Âme sensible, abstenez-vous ! Ce qui va suivre risque de heurter votre sensibilité de cycliste « vintage » :
Présentation
Voici en effet tout ce qu’il reste d’un Bianchi Rekord 748. Il est plutôt en piteux état, mais même au sortir d’une poubelle, un fier vélo Italien ça ne se refuse pas ; alors comme souvent avec les épaves (aussi bien en vélos qu’en motos…), j’ai craqué. Je l’ai ramassé et sauvé de justesse de la ferraille. Que voulez-vous, moi je les aime les épaves, elles ont toutes quelque chose de fort à raconter, et par leurs histoires émouvantes, elles méritent de reprendre vie.
Bref, ce pauvre vélo, après avoir fait la joie et la fierté de son propriétaire, s’est certainement vu délaissé pour une autre monture, et démembré pour conserver des éléments nobles comme les roues et la transmission, avant que ses restes ne soient jetés aux ordures. Récupéré une première fois, il s’est vu remonté et complété avec des pièces très ordinaires et bas de gamme (pour rester poli) en passant par tous les degrés possibles de la déchéance !
Devenu percheron, il s’est retrouvé à la poubelle quand ses pièces médiocres ont commencé à lâcher. C’est donc dans cet état, et sans roues, que je l’ai récupéré, lui promettant cette fois un bien meilleur karma pour sa troisième vie.
Sur cette vue de face, le cintre apparaît comme définitivement fichu…
Dommage, c’était un 3ttt « Grand Prix », un des rares éléments d’origine encore présent sur le cadre.
Notez les horribles pédales plastiques bas de gamme qui n’ont rien à faire sur ce vélo.
Autre monstrueux sacrilège, la patte de cadre a été atrocement mutilée (la partie filetée d’ancrage du dérailleur a été sciée), et tordue pour faire rentrer à la hussarde la roue arrière, ou pour faire passer la patte de l’immonde dérailleur actuel.
Arriver à rattraper ce carnage va sans doute s’avérer extrêmement délicat, car pour ne rien épargner, l’acier présente une belle fissuration !
L’incongru :
Passons à la revue de détail de ce qui reste sur ce vélo.
Comme pour les pédales, ce pédalier en acier de la plus basse extraction est une injure faite à ce vélo !
D’origine, il s’agit d’un Gipiemme 52×42 tout aluminium. Les manivelles comportent le sigle de l’aigle en vol devant une roue de vélo, surmonté du sigle Bianchi (Gipiemme est gravé en dessous). Les bouchons des vis d’axe de pédalier comportent eux aussi les deux marques Gipiemme et Bianchi… Rien à voir, donc !
Pas forcément simple à trouver, mais en tout cas, à changer absolument…
… comme ce dérailleur arrière !
Un Shimano de VTT premier prix de supermarché, à remplacer sans délai.
Le douteux :
D’autres éléments ne sont pas du vulgaire bas de gamme contemporain, mais ne semblent pas être non plus appareillés à ce vélo. Modifications d’époque, pourquoi pas, mais pas du meilleur goût. À voir donc.
La présence de ce dérailleur Huret est inattendue. L’angle de sa fourchette ne va absolument pas avec l’horrible pédalier. Le changement de plateau ne devait pas être très facile dans cette configuration !
Ce pauvre dérailleur a dû être sauvagement tordu… Et un massacre de plus !
Cette selle Sportex est-elle d’origine ou pas ? Peu importe, elle ne fait pas anachronique (même si je n’aime pas les selles tout plastique). Par contre, vue de l’arrière elle apparaît vrillée sur la gauche… alors que mon assise est plus en pression à droite. À voir, mais ce sera sans doute douloureux. Elle semble en sursis.
Le boulon de tige de selle a été remplacé par cet horrible serrage rapide bas de gamme. À remplacer obligatoirement !
L’authentique :
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La tige de selle est par contre signée Bianchi, pas de doute, c’est un élément d’origine.
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Malgré ce qu’on pourrait penser, ces leviers de frein Universal sont bien des éléments d’origine, tout comme les étriers de frein assortis. Eux aussi des Universal 77.
Côté transmission, d’après ce qu’on en voit de l’extérieur, contrairement à l’horrible pédalier, cette cuvette de boîtier de pédalier semble être une pièce respectable.
Cependant l’axe me paraît étrange avec ses écrous plutôt que des vis… Cette construction me rappelle des horreurs made in china. Pourtant les apprentis mécanos du dimanche poussent rarement, et la curiosité et leur « talent », jusqu’à modifier le jeu DE pédalier, ni même à simplement régler le jeu AU pédalier… J’aurais la solution lors du démontage !
Qui dit chaîne aux plaques de maillons ajourées dit haut de gamme.
Cette chaîne date sans doute de la première vie du vélo, ce qui voudrait dire qu’elle doit se trouver depuis longtemps allongée au-delà du raisonnable… En fait pas tant que je pouvais le penser, mais la mesure le confirme : 1,4 % d’allongement, c’est beaucoup trop !
Pas de problème, les manettes de dérailleurs Campagnolo sont en accord avec ce vélo Italien.
Un des rares éléments qui reste d’origine… Sans doute parce que le passage de vitesses au cadre est perçu comme ringard, et ne mérite pas d’être récupéré !
D’origine, les dérailleurs avant et arrière étaient eux aussi des Campagnolo. A priori du Nuovo Record, mais faute de trouver mieux pourquoi pas du Nuovo Gran Sport ? Il semblerait qu’il y ait eu les deux de montés selon les années.
Ce vélo est bien un Bianchi Rekord 748… puisque c’est écrit dessus !
Notez le jeu de direction lui aussi siglé Bianchi sur les cuvettes supérieure et inférieure…
… tout comme la fourche.
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La finesse et la ligne de cette potence 3ttt en font une belle pièce.
Dommage que le cintre assorti se soit fait massacrer.
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Bref, il y a du travail pour faire revivre ce vélo !
Cependant, il faut toujours voir le bon coté des choses : c’est donc une excellente occasion pour réaliser une restauration complète… Pour peu que j’arrive à trouver les pièces adéquates, et une série de décalques pour la finition.
La reconstruction :
Première étape : réussir à connaître exactement les composants utilisés à l’époque sur ce vélo pour essayer d’être le plus fidèle possible à l’origine. Bianchi étant une grande marque et comme ce vélo n’est pas si ancien… trouver ces renseignements est relativement facile. Voici donc ce qu’indique le catalogue d’époque :
Bianchi Rekord 748 | Caractéristiques (modèle 1980 – avec hexagone Piaggio sur la colonne de direction) |
Tailles | impaires de 55 à 63cm (sauf 59) |
Cadre | Colombus Zeta |
Fourche | Bianchi / Colombus Zeta |
Jeu de direction | Bianchi Corsa |
Cintre et potence | 3ttt Rekord |
Freins | Universal Model 77 avec leviers allégés |
Dérailleurs | Campagnolo Nuovo Record |
Roue-libre | Regina Extra series ORO 14/22 5 vitesses |
Chaîne | Regina Extra 50 ORO 1/2″ x 3/32″ (12,7 x 8,1mm) |
Pédalier | Gipiemme Corsa 52/42 « Bianchi » |
Pédales | Gipiemme Dual Sprint |
Roues | moyeux Gipiemme petits flasques 32 trous, jantes Mavic spécial Sport, rayons allégés, boyaux Clement 28″ |
Selle | Italia Corsa couverture nubuck |
Autres équipements fournis | bidon, porte-bidon, cale-pieds et courroies |
Couleur | bleu céleste |
Petite critique de cette liste, même si les Bianchi Rekord 748 qu’on peut voir de nos jours n’ont pas forcément traversé les ans d’une manière statique et immuable, on peut néanmoins constater que :
- Dans cette liste (retranscrite d’un catalogue d’époque), pourquoi Rekord s’écrit-il avec un « K » pour le cintre, la potence et les dérailleurs (au lieu d’un « C » ) ? Est-ce une erreur typographique ou bien indique-t-il des composants rebadgés spécifiquement pour Bianchi (avec ce Rekord 748) comme pour le pédalier ou le jeu de direction ?
- D’après ce qu’on voit sur les vélos actuels qui ont survécu, le dérailleur arrière est quasiment toujours un Campagnolo Nuovo Gran Sport plutôt qu’un Campagnolo Nuovo Record (est-ce d’origine, à cause du coût pour un remplacement ultérieur, ou bien parce que le Nuovo Gran Sport est plus populaire et plus facile à trouver pour un changement de nos jours ?)
- Le cintre 3ttt Rekord me semble être un modèle fantaisiste, le 3ttt Grand Prix me semble être un modèle plus fiable (mais sans garantie de ma part ! )
La chasse aux trésors !
Une fois l’état des lieux fait, je suis maintenant prêt pour la seconde étape : dénicher les pièces manquantes, soit en cherchant dans mon bric-à-brac si quelque chose d’intéressant peut correspondre… soit en allant voir ailleurs !
Entrons maintenant dans le vif du sujet en commençant par le plus simple mais aussi le plus mystérieux : le cintre ! J’aurais pu tenter de le redresser « au sable » mais comme je suis du genre poissard (surtout sur un vélo) je préfère jouer la prudence et changer cette pièce indispensable à la sécurité. Par contre, ce qui me semble assez surréaliste est : pourquoi et comment le cintre s’est retrouvé dans cet état-là alors que ni les leviers, ni la potence, ni la fourche, ni le cadre, ni l’axe de pédalier ne semblent avoir souffert d’un choc ou d’une déformation quelconque ? Et sans aucune trace particulière de frottement… le mystère reste donc entier !
Au lieu du 3ttt Grand Prix d’origine, j’ai ce 3ttt Competizione avec son sympathique petit marquage T.d.F (pour naturellement Tour de France). La classe, non ? Le cintre d’origine, en le considérant déplié, est de la même largeur !
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Pour la guidoline, tant pis pour le confort, pas de liège ou de mousse, juste une classique fine bande de plastique noir aux bouchons chromés, comme dans le style de l’époque.
.Point de vue dérailleurs, j’ai une paire d’anciens Campagnolo. Celui pour l’avant a une tête qui me convient (avec l’espèce de soleil gravé)… Mais ne comporte aucune indication de modèle… Pas très bavards à l’époque, les dérailleurs avant de Campagnolo !
Pour l’arrière, c’est un Nuovo Gran Sport… qui (comme je l’ai déjà dit) se retrouve souvent aujourd’hui sur les Bianchi Rekord 748, alors que le catalogue d’époque indique un Campagnolo Record… Bref, pas de grosse faute de goût.
Par contre, les galets ont leur matière décolorée en gris-vert… qui me fait penser à de la vieille bakélite… et qui ne me donne pas franchement confiance. Risquer de broyer le dérailleur, à cause de galets se cassant ou se désagrégeant en route, serait plutôt idiot.
Bien évidemment, il faudrait au préalable que je règle le problème de la patte de cadre sciée et déformée, afin de pouvoir monter ce dérailleur… Patience, j’y viens…
Pour compléter la transmission, j’ai déniché à prix raisonnable (grâce, ou peut-être à cause, de sa modification en vue d’un projet de montage en fixie) ce pédalier Gipiemme, de même modèle que l’origine… Mais comportant hélas trois défauts :
- Il n’a pas le marquage Bianchi au-dessus de l’aigle devant la roue de vélo.
- Il me faudra retrouver un grand plateau qui corresponde.
- Les cheminées estampillées Gipiemme ont été retaillées à la sauvage pour l’utilisation prévue en mono-plateau !
Donc :
- Comme je « bourine » principalement sur le grand plateau, en remplaçant les parties arrières des cheminées par des neuves en version longues (et naturellement en acier) je peux conserver pour l’avant le reste de mes cheminées Gipiemme massacrées, et donc conserver leur marquage d’origine. Une goutte de frein-fillet assurera la sécurité du serrage. Comme le petit plateau de 42 me sert surtout à mouliner (au cas où ça grimpe) ça devrait tenir sans arracher l’arrière des cheminées… mais à surveiller quand même régulièrement !
- J’ai réussi à trouver ce 53 dents neuf pour chaîne étroite. Je n’ai pas eu trop de choix sur nombre de dents, car les plateaux de 144mm restent surtout utilisés de nos jours pour la piste… et donc associés à une chaîne large. Celui-ci semble basique, sans aucun marquage, mais au moins il est neuf !
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Mais franchement, il ne manque pas quelque chose ?
Hé bien si ! En fouillant dans mon capharnaüm, j’ai retrouvé cette belle paire de roues avec les boyaux d’époque, un peu secs mais gardant bien la pression ; ils pourront bien servir encore un peu. Les moyeux et serrages rapides sont des Zeus, montés sur des jantes NISI anodisées gris foncé. Moyeux espagnols et jantes italiennes semblent assez improbables… Mais finalement pas plus que le montage d’origine avec des moyeux Gipiemme sur jantes Mavic.
J’ai bien un certain nombre de roues Mavic qui traînent… mais équipées en moyeux français, ce qui me semblerait assez étrange pour ce vélo. Seul défaut gênant, la roue libre Maillard est une 13/19 en 6 vitesses. L’étagement est plutôt court, mais en retirant le pignon de 18 et en retrouvant un de 21 ou 22 que je dois bien avoir quelque part… la progression serait plus polyvalente, seulement faut-il garder les 6 vitesses (comme il en existait déjà à l’époque) ou absolument n’en mettre que 5 ? J’hésite.
En tout cas, chaîne ou roue libre, le prix des pièces conformes à l’origine, c’est-à-dire des Regina en série ORO est devenu assez délirant ! Ces composants dorés donneraient certes une finition classieuse, mais franchement superflue pour des éléments d’usure sur un vélo pouvant servir sur d’assez longues sorties.
Encore un dilemme, celui de la selle. J’en ai bien une dans la fameuse teinte bleu céleste (avec un accro qu’il faudra stabiliser), estampillée Bianchi et Gipiemme, seulement sa forme me semble assez anachronique avec une hauteur de flancs bien trop faible… Sinon, il me reste cette selle en couverture nubuck sans grande personnalité, mais conforme à l’origine dans la forme et la matière.
Pour rester dans les périphériques, et pour compléter le pédalier, le mieux c’est quand même d’avoir des pédales… et là, c’est le parent pauvre !
Si j’ai bien en pagaille des modèles ordinaires du type Lyotard 136R… je n’ai à peu près hélas rien d’autre sous la main, à part ces Kyokuto Top-Run japonaises… Japonaises ! Et oui, c’est un sacrilège mais après tout Motobécane a bien monté discrètement des composants japonais sur la fin… Alors faute de mieux, moi aussi !
Pour ce qui est des cale-pieds, je n’ai pour l’instant sous la main que des exemplaires rouillés… mais par contre j’ai déjà les courroies en cuir. Ce sont des Vigorelli qui sont quand même plus adaptées que les classiques Christophe.
Faire un premier montage à blanc :
Pourquoi ? Comme ça, rien que pour se faire plaisir… et se persuader que le projet avance.
Le principe est simple et sympathique… mais c’est à partir de là que les surprises commencent !
Cet axe de pédalier carré me laisse décidément perplexe. Il ressemble aux modèles montés sur des VTT très bas de gamme…
Extraire l’horrible pédalier est le premier casse-tête, car les écrous sont assez massacrés. Les filetages pour extraire les manivelles aussi. Et pour finir il n’y a pas la place de passer une douille 6 pans pour dévisser ces fameux écrous…
Comme je ne pourrais donc pas arriver à visser un extracteur sur la manivelle, et que ce pédalier est vraiment une horreur, je décide de m’y attaquer à la disqueuse… Pour par la suite arriver à libérer les écrous ! Pour finir, des coups de marteau bien placés, alternativement en bout d’axes et contre les manivelles, arriveront à les déboîter.
Remonter la tige de selle ne se déroule pas non plus comme prévu… Elle s’avère littéralement « soudée » dans le cadre !
Tenter de chauffer pour l’extraire ne serait pas une bonne idée. Pour la peinture déjà (bien qu’a priori elle sera à refaire), mais surtout car l’aluminium (de la tige) se dilatant plus que l’acier (du cadre), le coincement serait encore plus fort !
Donc après une incroyable quantité d’huile dégrippante, la tige condescend à remonter de… 5mm, comme en témoigne la petite zone brillante qu’on aperçoit ici à sa base. Hélas, après il ne se passera plus rien !
Autre surprise, en montant le pédalier, je me rends compte que l’axe carré est bien trop long. Bon d’accord, le dérailleur avant n’est pas réglé (il n’a même pas son câble) mais quand même, le petit plateau est à deux bons centimètres de toucher le cadre ! Alors pourquoi un tel écartement ?
J’imagine que pour monter l’horrible pédalier en acier, l’axe carré normalement prévu pour le pédalier Gipiemme s’est avéré bien trop court… et comme les cuvettes sont sans doute en filetage italien sur ce vélo, l’apprenti mécano-massacreur a donc été contraint de les conserver (tant mieux), et n’a donc changé que l’axe, en montant l’horrible axe du même acabit que l’affreux pédalier (l’axe d’origine est hélas définitivement perdu)… CQFD, je tiens donc là l’explication de mon axe carré trop long, et à écrous plutôt qu’à vis !
Pour ce qui est des pédales, là non plus rien ne se passe comme prévu ! Elles se vissent bien, et même un peu trop à mon goût… Curieux… Seule possibilité logique : les pédales seraient au filetage français (14mm x 1,25mm) et le pédalier au standard international (9/16″ x 20 filets par pouce soit 14,29mm x 1,27mm)… mais curieusement, je les ai prélevées d’un pédalier pourtant lui aussi au standard international… Après vérifications, ce n’est pas qu’une bête question de tolérance d’usinage, ces pédales sont bien au filetage français… et étaient insérées dans un pédalier au filetage international ! Il ne faut pas avoir peur d’arracher les filetages. Donc retour à la case départ pour les pédales… qui restent à trouver !
Bref, j’ai déjà connu des cas bien plus simples (et dire que certains pestent contre les vélos anciens en standards français), mais sur ce coup-là je cumule… Quoi qu’il en soit, je peux enfin faire mon montage à blanc, même si la selle vise le ciel et le dérailleur arrière n’est pas présent, car je n’ai pas encore réglé l’absence de sa fixation sur le cadre.
Alors, il commence à avoir un peu d’allure ce vélo ?
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Revenons à la tige de selle. Après un certain temps, et surtout après une autre incroyable quantité d’huile dégrippante, la tige abdique… moyennant une véritable séance d’haltérophilie.
Hélas, comme d’habitude sur les vélos classiques, la tige de selle est un peu courte pour moi. Elle est ici quasiment déboîtée, donc si je veux en garder une longueur raisonnable dans le cadre… ça va être problématique.
Alors, changer de tige ? Certainement pas ! Il ne reste déjà que peu de chose d’origine sur ce vélo, je ne vais pas en plus remplacer une des rares pièces qui le sont (remarquez tout de même les belles griffures sur le chariot ; à faire disparaître). Alors comment faire ?
Ma selle bleu céleste est donc définitivement écartée par la force des choses, car la hauteur entre les rails et la couverture de selle est assez réduite. Par contre, la selle en nubuck fait un centimètre de plus que l’affreuse selle actuelle en plastique noir… elle-même un peu plus haute que la bleue. Je gagne donc un peu de hauteur de selle… Mais je pourrais avoir un meilleur rentré de la tige, en employant une selle encore plus haute avec une assise en cuir. Par exemple une Brooks B17 Narrow ou une Team Pro ferait l’affaire, mais est-ce que ça ne serait pas trop étrange sur ce vélo ?
En attendant, voici ma tentative d’explication du problème de la tige de selle :
Des tiges de selles coincées dans des cadres, quand on s’intéresse aux vélos un peu anciens… on en a forcément déjà rencontré, mais là, c’était incroyable. Le ou les précédents propriétaires n’ont pas été aussi patients que moi, comme en témoignent ces horribles traces de pinces multiprises griffant le chariot de selle. Sur la photo de gauche, les traces de grippage du tube sont horizontales, et non en zigzags ou en losanges comme quand on remonte la tige de selle à la sauvage… donc j’ai bien fait mon boulot ! Mais un détail est étrange, le diamètre estampé sur l’arrière de la tige est de 26,8 surchargé en 26,6mm. Pourquoi ? Cette tige a-t-elle été déclassée ? Erreur de marquage d’origine, mauvaise tolérance d’usinage, côte bâtarde où l’on a choisi de retenir la plus petite dimension ? Des hypothèses de ce type pourraient expliquer et avoir favorisé le grippage de la tige. La cause exacte restera un mystère, mais peut-être est-ce la simple raison de la mise au rebut de ce vélo ?
Et le problème d’axe de pédalier dans tout ça ?
Allez, on démonte. C’est gras, c’est noir, c’est dégueulasse… Au moins il y a encore de la graisse partout. Habituellement c’est bon signe. Et tout s’est dévissé sans problème. Même la cuvette droite, qui pose tant de problèmes sur les vélos français. Merveilleux, non !
Outre une cage à bille complètement disloquée, notez les écrous de bout d’axe… dont un est très fin, sans doute pris sur un axe de roue !
Une chose m’interpelle : j’ai un roulement… entier. Jusque-là c’est normal… mais avec les miettes de la cage du deuxième, en comptant bien j’ai deux fois trop de billes !
Après avoir tout nettoyé, les cuvettes se révèlent être les (Gipiemme) Dual Sprint d’origine. En comptant les mystérieuses billes surnuméraires et l’absence d’identification sur l’axe, mon hypothèse était donc la bonne : l’axe n’est pas celui d’origine (peut-être jeté car trop court), et me fait définitivement penser à une horreur chinoise bas de gamme.
Vu de près, la piste de la cuvette de gauche est encore en bon état. Elle sera conservée malgré un léger écaillage. Celle de droite a pris un coup malheureux de disqueuse dans une vie antérieure, et plus grave, une multitude de petits cratères assez profonds constellent la piste. Difficile de conserver cette cuvette, mais comme (à droite) elle sera cachée par le pédalier, je peux donc la remplacer sans souci pour l’aspect d’origine du vélo.
Sauver le cadre :
C’est bien beau tout ça, mais il faudrait peut-être remettre le cadre en état avant toute chose… Sinon ce projet risque fort de tourner court.
Au départ, j’avais songé à redresser ce qu’il restait de la patte de droite, puis à ressouder à son extrémité une partie filetée. Seulement, vu l’amorce de rupture suite à la déformation de la patte, cette solution n’était pas vraiment réaliste.
J’ai bien des pattes de cadre verticales, ce qui me confirme que l’angle n’est pas trop exotique avec ses 70°… mais je ne souderai certainement pas celles-ci, pas de faute de goût !
Il y a un certain temps, j’avais récupéré une épave de Peugeot South Pacific, mais le pauvre VTT old scholl passablement bidouillé lui-aussi, n’avait pas grand-chose de récupérable, même pas le cadre dont la patte de gauche était fêlée… mais comme il me faut la droite… et qu’il y a des airs de ressemblance avec les Bianchi… Voyons ce que ça peut donner !
Bon d’accord, la similitude n’est pas forcément frappante, mais voyons le bon côté des choses :
- Le marquage Bianchi étant rendu quasiment illisible et invisible, monter une patte anonyme ne changera pas beaucoup !
- L’épaisseur des pattes est la même.
- En rectifiant le profil, on doit arriver à une ressemblance acceptable ; si, si, je vous assure !
Par contre, pour la patte Peugeot : - L’intérieur a été assez ravagé par des déraillements musclés…
- L’angle de cette patte est de 65° et non pas de 70°…
- Elle n’est pas percée pour recevoir une vis de butée d’axe de roue… Il faudra faire avec tout ça !
Il faut soigneusement positionner la patte pour que la différence d’angle ne soit pas trop gênante…
Pas trop mal, non ?
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Voici ce que ça donne après quelques coups de limes bien placés…
Il reste « juste » à échanger les pattes…
Je passe les détails pour arriver à dessouder proprement l’ancienne patte, et sans déformer ni la base ni le hauban…
La nouvelle patte est juste soudée en deux points, pour contrôler que la géométrie soit bonne. Ce n’est pas franchement esthétique, mais c’est du provisoire.
Le soudo-brasage est fait proprement. J’en profite pour voir ce que donne mon essai de peinture… qui me permettra de protéger l’acier mis à nu, en attendant.
La peinture est du « Pastel Turkis » (teinte normalisée RAL 6034) qui me semble vraiment voisin du bleu céleste Bianchi… Il y a naturellement un écart de couleur, mais il faut aussi tenir compte de la teinte défraichie du cadre.
Jusque-là, essayer de faire revivre ce vélo ne m’a pas coûté grand-chose, ayant déjà la plupart des éléments sous la main. Maintenant que je sais à quoi m’attendre sur ce projet et que le cadre est sauvé, je peux enfin me mettre en quête des quelques éléments manquant…
Cet axe de pédalier est un Gipiemme. À la limite on s’en fiche vu qu’on ne le verra pas, mais il est en excellent état, et sa longueur doit être la bonne… Alors pourquoi s’en priver ?
La cuvette de droite est aussi une Gipiemme, elle va donc remplacer la cuvette détériorée du vélo. La cuvette de gauche est une Ofmega, je conserverai donc celle du vélo qui est encore en bon état. Ainsi j’aurai réassemblé un jeu de pédalier 100 % Gipiemme… jusqu’aux vis !
Ce jeu de pédalier n’a sans doute pas fait beaucoup de kilomètres, où alors il a toujours été réglé soigneusement, en tout cas c’est une pièce bien conservée qui assurera de longues années de service sans souci.
Les vis d’origine estampillées Gipiemme me permettront de rouler sans faute de goût… même sans avoir trouvé les hypothétiques bouchons de bras de pédalier.
Avec un peu de patience j’ai réussi à trouver des pédales Gipiemme Dual Sprint conformes à ce qui se montait à l’origine sur le vélo. Leurs filetages sont en accord avec ceux du pédalier, voilà donc un problème de résolu… tout en gagnant en authenticité !
Les cale-pieds sont-ils conformes ou non ? … Au moins ils se montent sur les pédales, ils ne sont pas rouillés… et ils sont italiens !
Pour la selle, je retiens finalement celle en couverture nubuck, plus conforme à l’origine.
Comme elle est tout de même assez haute, elle me permet un rentré de tige de selle de 5cm… ce n’est pas extraordinaire, mais ça ira.
Les boulons de tige selle à l’ancienne se trouvent encore facilement… mais surprise : pas d’encoche ni à droite, ni à gauche, sur le cadre.
J’aurais pu limer l’ergot du boulon, mais il me semble plus logique et rationnel de le conserver… quitte à faire un gros sacrilège, mais une toute petite entorse à l’origine. J’ai donc fait une encoche discrète dans le cadre, qui empêchera la rotation du boulon lors de son serrage.
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Le pédalier avec son nouvel axe se monte facilement…
À condition de meuler cette douille de 15mm, car il n’y a pas beaucoup d’espace entre l’écrou et le filetage des manivelles.
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Puisqu’on est dans le meulage, il me faut aussi limer la patte de cadre pour pouvoir y visser le dérailleur, sinon son ergot ne rentre pas !
… Le profil de l’arrière de la patte a donc été limé d’un millimètre.
D’origine, contrairement aux autres gaines du vélo, celle de dérailleur arrière est… non gainée, justement ! Esthétiquement parlant c’est assez déroutant, mais il devait bien y avoir une raison ?
J’aurais pu m’en sortir en retirant la couche plastique d’une gaine avec un ressort au profil rond (et non pas plat comme on les trouve couramment aujourd’hui)… mais comme j’ai encore ces quelques gaines Shimano non revêtues, autant s’en servir. Le modèle long conviendra parfaitement.
La butée de gaine par contre ne convient pas. Il en faut une avec un fin téton. J’en ai une de couleur noire, au corps et au téton plastique bien trop longs, qui rentre à la place de celle qui était sur la gaine…
Je la retaille donc des deux bouts… et ponce soigneusement la couche d’anodisation noire qui est très dure. Ceci dit, c’est un peu le but de l’anodisation que de durcir l’aluminium… Voilà donc comment perdre intelligemment une bonne demi-heure !
Et voilà le résultat. Cette pièce est assez insignifiante, mais comme rien n’est anodisé en noir sur ce vélo, la teinte aluminium convient mieux.
Démonter les pignons d’un corps de roue libre n’est jamais chose facile…
Avec un peu de persévérance, et beaucoup de force… on y arrive.
Je suis venu à bout de cette Maillard 6 vitesses qui était montée sur mes roues Zeus / Nisi. Une fois nettoyée, c’est presque dommage de devoir la modifier, tellement elle est belle ! Le corps de roue libre est resté sur le moyeu, pas besoin de le dévisser.
Les roues libres Maillard ou Sachs ont été très répandues… et on trouvait facilement les pignons séparément (tout du moins ceux prévus pour une indexation) il y a encore peu de temps.
Je dispose de départs vissants de 14-15 et 14-16, d’un tas de pignons à grand trou… mais juste d’un malheureux pignon de 17 à petit trou… à cause de cela, mes possibilités de modifications des étagements sont donc forcément limités !
D’origine, mon étagement était de 13-14-16-17-18-19. C’est plutôt court, et j’aurais préféré un pignon de 15 au lieu du 18… Tant pis, il faut faire avec.
Vélo de course italien, roues à boyaux, il ne faut tout de même pas un étagement trop large, je vais cependant essayer de composer un compromis intéressant…
En raison de ma pénurie de pignons à petit trou, je ne peux pas jouer sur les pignons du milieu…. Mais je peux modifier le reste.
Je change le départ vissé pour un 14-15… qui avec le plateau de 53 permet quand même de s’amuser un peu ! Le « trou » du départ est donc supprimé, mais 14-15-16-17-18-19 ce n’est pas encore idéal.
Les deux derniers pignons étant à grand trou, je peux les modifier. Je supprime donc le 18, et ajoute un 23. J’obtiens donc une roue libre de 14-15-16-17-19-23. L’étagement est donc assez serré, malgré un dernier pignon « overdrive » bien utile pour les parcours vallonnés.
Après ces petits tracas d’ajustement, le vélo commence à ressembler à quelque chose. Il ne manque à l’appel que porte-bidon et guidoline !
A la pesée je suis un poil au-dessus de la barre des 10kg. Le vélo complet en ordre de marche devrait s’établir à 10,2 kg.
Remarquez ma peinture provisoire autour de la patte du cadre, qui ne se remarque pas. Bon d’accord, le décor fait un peu diversion…
Sur ma sortie d’essai de 200km (et oui, je suis comme ça), le vélo a bien résisté aux crevaisons… Les boyaux se sont montrés exemplaires, et la selle d’époque plutôt confortable, ce qui est pour moi assez inattendu pour une selle qui n’est pas en cuir.
Le montage du vélo est validé, et tant pis pour l’origine, c’est décidé je conserve ma roue libre six vitesses (paresse quand tu nous tiens !) qui n’est pas anachronique, vu qu’elle équipait le haut de gamme Bianchi de l’époque.
Détail intéressant, j’ai le projet de restaurer un Olmo Gran Prix (pas Grand Prix) qui à un cintre 3ttt Grand Prix lui aussi tordu. Le vélo ne semble pas avoir été accidenté. Je me demande si ces cintres ne manquent pas un peu de rigidité.
Bonsoir Eric
C’est troublant en effet !
L’axe de torsion n’est pas très logique, mais comme mon cintre ne semble pas non plus avoir été accidenté, l’hypothèse se tient. D’autant plus que l’épaisseur du renfort central semble suggérer un tube trop mince !
Pour ne pas faire de grosse entorse à l’origine, je vous conseille le 3ttt Competizione que j’ai monté sur mon Bianchi.
Il est bien rigide, pas de mauvaise surprise !
Bon courage pour votre restauration.
Patrick.
Bonsoir,
« Le pédalier avec son nouvel axe se monte facilement…
À condition de meuler cette douille de 15mm, car il n’y a pas beaucoup d’espace entre l’écrou et le filetage des manivelles. »
Un truc : la clef à bougie, il en existe de cette dimension, c’est super pratique. Bon à savoir.
Flo
Une clé à bougie en 15 ?
Tu m’étonnes Flo, pour moi c’est du 14, 16 ou 18, mais pourquoi pas, ça marchera pareil… Et je me coucherai moins bête 🙂 !
J’avais essayé avec une vieille Facom Nervus qui ne passait pas.
Après, la douille meulée à l’avantage de pouvoir y monter un long levier en 1/2″… Pour les démontages costauds de certaines épaves, ça peut aider…