À cause d’un choc ou d’une tentative de vol, le cadre d’un vélo et plus particulièrement son tube vertical (où est souvent attaché un gros antivol en U) peut avoir souffert. C’est une évidence, mais nous ne vivons pas forcément dans un monde idéal. Ici la traction à la barre de fer exercée par les abrutis, a bien écrasé le cadre… sans pour autant forcer l’antivol. Hélas, l’acier aminci en « double butted » est forcément très fragile aux crétins !
Voici l’étendue des dégâts. Énervant, mais au fond pas si dramatique. Sauf qu’un cadre, surtout en acier, ça vit, et c’est fait pour ça. La flexion dynamique du tube vertical risque d’être perturbée. Ça reste peut-être essentiellement théorique, mais surtout… c’est très moche !
En y réfléchissant bien, il y a un accès facile à ce tube du cadre… par l’intérieur, une fois la tige de selle retirée. Alors à partir de ce constat, voilà comment réparer ce genre de dégâts :
Nous allons construire un outil en deux parties : une pour redresser le tube de l’intérieur, et l’autre pour soutenir le cadre de l’extérieur, pour qu’il ne se déforme pas.
1°) La tige de redressement :
Ici le matériel est simple :
- Une tige filetée de gros diamètre : 18 ou 20mm selon le passage laissé par votre tige de selle. Pour un vélo classique avec une tige de 25,4 ou 26mm une tige de 18 convient ; et pour une tige de selle de 27,2mm il faudra une tige de 20mm est mieux adaptée.
- Quelques écrous prêts à être retaillés.
- Le manchon en bois dur percé au diamètre de la tige filetée et à l’extérieur correspondant à la tige de selle. Pour être universel, je l’ai taillé à 25,4mm d’un côté, et à 26mm de l’autre. Son rôle est de permettre à notre outil de glisser bien droit dans le tube du cadre pour éviter de le déformer. À défaut de pouvoir réaliser ce manchon, un bout de tôle ou de plastique roulé fera l’affaire… à condition de ne pas le laisser tomber dans le cadre !
- Une grosse rondelle, pour débloquer l’outil en cas de coincement, en prenant appui sur le manchon (donc réaliser un manchon, c’est mieux !)
Il faut retailler trois écrous à des tailles différentes pour permettre un agrandissement progressif du tube par l’intérieur. Mon diamètre de tige de selle est de 26mm. Je retaille donc les écrous en beaux cylindres de 25mm, 25,5mm et 26mm pour y aller en douceur. En fonction des dégâts cela aurait pu être : 24mm, 25mm et 26mm.
Si vous connaissez quelqu’un qui peut vous les usiner avec un tour à métaux c’est rapide, sinon… il faudra beaucoup de patience à la lime !
Montés en bout de la tige filetée, la différence de taille des écrous est évidente. Le plus petit est devant, et le plus grand derrière.
On les verrouille en les serrant ferment les uns contre les autres à l’aide d’une pince multiprise aux mors entourés de chiffons.
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On place ensuite le quatrième écrou, la rondelle, et le manchon en bois dur à l’autre bout de la tige filetée.
Il ne reste plus qu’à graisser les écrous avant d’insérer l’outil par le trou recevant la tige de selle… Et là, ça bute. Normal, vu que le cadre est enfoncé !
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Avant d’y aller en force, un peu de considération logique.
En tapant à la massette sur la tige filetée, l’extrémité avec les trois écrous calibrés risque fort de prendre le chemin le plus facile, en contournant les enfoncements du tube (flèche rouge) pour aller déformer le tube de l’autre côté (flèches vertes en face). Ce n’est évidemment pas le but recherché.
Avant de manier joyeusement du marteau, passons donc à la partie externe de l’outil !
2°) Les coquilles de protection :
Il nous faut un tube d’acier. On en trouve facilement de 1,5mm d’épaisseur (ne prenez pas plus fin !)
Si le vélo à un tube (et dérailleur avant) de 28,6mm un tube de 32mm de diamètre conviendra, et pour 31,8mm un tube de 35mm fera l’affaire.
On commence par fendre le tube soigneusement sur toute sa longueur. Si le tube est fabriqué en roulé-soudé (petit bourrelet rectiligne visible à l’intérieur), il vaut mieux fendre à cet endroit pour éviter toute déformation par la suite.
Prenons ensuite des vis Allen (6x30mm) et des manchons filetés, de profil hexagonal ou cylindrique.
Il faut limer les manchons en banane pour qu’ils prennent au mieux le profil du tube… Sans excès, pour ne pas passer au travers !
Ici, les manchons du bas ont maintenant la bonne forme. Il faut faire pareil aux quatre autres… à la lime ou délicatement à la disqueuse.
Les manchons épousent maintenant le profil du tube… Pas sur toute la longueur, mais ce n’est pas grave, au contraire.
En tout cas, ils sont prêts à être soudés.
Voilà, nous avons tout le matériel nécessaire… Il reste à assembler le tout !
Pour faire les choses proprement, on marque soigneusement l’emplacement de chaque manchon le long de la fente réalisée au départ.
Ensuite il faut faire tenir les manchons à l’aide de fils de fer bien serrés.
Pour faire tenir plus facilement les manchons bien droits, placer leurs extrémités contre une surface plate… qui ne craindra pas la chaleur !
C’est le moment de sortir le chalumeau !
Attention à ne pas brûler les fils, possible même sans contact direct de la flamme !
Voilà pourquoi il vaut mieux faire au moins deux tours… Ou prendre du gros fil, mais qui sera plus difficile à manier et à tendre suffisamment. À vous de choisir le compromis idéal !
Les manchons sont pointés à la brasure… Ils ne bougeront plus.
On peut maintenant les souder complètement, en commençant naturellement par le côté à l’opposé des premières brasures.
Bien faire soigneusement le tour de chaque manchon… En évitant de faire rentrer de la brasure dans le filetage des manchons !
Et voilà, c’est soudé !
On va faire la même chose de l’autre côté.
Donc :
- On commence par refendre le tube.
- On marque l’emplacement des manchons.
- On les maintient en place à l’aide des fils de fer. En passant d’un côté et de l’autre des manchons déjà soudés, les nouveaux tiennent plus facilement en place.
Le tube est à plat, et les manchons sont encore une fois verticaux pour garder plus de stabilité, y compris si on commence à brûler les fils à la flamme.
Étape délicate : scier les manchons pour libérer les deux coques. La scie à main est préférable à la disqueuse… Pour un résultat plus soigneux.
Voici donc les deux coques séparées.
Dans une des deux, il faut supprimer les filetages pour que les coques puissent se serrer convenablement l’une contre l’autre sur le vélo.
Ici les huit demi-manchons de la coque du bas ont été agrandis à 6mm. On ne touche pas aux filetages de l’autre coque !
Utilisation de l’outil :
La grosse tige filetée (avec les écrous retaillés et graissés) est insérée dans le vélo… Jusqu’à ce qu’elle vienne en butée contre l’enfoncement à corriger.
Pour ne pas marquer la peinture, enrouler deux ou trois tours de papier sur le tube à redresser. Une feuille A4 convient parfaitement. Légèrement humide, elle tiendra mieux en place le temps de visser les coques correctement.
On commence donc à visser les coques.
Si le papier plisse un peu, ce n’est pas bien grave.
Pour l’instant ne pas serrer les vis à fond.
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Serrer en plusieurs passages de forces successives, les huit vis comme on le fait d’une culasse auto ou moto dans les règles de l’art : le fameux serrage en croix, bien connu des mécanos.
En pratique : serrer en partant du centre, selon la séquence notée en rouge, et recommencer en deux ou trois passes (du N°1 à 8) jusqu’à obtenir un serrage ferme… mais sans excès. Il ne s’agit pas d’aplatir le cadre !
Tout est serré ?
Bien.
… Il n’y a plus qu’à taper de bon cœur !
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Avec des bons coups de massette, la tige filetée descend dans le cadre, jusqu’à venir en butée au niveau du boîtier de pédalier. Arrêtez de taper pour ne pas tout massacrer !
Une bonne indication sera d’avoir monté l’écrou à quelques centimètres au-dessus du maximum, avant d’insérer en force la tige filetée. Cet écrou est là, avec la rondelle, pour faire ressortir l’outil s’il y a coincement. En faisant pression avec l’écrou (sur le manchon de bois) à l’aide d’une clé plate, tout finira par remonter !
Recommencer quelques coups jusqu’à ce que l’outil coulisse (à peu près) librement dans le tube du cadre…
… Puis défaire les coques, en desserrant là aussi en croix, en plusieurs étapes.
Le papier à bien assumé son rôle d’amortisseur pour préserver la peinture… Vu son état une fois les coques retirées !
Si une légère déformation subsiste, ressortir la tige, remonter l’écrou anti-coincement, la rondelle, et le guide en bois (pour ne pas se blesser… ) et enfoncer la tige à bons coups de massette en forçant (à l’aide de votre poing fermé) l’entrée de la tige filetée à l’opposé de la zone enfoncée.
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Le résultat ne sera pas forcément impeccable si le tube est d’une série amincie, avec donc un diamètre intérieur plus grand que l’entrée de l’outil. C’est flagrant, en particulier avec les tubes modernes dits double ou triple « butted ». Le résultat est souvent meilleur avec des cadres anciens. Remarquez qu’ici il y a quand même un mieux indéniable !
Pour obtenir un résultat parfait, l’outil de finition est décrit dans cet article.
Bonjour,
J’avais essayé de redresser un poc dans le tube de selle d’un cadre acier de cyclocross en utilisant des douilles pour cliquet de 1/2 montées à l’envers sur la grande rallonge. C’était plutôt pas mal, sauf qu’avec le tube double butted, la douille rentre mais n’est plus assez épaisse pour bien finir le débosselage. il faudrait pouvoir faire un système de cône d’expansion comme sur les vieilles potences.
Mon, soucis actuel sur un autre cadre est un poc au niveau du tube oblique qui ne permet pas de rentrer un outil à l’intérieur. Je vais devoir braser une tige dans le creux et tirer dessus en chauffant au décapeur. Pour la finition, comme sur les vieilles voitures, étamage et un bon coup de lime douce, pas de sintofer …
Bonjour Michel,
Pour redresser un tube par l’intérieur de manière parfaite, il y a cet article sur la finition.
Ce qui marche bien aussi pour tirer un creux « à la tige » c’est le principe des chocs par inertie. Prévoir la tige assez longue avec une butée au bout, par exemple une tige filetée terminée par une grosse rondelle boulonnée. En insérant un poids avant de boulonner la tige, comme la masse sans le manche d’un gros marteau ou d’une massette, et en faisant coulisser brusquement la masse, qui vient s’écraser contre le boulon au bout de la tige (attention aux doigts !) on redresse le tube petit à petit sans réchauffer après l’ancrage de la tige.