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Après l’Alsace, place à la Guyenne avec un kilométrage et un dénivelé comparables. Mais ici, la différence vient que l’intégralité du parcours sera bien vallonnée, donc pas de première partie dure et de seconde reposante. Malgré quelques petits répits, il faudra donc donner du mollet partout… Et ça change tout ! Ceci étant dit, rien d’insurmontable… À part peut-être le trajet en train qui me prendra 7 bonnes heures de train pour démarrer la boucle à Figeac après avoir transité par Brive-la-Gaillarde. Bon, la Guyenne est quand même au total étalée sur 5 départements, alors on coupe la poire en deux. Cette fois, ce sera ce qui a dû correspondre grosso modo à la Basse-Guyenne de jadis (le tour de la Haute viendra la prochaine fois). Histoire de grimper – un peu plus ! – et en cherchant bien, j’ai réussi à incorporer quelques petits cols à ce circuit. Rassurez-vous, rien de terrifiant :
- le Col de Lacave (315m)… sans doute informel !
- le Col de Crayssac (219m)
- le Col d’Aiguières (684m)
- le Col d’Engayresque (888m)
- le Col de Lagarde (810m)
Après un trajet en train laborieux, un peu avant minuit, je sors de la gare de Figeac et c’est parti. Malgré l’heure tardive, la petite ville est encore animée. Les terrasses de bars forment quelques îlots de vie. En cherchant bien, je pourrais faire tamponner ma carte de pointage, mais je préfère le faire à mon retour… il fera jour, on ne plaisante pas avec le règlement de ces BN / BPF ! Dès le panneau de sortie de ville, l’univers est ravalé par les ténèbres et le ton est donné, j’attaque la première bosse du circuit. Pour ne pas avoir trop d’avance sur le jour, je m’arrête à Rudelle quelques heures. Dans la nuit un chien errant se rapproche, venant aboyer de plus en plus près. Pas moyen d’être pénard, alors je repars avant que cette saloperie de clébard vienne me chercher des noises. Aynac est un rare village éclairé. Déjà, des villages, il n’y en a pas tant sur ce parcours surtout parsemé de hameaux, et enfin un peu de lumière au milieu de ces ténèbres denses de nouvelle lune est toujours réconfortante. Au total une étape vallonnée – moins sur la fin – mais rien de méchant pour arriver à Padirac en guise d’échauffement.
Comme l’aube est encore loin et pour ne pas perdre trop de temps, je poursuis mon chemin dans la nuit vers Carennac, qui est le pointage alternatif de Padirac. Moins d’une quinzaine de kilomètres séparent les deux villages, avec entre eux, Miers-les-Eaux sur sa butte.
Carennac est très joli à l’aube dans ses vieilles pierres. C’est reparti pour une première partie d’étape très roulante à progresser le long de la vallée de la Dordogne… que je traverse sur un étroit pont haubané au tablier de bois en guise de sol. Au petit jour la brume est présente de loin en loin, masse de coton accrochée à la campagne où quelques chevreuils jouent à cache-cache. La première belle montée de ce circuit se présente à Saint-Denis-lès-Martel, pour quitter le village et rejoindre les hauteurs par une série de lacets imitant un petit col, faisant gagner 130m d’altitude. Cette étape est malgré tout vite avalée en vue de Martel et sa cité médiévale aux 7 tours.
En arrivant vers Saint-Sosy, un beau panorama se dégage sur des falaises blanches juste en face. L’idée d’aller dans leur direction et d’avoir à grimper là-haut ne me tente pas trop ! Elles se précisent à Meyronne, et en sortant du village aux bâtisses de pierres trapues, je vais cheminer à leurs pieds en suivant une longue descente… suivie d’une bonne grimpette à Lacave – joli paradoxe ! – où je fais le plein des bidons aux toilettes publiques. La montée s’élève par paliers avec de longs faux plats – faisant gagner 200m de dénivelé – au terme de laquelle apparaît une pancarte de col informel, qui même si elle est fantaisiste est fixée sur un vrai poteau d’infrastructure routière. Étrange. Alors, panneau dérobé et remplacé de manière approximative ? Col déclassé, car il ne semble pas avoir d’existence officielle ? Quoi qu’il en soit la montée est bien réelle, elle ! Par ici les murets en pierres sèches sont bien entretenus, presque trop. Sentiment d’étrangeté face à quelque chose qui semble trop net, trop lisse dans la reconstruction ; mais face à tous ceux qui tombent en décrépitude partout ailleurs sur ce circuit – et dont le témoignage patrimonial se sera bientôt évanoui sous les ronces – la critique est facile ! Ensuite, la route descend mollement à l’approche de Rocamadour. De loin, la cité médiévale accrochée au rocher donne presque le vertige par-dessus le parapet, de près elle est simplement grandiose.
En repartant dans la descente, je suis freiné par le petit train de visite guidée du village. Les lacets rapprochés et la longueur du convoi ne me permettent pas de doubler. Cette étape débute toute en montée jusqu’à Couzou, avec quelques petits replats trop courts pour récupérer ; par la suite, elle comportera de très longues bosses. Parmi elles, sortir d’Auzac nécessite de grimper une pente à 10 %. Je fais l’appoint des bidons à Saint-Germain-du-Bel-Air. Même si ce circuit ne présente pas forcément beaucoup de villages pour se ravitailler ni énormément de cimetières comme points d’eau, les toilettes publiques ,elles, ne sont pas si rares. Vers la fin d’étape les bosses se font moins méchantes, moins longues, et j’arrive au Col de Crayssac sans vraiment monter. Au sommet, s’étale un vaste panorama sur la vallée du Lot et ses cultures bien tracées, ses vignes bien alignées entre les méandres du cours d’eau. La descente, sans être vertigineuse est plus marquée sur ce versant, avec une petite route étroite et bien viroleuse comportant des lacets très courts. Pour finir, j’arrive à plat au pointage de Luzech.
Je repars en direction de Cahors à travers le vignoble… et me perds en essayant de contourner la ville au lieu de passer par le centre en ce début d’après-midi grouillant de circulation. Je m’entête, grimpe inutilement sur les hauteurs avant de retrouver le bon chemin. Ayant progressé plus ou moins à plat – sans compter ma perte de temps obstinée – en première partie d’étape ; après avoir échappé à Cahors, la route se vallonne à nouveau. En quittant Arcambal, se hisser graduellement sur la ligne de crête est assez laborieux sous le cagnard, mais ensuite la route est plate, avant de redescendre à l’approche de Saint-Cirq-Lapopie où un panorama sur la vallée défile rapidement entre le rideau d’arbres. Le petit bourg est une horreur, livré aux mains d’un raz-de-marée de touristes. « Saint-cyr » ou « saint-cirque », question de prononciation, en tout cas le village est un sacré cirque ! La foule grouillante et compacte me donne envie de fuir au plus vite… Ce que je fais malgré la beauté du site. Dommage, vraiment !
Comme sur l’étape précédente – et comme finalement sur la plupart de ce circuit – il faut repartir en se hissant sur la ligne de crête sur des kilomètres, jusqu’à Lugagnac où je fais le plein des bidons à sec et un brin de toilette au bonhomme en surchauffe cet après-midi. Après le village, l’altitude continue globalement à monter avec des bosses qui s’enchaînent par paliers avec un replat en passant par Vidaillac. Dans la deuxième moitié d’étape, l’altitude commence à baisser dans les chemins de traverse après Puylagarde. Sur la dernière quinzaine de kilomètres menant à Najac, la route se vallonne à nouveau. Les ruines de la forteresse juchée sur les hauteurs annoncent la bourgade.
J’effectue mon dernier contrôle de la journée, puis continue pour me rapprocher du prochain pointage de Saint-Victor-et-Melvieu, 100km plus loin. En repartant, je fini de regagner l’altitude perdue pour atteindre Najac dans sa cuvette… pour redescendre immédiatement vers le lit de la Serène dans le soir… serein ! Encore une étape vallonnée, donc. Le soir s’installe déjà, les nuages prennent des teintes grises et rosées. La nuit va bientôt tomber pour espérer profiter de températures plus agréables. Progressivement, dans la nuit étoilée, les bosses se raccourcissent et deviennent moins accentuées. Toujours présentent, elles donnent une avancée qui n’est pas forcément très roulante. J’arrive à Réquista pour une pause nocturne de quelques heures, pour ne pas être trop tôt sur le site de Saint-Victor-et-Melvieu. Je repars 2h avant l’aube dans une belle descente jusqu’à Lincou où je continue à plat le long du Tarn. Sur l’autre rive, Brousse-le-Château superbement mis en valeur par l’éclairage public, forme un chaleureux îlot de lumière doré au cœur des ténèbres. Dans la vallée, les parois des gorges se dessinent en ombres chinoises dans la nuit profonde. Le petit jour finit par apparaître, et en quittant Le Truel, la route s’élève en montée continue mais irrégulière. À mi-chemin, le village de Melvieu se dévoile sur sa butte, signe qu’il faut encore grimper jusqu’au pointage de Saint-Victor-et-Melvieu.
Trouver le bon bourg n’est pas forcément évident. Jadis situé à Melvieu, ce contrôle a été déplacé depuis des années à Saint-Victor-et-Melvieu… Sauf que ce village ne semble pas exister ! Donc visiblement il n’est plus à Melvieu, mais s’agit-il pour autant de St-Victor tout seul ? Dans ce cas, pourquoi accoler les deux noms dans la liste des pointages du département ? Vu le caractère tatillon et psychorigide – en étant paradoxalement laxiste au sujet du vélo électrique, mais ce n’est que mon avis ! – de l’homologation de ces BCN / BPF, pas question de se planter et de pointer au village d’à-côté ! Bref, ne trouvant rien avec les deux noms, par sécurité je prends une photo – sous un ciel de plus en plus menaçant – de l’abribus qui est le seul endroit où figurent les deux noms ensemble. Et c’est reparti en restant sur un plateau autour de 650m d’altitude en direction de Saint-Affrique, où l’on peut apercevoir au loin la silhouette du viaduc de Millau. Puis la traversée de la ville au petit-matin se fait en ayant perdu près de la moitié de l’altitude… Qu’il faudra regrimper en direction de Roquefort-sur-Soulzon via le Col des Aiguières – depuis Saint-Jean-d’Alcapiès – avec un joli panorama sur les monts, les vallées et le boccage ; bien que la vue soit ternie par le crachin qui tombe depuis une heure.
Roquefort-sur-Soulzon, ou Roquefort tout court, c’est le village du célèbre fromage pour faire simple. Petit à petit le ciel s’assèche et la température monte vite. Je repars – ce qui devient une habitude – en regagnant les hauteurs, puis en longeant les rives du Tarn la route offre un bon répit, de Saint-Rome-du-Tarn à Millau. Le célèbre viaduc commence à apparaître timidement entre les hauteurs, dévoilant les extrémités de ses flèches au-dessus des rochers, puis se dévoile complètement en laissant le passage à ses pieds, entre deux piles monumentales. En s’élevant pour quitter Millau, un vaste panorama s’ouvre sur la ville étalée dans la vallée. En haut du rocher surplombant la longue bosse, les parapentes se disputent les airs avec les grands rapaces. La montée en lacets à finalement tout de l’allure d’un col, et il faut prendre 450m de dénivelé en grimpant entre les pins surchauffés, qui exhalent une agréable odeur de résine. La route se stabilise ensuite à plus de 850m d’altitude, et atteindre Le Maubert devient plus facile.
Pour pointer il n’y a pas 50 solutions. Le site se résume à une simple auberge accueillante. Après une pause rafraîchissement bienvenue c’est reparti à plat, puis la route redescend franchement vers Peyreleau – par des petits lacets bien pentus – au bout de quelques kilomètres. La route s’élève tout doucement du Rozier à Boyne, avant d’aller à la rencontre du Col d’Engayresque dans une pente raisonnable et relativement constante. Même s’il est assez long à grimper, avec ses 500m de dénivelé à rattraper, ce col semble moins fastidieux que la simple montée allant vers Le Maubert. J’atteins le sommet par un petit détour après être tombé nez à nez avec des accès d’autoroute. J’aurais pu m’épargner un petit kilomètre de montée, mais puisque je suis là, autant le grimper entièrement ce col ! Aller, demi-tour dans la légère descente. Dans le soir, les ruines du château de Sévérac trônant sur leur butte, dominent le village. Il n’a fallu redescendre que 200m d’altitude entre les deux cols avant d’attaquer celui de Lagarde, aussi la montée est courte et plutôt facile avec des pourcentages tout doux… pour s’achever en long faux plat. D’un col à l’autre je croise de nombreuses fois la voie SNCF, et la retrouve encore en haut du Col de Lagarde. Après le sommet et une amorce de descente, la route remonte plus haut et gagne de l’altitude. Étrange que la pancarte ne soit pas à ce niveau ! Le chemin se poursuit ensuite à plat, et à l’approche de St-Saturnin-de-Lenne l’altitude se décide à baisser. La fin d’étape jusqu’à Bozouls – que j’atteins au crépuscule – est ensuite très roulante. D’autant plus roulante qu’en passant par Malescombes, je suis poursuivi par un clébard teigneux déboulant de sa cour.
Je repars à l’aurore après avoir pointé et m’être ravitaillé dans une boulangerie du village. Très vite l’aube ramène dans son sillage des nuages de plus en plus menaçants et la pluie se met à tomber, plus drue qu’hier. Elle ne me lâchera pas de toute la matinée. Baudelaire (dans le Crépuscule du matin) me revient en mémoire : L’aurore grelottante en robe rose et verte… En tout cas une chose est sûre, la beauté éphémère du petit jour est soluble dans l’eau ! Rares averses (pré)disait pourtant la météo… La fraîcheur humide, la monotonie des longs bouts droits et la clarté entre chien et loup n’aident pas vraiment à tenir éveillé. Une Marie est en cage sur le bord de la route, et voici qu’apparaît un drôle d’oiseau emprisonné. Si la Protection Divine a besoin de barreaux, est-on sûr d’aller dans la bonne direction ? Dans cet univers triste, la deuxième partie d’étape redevient vallonnée. L’orage rafraîchi l’atmosphère et de la brume monte du relief. Le contraste est étonnant avec la fournaise d’hier. J’arrive à Conques dans une descente prudente avec cette pluie qui s’éternise.
La flotte entame un peu le charme du petit village, et disperse sans doute la présence de touristes… ce qui de ce point de vue n’est pas plus mal ! En repartant, la vallée du Lot est toute plate jusqu’à Livinhac-le-Haut puis une longue bosse se présente pour retourner dans le Lot après 360km passés dans l’Aveyron. Même si l’orthographe n’est pas la bonne, le hameau du Noyer me fait sourire ; je prends l’eau, mais je n’en suis pas encore là ! En passant par St-Jean-Mirabel la route croise le Chemin de Compostelle sur lequel deux pèlerins en poncho s’éloignent… sûrement aussi trempés que moi ! La fin d’étape est toute proche en prenant le petit chemin de traverse passant par Embiane. Dans la descente finale on peut admirer le panorama sur Figeac, terminus de ce circuit… Où un rayon de soleil réapparaît comme par magie. C’est pourtant écrit sur les panneaux en rentrant dans le département : « Ici, on est bien. Ici, on vit bien » ! Comme je n’y ai pas pointé à l’aller, il ne faut pas oublier de le faire maintenant, au retour.
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Le parcours Openrunner N°15309384 réalisé : 610 km
La feuille de route détaillée
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