Aimez-vous suffisamment vos vélos anciens, au point de refabriquer vous-même certaines pièces défaillantes ? Si vous êtes habitué de ce blog, vous avez déjà la réponse, et vous savez que je suis assez fou pour cela, du simple assemblage de bouts de ferraille au chalumeau (comme les écarteurs de frein de ce Motobécane DC8) jusqu’à la création d’un plateau en passant par la refonte totale d’un pédalier jetable à l’agonie.
Aujourd’hui, juste pour l’amour de l’art – et surtout le respect de l’origine – pourquoi ne pas recréer un demi-étrier de frein cantilever massacré ? Ici l’aluminium a été déformé, et cette manœuvre imbécile de pliage a fissuré cette élégante mais délicate pièce. René Herse avait le don de fabriquer des œuvres d’art… parfois assez fragiles, hélas ! La redresser provoquerait inévitablement sa casse, mais même en la laissant ainsi, il y a un risque évident de rupture en cas de freinage trop appuyé. On va donc en recréer une. Le but de cet article est de montrer qu’une refabrication maison est toujours possible, même avec une économie de moyen : une perceuse et quelques limes ! Bien penser la façon d’enchaîner les étapes de l’ « usinage » et beaucoup de patience sont nécessaires ; rien d’autre. C’est parti pour une douzaine d’heures de travail en images :
- Pour réaliser toute recette de cuisine, il faut d’abord réunir les bons ingrédients. Ici un bloc d’aluminium de qualité, du 7075T6 pour le corps de l’étrier, et un bout de tige en bronze, pour mettre en place l’insert pivotant sur le tasseau.
- La pièce d’origine, déformée, va servir de modèle. Dans ce petit bloc, en se débrouillant bien il y a la place pour réaliser les deux côtés de l’étrier tête-bêche… et en se débrouillant mal, il y a de quoi pouvoir faire un deuxième essai !
- Première chose à faire : percer. Un gros trou dans l’aluminium pour y placer l’insert, et un avant-trou dans la barre de bronze pour pouvoir la marteler plus facilement.
- La tige est coupée légèrement plus longue que l’épaisseur du bloc d’aluminium. Elle s’insère dedans assez « gras » par son côté légèrement biseauté, puis est martelée recto verso. À la presse le résultat serait plus propre qu’au marteau, mais peu importe…
- L’insert est limé soigneusement sur les deux faces, puis percé et alésé à son diamètre définitif. Sans utiliser d’alésoir, on pourra se dépanner en perçant d’abord proche du diamètre nominal (-1 ou 2/10mm) puis en perçant au diamètre exact, lentement et en arrosant d’huile. Le bronze tolère bien ce genre d’astuce, mais le résultat sera toujours plus propre et précis, réalisé à l’alésoir.
- le trou prévu pour l’axe du porte patin (dont la distance par rapport à l’alésage a déjà été déterminée au compas, visible sur la photo précédente) est pointé puis percé.
- Une silhouette est tracée pour délimiter grossièrement la pièce à réaliser, et des trous forment l’ébauche de l’évidement central.
- L’évidement est réalisé plus précisément.
- Des trous délimitent le contour de la pièce, et une première face est détourée à gauche.
- Un surfaçage à la lime permet de mettre à niveau les différentes épaisseurs.
- De l’autre côté, l’épaisseur est creusée pour recevoir l’axe du porte patin.
- Les deux premiers biseaux sont réalisés sur le petit côté du triangle formant le corps de la pièce, et à l’autre bout son nez est dégagé du bloc.
- Les autres biseaux sont réalisés, sauf celui reliant la pièce au bloc.
- Les biseaux sont réalisés sur l’autre face.
- Un perçage servira de butée au câble de frein.
- À ce stade la pièce peut être séparée du bloc, et la fente pour le câble de frein est faite à la scie.
- Le dernier côté du triangle est façonné… Ça commence vraiment à ressembler au modèle !
- Un ponçage soigneux à la toile de verre, à l’eau, permet d’estomper les gros coups de limes.
- Un polissage final rend la surface lisse. En y regardant bien, la pièce définitive est très légèrement plus grossière que l’original, volontairement, pour un résultat plus robuste.
- Et voilà le frein monté en situation réelle : à gauche le demi-étrier refait, à droite l’original. Pas trop mal, non ?