Cycles Flèche d’Or – (1956)

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Voici un vélo qui a subit quelques modifications, mais les éléments anachroniques ne sont pas bien difficiles à démasquer. À première vue, il a tout d’un simple traîne-couillon… et pourtant, en y regardant de plus près, les choses ne sont peut-être pas si simples !

Tout d’abord, la marque Cycles Flèche d’Or reste assez mystérieuse et ne semble pas avoir de lien, ni avec les vélos Flèche d’Or plus récents d’apparence… ni avec La Flèche d’Or marque visiblement plus ancienne. Pas clair tout ça !

Présentation

Voici donc un vélo qui ressemble fortement à un engin utilitaire. La balance le confirme : 13,4kg donc pas un poids-plume… même si on pourrait faire pire !Dynamo (à l’avant mais pourquoi pas), éclairage, garde-boues, porte-bagages, simple plateau, tout y est dans le genre rustique ! Le vélo a été repeint à la dégueulasse – à la bombe, vu tout ce qui déborde partout ! – sans rien démonter, et même en laissant bouts de scotch et décalcomanies, qui s’écailleront hélas avec la peinture,  mais laissent entrevoir le véritable bleu d’origine et le blanc de la colonne de direction.Dans cette tentative malheureuse de modernisation, des éléments ont visiblement été changés ou ajoutés : le feu arrière, le dérailleur et sa manette, la selle et les demi-cales-pieds. En y regardant bien, un détail choque. Pas le fait d’avoir mis du plastoc partout à la place de pièces plus nobles, mais la gaine du dérailleur. Notez son passage sur la base du cadre… repercé à la dégueulasse lui aussi ! Ainsi la gaine, barbouillée de bleu comme le reste, traverse de part en part la butée, qui avant ce massacre servait d’arrêt au mécanisme double câble comme sur les Simplex Juy 543 ou Huret Spécial Bobet. Ce vélo n’est peut-être donc pas aussi bas de gamme qu’il y paraît aujourd’hui.

Une fois dépouillé, le cadre  accuse 2,4kg – rien d’extraordinaire, on reste dans les normes de l’époque – et la fourche 740g, ce qui est un peu mieux mais ne casse pas vraiment trois pattes à un canard unijambiste. La bonne surprise vient par contre du petit porte-paquet arrière, réalisé en tubes creux et très léger avec ses 330g, soit la moitié d’un modèle conventionnel. Troublant.

Les roues sont elles aussi de bonne qualité – leur état de conservation est autre chose – avec leurs moyeux Pélissier, jantes Chrocuivre étroites en acier, et rayons amincis 1,8-1,6-1,8mm. Étonnant pour un vélo utilitaire, tout comme la roue libre 3 vitesses 16-18-20 plutôt d’usage course… qui sous la crasse et un marquage mal réalisé est en fait une Packson Perfection, plutôt du matériel haut de gamme de l’époque.   Les étriers de frein Lam Super Dural semblent également trop luxueux pour un vulgaire traîne-couillon, tout comme l’axe de pédalier – à clavettes – entièrement creux. Alors, utilitaire ou non, ce vélo ? Et quel serait l’intérêt de déguiser une machine de course en bête de somme ?

Dans le domaine des longues distances, les épreuves traditionnelles courues en non-stop telles Bordeaux-Paris ou Paris-Brest-Paris – dont le règlement mentionnait l’obligation des gardes-boue à l’époque – ont forcément une partie nocturne… alors on peut imaginer la commande particulière d’un cyclo souhaitant y participer. Cela expliquerait le montage de qualité de ce vélo, y compris la dynamo placée à l’avant et facilement accessible en roulant. Tout cela n’est qu’une interprétation personnelle… mais elle se tient, et en vaut bien une autre !

La restauration

Tout d’abord le cadre est débarrassé le plus délicatement possible des couches de peinture superflues, avant de stabiliser sa patine au Restom Protec Look 6100. Ensuite, le vélo est reconstruit avec les pièces correctes d’origine. Contrairement à ce que l’état général extérieur assez délabré laisse voir – les jantes en particulier sont dévorées par la rouille – au démontage les entrailles du vélo ne sont pas si catastrophiques. Rien de grippé sauf la chaîne ; les roulements sont tout à fait corrects, même s’il faut remplacer quelques billes oxydées du jeu de pédalier. Notez l’axe à clavettes, allégé et entièrement creux.

Les pédales sont débarrassées de leurs demi cales-pieds contemporains… qui n’ont rien à faire sur cette machine

 

Une fois nettoyés, les étriers Lam Super Dural ont meilleure mine ; et dérouillés, les leviers en acier dévoilent aussi leur identité de Lam.En compagnie des manchons Sufficit qui ont été conservés, une potence Kiprim… mais qui prime sur quoi, au fait ?

Compléter le puzzle

Le projet étant bien avancé, reste à trouver le dérailleur, sa manette, la selle et le feu arrière en accord avec le reste.

En s’orientant vers l’hypothèse d’une randonneuse légère, il faut du beau matériel pour remplacer les horreurs trop contemporaines. Ceci-dit, les modèles de dérailleurs à double câble, Juy 543 – dont le prix atteint ou dépasse son numéro ! – comme Spécial Bobet sont totalement exclus en raison de leur coût totalement délirant. Je ne vois pas l’intérêt de dépenser une fortune pour un composant qui n’apporterait rien d’autre qu’une manipulation délicate au quotidien, à moins de ne vouloir en faire qu’un vélo d’exposition… ce qui pour moi est totalement exclut : un vélo est fait pour rouler !

Pas de dérailleur double câble au prix stratosphérique, donc, mais un Huret Tour de France – difficile à trouver en version 3 vitesses plutôt que 4, ceci dit – beaucoup plus abordable et simple d’utilisation… même si la manette – pas simple à dénicher non plus une Huret – fonctionne à l’envers, car le dérailleur à chaînette est en position relâchée sur le grand pignon. Notez la roue libre à l’étagement plus étendu. Les 3 vitesses 16-20-24 sont beaucoup plus polyvalentes que les 16-18-20 d’origine… et sont le maximum que le dérailleur peut accepter !

Pour toujours être en accord avec l’hypothèse d’une randonneuse légère au long cours, la selle – montée sur son tube rallongé – est une Pryma 517 Spéciale Bordeaux-Paris.Pour finir, il faut remplacer le feu arrière anachronique dont le montage ultérieur est confirmé par un trou supplémentaire dans le garde-boue… qui passait inaperçu caché sous le feu plus moderne et plus grand ! Ce petit Soubitez Catalux 3 doit être le type d’origine – au moins il est d’époque – car il correspond aux trous initiaux du garde boue.

Notez la vis qui vient boucher le trou supplémentaire… qui se situe maintenant visible de l’extérieur !

Voilà donc le vélo prêt à reprendre la route, complété de manière plus conforme à ce qu’il a dû être à l’origine.

Et pour preuve que les longues sorties ne lui font pas peur, il a parcouru les routes de la Flèche Bordeaux – Paris.

 

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