au mercredi, alors que la soirée prochaine verra défiler les départs pour le Pont de l’Ascension. En sortant de Cuise-la-Motte, une usine fume nonchalamment sur les bords de la rivière. À Berneuil-sur-Aisne, je passe en me sentant tout petit entre les silos encadrant la route. Le site ronronne doucement, émettant avec une régularité de métronome, un bruit de silencieux digne des « Tontons flingueurs ». En sortant d’Attichy, j’attaque une longue bosse, la première de ce circuit, pas bien méchante mais faisant gagner une centaine de mètres de dénivelé pour finir en plateau. Les cuisses vont bien, étonnamment même, malgré le travail qui n’a pas manqué, mais avec plus de deux mois sans rouler. Avant de rejoindre Cuts par une longue descente au bitume incertain, un trou de végétation dégage l’horizon sur la plaine en léger contrebas. Les lumières de la ville sont étalées au loin, vaste ruban sur fond d’alignement indolent, celui du clignotement rouge des éoliennes. Peut-être Noyon encore loin… ou peut-être pas. En tout cas, j’arrive en ville pour le deuxième pointage.

Là aussi, je n’ai pas besoin de valider, c’est déjà fait. La ville déserte est bien éclairée, très agréable, alors je traîne un peu. Curieusement, la cathédrale n’est pas mise en valeur, seule et terne dans la pénombre. Dommage. Je repars par Le Maigremont qui mérite bien son nom, présentant à peine un faux plat. À Évricourt, un lapin traverse. Ses griffes jouent des claquettes sur le bitume. Il court devant moi comme un motard d’escorte présidentielle, avant d’aller se réfugier dans un jardin… en se fracassant au passage du portail ! Le début d’étape est très légèrement bosselé, puis une longue élévation continue permet de gagner 120m de dénivelé pour m’extraire des Bocages… avant de les reperdre aussitôt à Mareuil-la-Motte. Fin de nuit, les bois bruissent de la présence du gros gibier, curieux et sans doute pas encore totalement résigné au retour des Hommes et des bagnoles. Ressons-sur-Matz marque l’arrivée des grands bouts droits. 70km plats, le début de l’ennui. L’aube laiteuse se prépare à entrer en scène après Tricot. 4h30 du matin, fin de nuit blanche. À avoir été privé de virées nocturnes, j’en avais oublié que l’aurore puisse apparaître si tôt à la mi-mai. Comme je navigue plein ouest, le jour tarde à se lever, rose lumineux, dans mon dos. Il prend son temps, une heure laborieuse pour arracher le soleil à la terre. Je longe bientôt la succession des champs éoliens ronronnant doucement. Les pâles font des bruits de voiles en mer calme. Trop loin de la frontière des 100km, pour moi, la mer… À Thieux, parti vers une autre frontière, un autre combat, l’air réjoui à en croire le sculpteur, le poilu sur la place du village est figé dans son élan. Dans son uniforme bleu impeccable, sans doute a-t-il changé d’avis plus tard. La statue ne le dit pas, la stèle égrène des noms, chapelets d’indices. Une fine brume étale ses draps sur les plis des collines. Le soleil qui la transperce s’en fiche pas mal. La fin d’étape me lasse, les grands bouts droits semblent interminables. Longs et si lents ces kilomètres tracés à la règle sur des routes que je connais déjà bien. Impatience, et voilà enfin Songeons.

Pas d’âmes qui vivent, de bonne heure, pour ce troisième contrôle. Quelques bagnoles en transit, rien de plus. Matin de semaine laborieux. Même si ces BCN/BPF font pointer à Songeons, passer par Gerberoy, tout près, reste incontournable. Faire l’impasse sur ce mignon petit village serait une erreur, surtout en ce moment où les ruelles sont préservées du flot des touristes. Moment contemplatif avant de reprendre la route. À Hannaches, le château étouffé derrière l’église forme un duo énigmatique et oppressant. Le contrôle de Saint-Germer-de-Fly n’est pas très loin.

L’ancienne abbatiale que je connais déjà est toujours aussi majestueuse, planté sur la vaste place du village, désert encore une fois. J’observe les oiseaux s’amuser à ses sommets, funambules sur les toits des Hommes. En repartant, une longue bosse à 5 % me mène au Coudray-Saint-Germer. Je m’arrête au distributeur de baguettes de Labosse ; curieux nom pour un village plus planté dans un val qu’autre chose. Le tunnel par où sort le pain m’apparaît d’une propreté assez relative, mais la faim ne m’arrête pas. Début de fringale. Je m’attaque directement au croûton, et tandis que je replie mon barda, je sens une présence s’impatienter dans mon dos, sans oser s’approcher. Même si ne suis pas tourné vers la bonne femme, la psychose du Virus est toujours là. Je sais, ce n’est pas sympa, mais la scène m’amuse. Une pensée furtive me vient, sadique. L’envie de tousser juste un coup, pour voir, mais je m’abstiens. Après une étape à peine bosselée, je rejoins Chaumont-en-Vexin pour y pointer.

Le gros bourg m’apparaît sans charme, dans le midi grouillant cette fois de vie et de circulation. Écrasé de chaleur également. Contraste étonnant avec la solitude dans laquelle je progressais depuis la veille au soir. Je déambule dans le centre-ville, me perds pour appeler un chat un chat, même si la bestiole ne serait pas fichue de m’indiquer la bonne direction. Il faut dire que Chaumont-en-Vexin est curieusement construite, s’enroulant autour d’une grosse butte centrale boisée. En repartant, le début d’après-midi déjà chaud se fait cuisant. Ma peau vire à l’écrevisse. Ayant fait toutes mes sorties d’avant confinement sous le signe de la flotte et de la bouillasse, j’en avais oublié la férocité du franc soleil printanier. La soif aussi, avec pas franchement de points d’eau sur cette partie du parcours. Je parviens à faire le plein des bidons, à sec, au cimetière de Chambly. Les arrosoirs sont cadenassés comme des chariots de supermarché. Surprise. Dans tous les jardins de granit où j’ai pu m’arrêter, et j’en ai fait des appoints de flotte aux boulevards des allongés partout en France, je n’avais jamais vu ça. Est-ce que le système est efficace ? Quand on en est rendu à faire ce genre de crapulerie, je me dis qu’un arrosoir neuf vaut bien un jeton en plastique, ou au pire y laisser un demi-euro… de pourboire ! L’étape se poursuit, quasiment plate. Après une courte incursion en région parisienne, matérialisée par une borne monumentale à moitié effacée et mentionnant une Seine-et-Oise surannée, le franchissement du vieux pont de ferraille en sortie de Boran-sur-Oise me fait toujours l’impression d’un piège à con : une seule voie si étroite ne me rassure pas, malgré ses feux rouges aux deux bouts.  Puis j’arrive à Mortefontaine. Et une ancienne fontaine, il y en a une d’imposante sur la route principale, paraissant tarie depuis bien longtemps à en juger par les dépôts fossilisés dans sa grande vasque. Ermenonville est à quelques kilomètres, dernier pointage du département.

La ville est déserte en milieu d’après-midi. Personne dans les rues, personne devant le château, pas même les canards ni les ragondins pataugeant habituellement dans le plan d’eau. Derniers longs bouts droits solitaires, il me reste une dizaine de kilomètres pour rejoindre la gare de Nanteuil-le-Haudoin. Fin d’un parcours globalement plat, pas le genre à vous épuiser dans les montées, mais très bien pour une reprise tranquille.

 

 

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